Parcours

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Lecture politique du Rapport de la CEI

LECTURE POLITIQUE

DU

RAPPORT DE LA CEI

 

(Article paru dans le Journal « L'Indépendant » du mardi 25 mai 1999, relatif à l'assassinat du journaliste d'investigation Norbert Zongo)

 

 

 


 

 Suite à l'assassinat odieux de Norbert ZONGO et de ses trois compagnons d'infortune et surtout à la vague protestataire qui a ébranlé tout notre pays, toute sorte de proclamation de foi a été faite.

De l'honnête citoyen au premier magistrat de notre pays, en passant par les partis politiques, celui au pouvoir (CDP), ceux de l'opposition (Groupe du 14 février) comme ceux qui amusent la galerie, tout le monde a prétendu vouloir que les auteurs et les commanditaires de cet acte crapuleux, soient retrouvés et châtiés.

Pour montrer sa bonne foi, le gouvernement a aussitôt mis sur pied la Commission d'Enquête Indépendante.

Le CDP a sillonné toutes nos provinces pour se disculper contre toute éventuelle accusation, contribuant ainsi à sensibiliser nos braves populations et à les entraînés à se joindre aux manifestations d'indignation et de protestation déclenchées par le Collectif des organisations de masse et des partis politiques. Car, elle a paru suspecte aux yeux de nos populations des villes et des campagnes, cette attitude du CDP qui a consisté à vouloir se disculper alors que, personne ne l'accusait.

Aujourd'hui que la CEI a déposé son rapport, on était en droit de s'attendre à ce que tout ce monde réaffirme sa détermination à soutenir la manifestation de la vérité.

Avant même que la Justice ne soit saisie du dossier, ce sont les juristes du CDP qui se portent au-devant de la scène pour rejeter le Rapport de la CEI, en « suggérant » à la Justice de notre pays les vices que renferme ce Rapport.

Ce faisant, ils oublient que si notre Justice avait été capable, que si notre Justice avait la confiance de notre peuple, il n'aurait pas été nécessaire de créer une institution spéciale comme la CEI, pour mener les enquêtes sur cette affaire.

En menant à bien ces enquêtes, les membres de la CEI ont mérité de notre peuple. En s'acquittant de cette mission, la CEI a, du même coup, déclaré la faillite de notre Justice, de ses institutions et des hommes qui l'animent. Elle a, du même coup, déclaré la faillite de nos juristes du CDP, qui dans un réveil tardif, se posent en donneurs de leçon.

 Mais où étiez-vous, Messieurs les juristes du CDP, lorsqu'on assistait à la dérive de la Justice dans notre pays ? Ou étiez-vous, lorsqu'on incarcérait illégalement David OUÉDRAOGO dans les locaux du Conseil de l'Entente. Où étiez-vous, lorsqu'il a été torturé et tué ? Où étiez-vous lorsqu'il y a eu recel de son cadavre ? Ou étiez-vous, lorsque notre Justice, n'a pu mener les enquêtes préliminaires et d'urgence qui s'imposaient lors du crime crapuleux de Sapouy ? Où étiez-vous enfin, pour venir aujourd'hui formuler vos « suggestions » tardives ? Et quelles « suggestions » ? Plutôt parler de directives que le CDP donne à nos magistrats lorsqu'ils seront saisis de l'affaire.

Il est utile dans un premier temps de se pencher sur les interprétations suggestives du rapport faites par le CDP.

Les conclusions de la CEI, selon le CDP, « n'ont pas la valeur de la chose jugée. Elles ne sont pas directement exécutoires. Elles doivent être transmises au juge d'instruction déjà saisi par les voies normales ».

Ça, tout le monde le sait. Cette nature l'interdit de désigner des coupables.

Et cependant se sont les missions du CDP qui ont sillonné nos provinces pour dire aux populations, que le rapport de la CEI est un pétard mouillé en ce qu'il a été incapable de désigner des coupables.

Par ailleurs, nous sommes aussi, tout comme le CDP, dans l'attente que le sieur Jean-Emile SOMDA et le capitaine de gendarmerie Hermann TRAORÉ expliquent leur comportement, pour le moins, insolite. Comment se fait-il qu'après avoir, avec les autres membres, adopté le rapport, ils ont refusé d'y apposer leurs signatures ?

Mais d'ores et déjà, la réponse est connue. Des ordres de dernières minutes sont venues d'en haut.

Et pourquoi soulevé cette question, puisque, comme le reconnaît le CDP lui-même, le manque d'unanimité selon l'article 6 en son alinéa 2 du règlement intérieur de la CEI, ne remet pas en cause la valeur juridique du rapport. Les décisions s'y prennent à la majorité absolue de ses membres présents.

Les prétendues contradictions du rapport

Mais l'intention des juristes du CDP est manifeste lorsqu'ils évoquent le manque de consensus. Ils veulent « suggérer » le caractère partisan du Rapport. Manœuvre dilatoire !

Description des tueurs-grilleurs d'hommes

 Le CDP reproche aux membres de la Commission de n'avoir pas procédé à la confrontation des témoins dans la mesure où leurs dépositions sont apparues contradictoires.

Voyons en quoi ?

Un des témoins affirme avoir vu trois hommes dont l'un à l'arrière du véhicule en train d'attacher un mouton blanc. Ce dernier « était vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise blanche ». Le deuxième était « vêtu d'une chemise carrelée ». Quant au troisième, « il avait beaucoup de cheveux » (Rapport CEI, p.7).

Le second témoin affirme qu'il ne se « rappelle plus de leur habillement, ni de leur teint ».

Le troisième témoin qui a assisté à toute l'opération, parle de « quatre hommes vêtus de tenues sombres avec des épaulettes. Ils portaient une coiffure qui descendait jusqu'au visage ».

Une « coiffure qui descendait jusqu'au visage » ! Les cagoules en question.

Il n'y a rien de contradictoire dans les affirmations des témoins. La corpulence des tueurs-grilleurs d'hommes n'étant pas ici en cause, nous nous y attarderons pas.

Les assassins grilleurs sont arrivés sur les lieux, cagoulés. Depuis le drame de Sapouy, la population de Ouagadougou est habituée aux exactions de ces hommes cagoulés.

Leur forfait réussi, certains des tueurs-grilleurs, se sont dé-cagoulés ; ce qui a permis au premier témoin, qui n'a pas été un témoin oculaire au moment de l'assassinat et du grillage, de constater qu'un des hommes « avait beaucoup de cheveux ».

Le témoin oculaire a parlé de quatre hommes alors que les deux autres ont parlé de trois hommes. Le CDP en déduit des « contradictions dans les déclarations des témoins quant au nombre des occupants du véhicule des assaillants». Ce sont ces tueurs et grilleurs d'hommes que le CDP appelle «assaillants », malgré les conclusions du Rapport de la CEI. C'est le droit du CDP d'avoir des sympathies pour de personnes aussi exécrables que ces « tueurs et grilleurs d'hommes », mais quant aux prétendues contradictions qu'il soulève, nous voyons leur solution ailleurs.

Le deuxième témoin fait clairement ressortir qu'un des tueurs et grilleurs d'hommes qu'il a vu « venait vers le véhicule, côté gauche de la chaussée, en train de boucler la ceinture de son pantalon ». On devine aisément qu'il était parti se soulager. Il y a vraiment de quoi, après un tel forfait. Il y a de quoi vomir, en réalité !

Par conséquent, les témoignages ayant porté sur différents moments du drame, le nombre des « assaillants » peut avoir varié selon le moment décrit ; les « assaillants » étant mobiles, après leur forfait réussi : un tel pour se soulager, tels autres pour peut-être immoler en sacrifice le « mouton blanc » amené avec eux dans le véhicule. Sinon comment comprendre, que des hommes ayant pour mission d'aller « faire » d'autres hommes, s'encombrent d'un « mouton blanc » dans de telles circonstances ? Les gens de Ouagadougou sont accoutumés au carnage de gros ruminants et de volailles, que l'on immole en sacrifice, chaque fois que des intérêts politiques sont en jeu dans ce pays. Si cet abattage d'animaux choque moins (bien que Brigitte BARDOT serait d'avis contraire), cela devient vraiment intolérable quand il s'agit de personnes humaines que l'on immole pour des raisons sordides. Là, trop c'est trop !

La CEI a eu raison, à notre avis, de ne pas s'être attarder à confronter les divers témoignages. Elle aura dû cependant chercher à savoir ce qu'est advenu du « mouton blanc » que les tueurs et grilleurs d'hommes ont amené avec eux sur les lieux du crime.

De la nature du liquide inflammable qui a servi à griller Norbert Zongo et ses trois compagnons d'infortune

Le CDP cherche des poux sur un crâne rasé : celui du témoin oculaire qui se tenait à distance, camouflé dans un bosquet où il s'y trouvait en train de cueillir des plantes médicinales, lorsque les « assaillants » survinrent. « Ils ont, nous dit-il, tiré ; ils ont arrosé avec de l'essence et ils ont mis le feu dont je ne saurais préciser avec quoi ».

 Que par la suite, l'expert en incendie, Mamadou BAHIKORO disent « dans un premier temps que l'incendie a été provoquée par aspersion de liquide à base d'alcool et dans un deuxième temps, que le moyen utilisé est l'essence », ne change rien à l'affaire. Il s'est agi manifestement d'une coquille dans la saisie du texte.

Il faut être en cours d'argument pour s'accrocher à une telle futilité. Norbert ZONGO et ses trois compagnons ont été tués ; leurs corps ont été ensuite aspergés d'un liquide puis brûlés. Voilà ce qui importe aux yeux des citoyens honnêtes que nous sommes.

Pour le Burkinabè moyen, encore plus pour ce témoin oculaire qui est un de nos braves bergers peulh, un liquide qui sert à brûler aussi intensément et de façon aussi fulgurante, ne peut être que de l'essence. La distance à laquelle il se tenait caché et son horizon scientifique ne peuvent lui permettre d'établir une distinction entre divers types de liquides inflammables (éthylène, carbure ou je ne sais quoi d'autre). Cela est une affaire d'expert.

La prétendue contradiction flagrante dans le cheminement même de l'enquête

La CEI, pour avoir affirmé dans son rapport que le mobile du « crime » (les guillemets sont du CDP), réside dans les «enquêtes dérangeantes de Norbert ZONGO », lui vaut l'accusation portée par le CDP, de partis pris.

La CEI aurait dû, selon le CDP, « rassembler les éléments à charge et à décharge » plutôt que de se contenter « d'affirmations non étayées de preuves».

- La CEI a passé en revue toutes les pistes que l'on a suggérées lors de l'événement, et ne les ait pas jugées crédibles (Cf. Rapport CEI, pp.17-21)

Elle a par contre retenue celle, qui enrage les juristes du CDP.

Examinant les mobiles du crime, la Commission a privilégié l'activité professionnelle de Norbert ZONGO, spécialisé dans le « journalisme d'investigation » et dont les enquêtes étaient fort dérangeantes pour ceux qui nous gouvernement (CF. Rapport CEI, pp.21-25) :

Ce sont toutes les affaires de crimes économiques et de sang, si dérangeantes pour les hommes du pouvoir qui étaient abordées à travers les colonnes de L'Indépendant.  

 Surtout la dernière et non la moins importante affaire, celle de David OUÉDRAOGO, arrêté et détenu dans les enceintes du Conseil de l'Entente et qui succomba par suite des tortures subies le 18 janvier 1998.

Une affaire de « vol d'argent » qui se règle non à la gendarmerie, ni à la police mais dans l'antre du crime organisé, le Conseil de l'Entente.

Ce que Norbert ZONGO a dénoncé dans L'Indépendant n° 229 du 13 janvier 1998, en ces termes :

« Nous ne cherchons pas à savoir s'il y a eu un vol, cela ne nous regarde pas. (…). Ce qui nous préoccupe, c'est l'incarcération des suspects au conseil (…) ; nous sommes dans État de droit paraît-il.

Le Conseil, jusqu'à preuve du contraire, n'est ni une brigade de gendarmerie, ni un commissariat de police. »

Suite à cette dénonciation, une affaire de « vol d'argent » suivi de mort d'homme se transforme subitement en une affaire « d'atteinte à la sécurité de l'État ».

 C'est en torturant David OUÉDRAOGO afin qu'il avoue le vol, que l'on a découvert qu'il préparait un coup d'État.

Et quelle preuve avance-t-on pour impliquer David OUÉDRAOGO dans une affaire sordide d'atteinte à la sécurité de l'État ? La découverte d'une kalachnikov, avec un chargeur rouillé de 70 cartouches, trouvée dans son véhicule, constitue la preuve.

La preuve est bien mince en effet. Le fait de posséder une arme de guerre n'est pas une preuve suffisante d'implication à une tentative de coup d'État.

En outre Norbert ZONGO avait lui-même fait état de la « précarité » de sa situation « inhérente à l'exercice de son métier de journaliste. Il avait reçu plusieurs fois des menaces (verbales et écrites) de la part des hommes du pouvoir ou de leurs hommes de main. Le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, Dramane YAMÉOGO en a donné témoignage. Il a échappé à une tentative d'enlèvement dans la nuit du 24 mai 1994, organisée par des hommes à bord de deux véhicules dont l'un avait une plaque d'immatriculation à fond rouge.

Norbert ZONGO, était conscient que ce sont ces articles « essentiellement politiques » dans lesquels il ne faisait que critiquer « les grandes orientations politiques de l'État » qui lui valaient ces menaces.

« On va m'assassiner », s'était confié Norbert ZONGO.

Il avait, par pressentiment, pointé du doigt, à l'avance, les auteurs d'un crime sur sa personne :

« … je ne me connais pas d'ennemi particulier. Je tiens à vous informer que je prends les autorités de mon pays pour seules responsables de tout ce qui pourrait m'arriver »

 

L'affaire David OUÉDRAOGO dérangeait véritablement le pouvoir, puisque, on peut le supposer légitimement, avant que l'on ne se résolve à l'idée de l'assassinat, des démarches ont été commanditées auprès de Norbert ZONGO afin qu'il cesse d'en parler.

Il ressort clairement d'un témoignage, celui de Roger Clément YAMÉOGO, que notre procureur du Faso, Dramane YAMÉOGO a été mandaté par le Président Blaise COMPAORÉ en personne, pour obtenir de Norbert ZONGO, un adoucissement de ses prises de position dans cette affaire. Bien entendu le Procureur dénie avoir été mandaté par le Président Blaise COMPAORÉ.

Notre richissime national, Oumarou KANAZOÉ, après avoir soutenu devant la Commission qu'il n'a jamais entendu parler de Norbert ZONGO a fortiori l'avoir déjà rencontré a fini par être confondu et a avoué avoir été contacté par trois individus dont un ami de Norbert ZONGO. Il aurait consenti à envoyer cet ami de Norbert ZONGO, lui demander quelles étaient ces conditions. Une fois en possession des conditions (présenter les condoléances et des excuses à la famille de David OUÉDRAOGO, indiquer le lieu où il a été enterré en cachette et la prise en charge des orphelins qu'il laisse derrière lui ), Oumarou KANAZOÉ a promis prendre contact avec le chef de l'État (selon l'un) avec le « petit Chef de l'État » (selon l'autre) pour voir la suite qui sera donnée à cette requête.

Cette intervention de Oumarou KANAZOÉ est corroborée par la veuve de Norbert ZONGO. Elle mentionne aussi celle de cet opérateur économique qu'est Frank Alain KABORÉ qui aurait été envoyé par Salif DIALLO. Mais Frank Alain KABORÉ et Salif DIALLO nient tout.

Tout comme Alizéta Gando OUÉDRAOGO, mise en cause, niera toute intervention de sa part dans l'affaire.

Et pourtant X soutient avoir été envoyé par Oumarou KANAZOÉ, Alizéta Gando OUÉDRAOGO pour faire des propositions à Norbert ZONGO et à sa famille. Le même soutient que Frank Alain KABORÉ a été envoyé par François COMPAORÉ dans le même but.

Manifestement, l'affaire David OUÉDRAOGO dérangeait. Il dérangeait tellement que les trois « coordinateurs du Faso » (Blaise COMPAORÉ, Oumarou KANAZOÉ, et Alizéta Gando OUÉDRAOGO) à moins qu'ils ne soient quatre (en y ajoutant Frank Alain KABORÉ), aient mis tout en œuvre pour l'étouffer.

Nous nous somme laissé dire, qu'un des membres de cette coordination, conversant avec un étranger, a affirmé que ce pays, n'était que la chose de trois familles : la famille de Blaise COMPAORÉ, la Famille Oumarou KANAZOÉ et la famille Alizéta Gando OUÉDRAOGO. Quel triste sort, que celui que connaît aujourd'hui le Burkina Faso, le pays des hommes intègres.

En outre dans un de ses derniers écrits, Norbert ZONGO interpellait le chef de l'État en ces termes : « Monsieur le Président du Faso, si on parlait de vos biens personnels? ».

Au regard de tous ces faits, la CEI pouvait-elle privilégier autre piste que celle retenue par elle ?

En explorant cette piste, la CEI a abouti à la désignation de sérieux suspects dans l'affaire David OUÉDRAOGO et de Norbert ZONGO, la liaison entre les deux affaires ayant étant établie de façon irréfutable: les soldats Christophe KOMBACÉRÉ et Ousséni YARO, le Caporal WAMPASBA NACOULMA, les sergents Banagolo YARO et Edmond KOAMA et l'adjudant Marcel KAFANDO.

Tous ces éléments suspectés sont du Régiment de la Sécurité Présidentielle.

Que la commission ait établi un lien irréfutable entre l'affaire de David OUÉDRAOGO et l'assassinat de Norbert ZONGO, Cela nos juristes du CDP ne peuvent le tolérer. Mais au lieu de s'attaquer à des vices de forme du Rapport, on se serait attendu, pour des juristes, qu'ils s'investissent à prouver le contraire. Que le CDP fournisse un autre Rapport à l'appréciation du peuple et l'on verra.

Les deux poids deux mesures de la CEI en ce qui concerne l'audition des personnes

Quand il s'est agi des témoins en charge, la CEI admet « qu'à l'épreuve du temps, la mémoire s'est étiolée, enlevant aux souvenirs la précision que l'on aurait souhaitée ».

Cette circonstance atténuante, n'a pas été retenue par la CEI, en ce qui concerne les « sérieux suspects » (les guillemets sont encore le fait du CDP).

Un des témoins auditionnés, a eu, au moins, l'honnêteté d'affirmer : << Compte tenu du temps passé, je suis incapable de décrire les trois personnes>>.

Ne se souvenant pas, il a préféré ne pas mentir. Il n'avait rien à se reprocher.

Mais pour les personnes que la CEI a déclarées, pour respecter les formes, « sérieux suspects» (car c'est peu dire), au regard des éléments qui les accablent, ils se sont embrouillés dans la fabrication d'alibi dont la fantaisie rivalise avec le manque d'ingéniosité mise à les établir (Cf. Rapport CEI, pp.28-32).

Contrairement aux déclarations du CDP, la CEI n'a demandé à aucun des suspects sérieux, « qui ne s'y attendait pas (et pour cause ! L'impunité qui a toujours prévalu dans notre pays oblige : « si tu fais, on te fait, et il n'y a rien »), de décliner avec une précision d'horloge son emploi du temps des mois après ».

Mais lorsqu'on ne peut se souvenir de son emploi de temps des mois après, et lorsqu'on a la conscience tranquille, au lieu de s'embrouiller dans des mensonges incohérents on se doit d'observer l'attitude de ce témoin qui, dans son honnêteté, a avoué être incapable de décrire les tueurs-grilleurs d'hommes, trois mois après l'événement.

Ces mensonges éhontés de ces suspects sérieux font qu'on ne peut les mettre sur le même plan de traitement avec les citoyens honnêtes qui ont pris un grand risque, en témoignant.

 

La responsabilité du CDP vis-à-vis des crimes politiques et de la culture de l'impunité qui prévalent dans notre pays

Le CDP se prévaut d'être le parti au pouvoir. On se rappelle la déclaration cynique d'un de ses dirigeants : que l'opposition s'oppose, et que le parti au pouvoir gouverne (ou quelque chose du genre).

Eh, bien, messieurs vos excellences et vos honneurs, gouvernez ! Gouvernez les hommes et les biens de ce pays. Mais aussi gouvernez les crimes qui s'y commettent.

Mais gouverner c'est être responsable en chef, de l'état de l'économie de notre pays, du sort des hommes qui y habitent, et des cultures (comme celle de l'impunité) qui y prévalent. On ne saurait prendre que les bons côtés du gouvernement (le pouvoir, les honneurs, la richesse, etc.). Il y a aussi les mauvais côtés (être comptable des échecs, des travers, de la mauvaise gestion, des souffrances que le peuple endure, des crimes contre les citoyens, etc.). Alors quand il s'agit de cela, messieurs du CDP, vous ne saurez vouloir vous dérober. Il faut assumer.

 

L'opposition quant à elle s'opposera à votre façon de gouverner

Elle s'opposera aux crimes de sangs, aux crimes économiques et à la culture de l'impunité qui prévalent sous votre gouvernement. Voilà en ce qui concerne votre responsabilité pleine et entière dans le crime de Sapouy.

Qu'avez-vous fait lors de la détention illégale de David OUÉDRAOGO, et du mauvais traitement qui lui ont été infligé. Avez-vous, seulement interpellé François COMPAORÉ (membre du Bureau Politique du CDP) afin qu'il vous rende compte, de ce dossier de vol qui se traite, dans un État de droit (que vous ne cessez de proclamer), non à la Gendarmerie, ni à la Police, mais au Conseil de l'Entente ? Avez-vous seulement attiré son attention sur la dérive en train de s'opérer ? Bien sûr que non ! Chacun de vous, Messieurs vos Excellences et vos Honneurs, se préoccupaient de veiller sur ses sous.

Lorsque David OUÉDRAOGO est mort et qu'il a été enterré subrepticement à l'insu de sa famille, vous êtes-vous élevés contre une telle pratique indigne d'un État de droit ?

Est-ce que vous osez seulement le faire ? N'Gaw ! Lorsque Norbert ZONGO dénonçait tous les travers de votre régime, avez-vous seulement pris en compte ses critiques et tenter d'entreprendre les redressements qui s'imposaient ? Non, bien sûr. Pour vous il n'était qu'un pauvre aigri. Le chien aboie et la caravane passe.

Un des vôtres sait ce qu'il en coûte d'évoquer le fait que « la morale agonise dans notre pays ». En tout cas, il n'est plus prêt à recommencer. Lorsque Blaise COMPAORÉ a voulu réviser l'article 37 de la Constitution, y a-t-il eu une seule voie qui se soit élevée pour lui dire qu'il commettait là une erreur ? Bien au contraire, c'est à l'unanimité de vos représentants à l'Assemblée Nationale que vous avez voté cette révision.

Blaise COMPAORÉ, président à vie, l'avenir est tranquille pour vous qui ne cessez de vous engraissez chaque jour davantage.

Les multiples dossiers de crimes économiques qui pourrissent dans les tiroirs de nos juges, vous empêchent-ils de dormir ?

La liste peut ainsi s'allonger indéfiniment à souhait. Par votre courageuse lâcheté, et votre avide cupidité, vous avez laissé la situation pourrir, jusqu'à ce que le peuple poussé par un ras-le-bol, ait envahi les rues.

Alors, messieurs vos excellences et vos honneurs, gouvernez. Car quand bien même vous voudriez vous opposer aujourd'hui, vous ne le pourrez pas. Il est déjà trop tard.

Vous êtes donc responsables de ce qui arrive aujourd'hui. Et ce, en attendant d'être déclarés coupables au même titre et au même degré, s'il était établi que les commanditaires du carnage de Sapouy, évoluaient en votre sein. Vous l'êtes déjà pour bien de choses.

On comprend donc, pourquoi vous êtes pris de peur panique et cherchez à jeter le discrédit sur le Rapport de la CEI. Ce n'est qu'un seul rapport, parmi tant d'autres qui doivent être diligentés.

A la place de Blaise COMPAORÉ, je vous mettrai tous à votre place, là où vous méritez d'être plutôt que dans les lieux augustes comme l'Assemblée Nationale que vous ne cessez de profaner. Mais comme le dit l'adage populaire, « tu me tiens, je te tiens la barbiche ». Il y a aujourd'hui tant de coupables que Blaise COMPAORÉ ne peut plus les punir sans courir un réel danger.

 

Une suggestion finale qui a l'air d'un refrain du début

 

Puisque le rapport de la CEI affirme n'avoir pas pu établir de preuves formelles « permettant de désigner les auteurs des faits survenus à Sapouy le 13 décembre 1998 », le CDP suggère, « que le rapport et les pièces qui l'accompagnent soient transmis à brève échéance à la justice et qu'à ce niveau tous les moyens soient mis à la disposition de celle-ci pour que diligence soit faite dans le traitement du dossier. Cela permettra de couper court aux rumeurs et aux intoxications qui ne cesseront qu'avec une suite judiciaire définitive et rapide à ce dossier »

  Vraiment, quand on n'a rien à suggérer, on « mange et on se tait ». Les actes (décrets) de création de la CEI ne prévoyaient pas que celle-ci se mue en une instance judiciaire pour juger d'éventuels suspects en vue de les condamner comme coupables. Elle avait un délai de quatre mois pour déposer les conclusions de ses investigations entre les mains du chef de gouvernement. Il revenait à ce dernier de saisir les instances judiciaires compétentes.

Donc la « suggestion » des juristes du CDP, n'apporte rien de nouveau à ce que l'on sait.

 

Les pas de géants de la CEI comparés aux sauts de puces de la Justice  

Par contre la suggestion que nous allons faire ne sera pas de leur goût, en ce qu'elle sort des sentiers battus, et remet en cause les intérêts auxquels ils sont attachés.

Il y a lieu de dire que l'institution de la CEI est une victoire de notre peuple. C'est une victoire en ce qu'elle déclare la faillite totale de nos institutions judiciaires auxquelles notre peuple n'a plus confiance.

La CEI par la publication de son rapport s'est acquittée d'une mission qui était celle de notre justice si elle était digne de son nom.

Si ce rapport contient des insuffisances, il constitue cependant un pas de géant comparé aux sauts de puces dont notre justice n'aurait été que capable de faire.

C'est pourquoi, ayant failli dans l'exécution des enquêtes relatives à l'assassinat crapuleux de Norbert ZONGO et de ses trois compagnons, elle est inapte à en juger. Depuis le début, tout cela est implicite.

Mais pour ceux qui, comme nombre d'entre vous, ont désappris à penser, leur tube digestif (devenu un organe autonome vers où tout se ramène) ayant supplanté leur cerveau, il faut mâcher les choses pour les leur rendre explicites et compréhensibles.

Il faut un vrai chamboulement de notre justice, pour la rendre apte à juger de cette affaire. Sans la confiance de notre peuple à cette justice, aucune de ses décisions ne pourra être juste.

Messieurs les juristes du CDP, l'affaire déborde le cadre étroit de la justice. Elle vous dépasse.

Dès le départ elle a revêtu une dimension politique, non du fait de la volonté de l'opposition de l'exploiter à des fins politiciennes, mais du fait de la rupture de confiance entre les gouvernants et les gouvernés.

Le peuple n'a plus confiance en la IVe République et en ces institutions et en ces hommes qui les animent. La IVe République, a failli et avec elle, ses institutions et ses hommes.

Si ceux qui nous gouvernent ne s'acquittent pas des devoirs qui font d'une souveraineté une puissance absolue que l'on ne saurait remettre en cause sans se remettre soi-même en cause, il s'instaure une crise de confiance.

Quels sont ces devoirs pour lesquels la IVe République a failli. On peut les énumérer, sans le risque de se tromper comme suit :

- assurer aux citoyens ce pourquoi l'État a été institué : la sécurité ;

- garantir aux citoyens l'égalité devant la loi et devant les charges publiques, l'instruction et l'éducation, le bien-être ;

- fournir du travail à chacun et lutter contre l'oisiveté ;

- prendre en charge, par l'institution d'une assistance publique, ceux qui sont incapables de travailler (les vieux, les handicapés et les divers marginaux) au lieu de les abandonner, errant dans la rue, aux aléas de la charité privée ;

- veiller à ce que la richesse nationale soit équitablement répartie et qu'elle ne soit accaparée par l'avidité de quelques-uns qui s'enrichissent chaque jour davantage par les moyens de la corruption, du détournement et du vol, pendant que l'immense majorité à de la peine à survivre.

- le souverain doit tirer, avant tout, gloire du bien être de son peuple et non s'isoler dans une perpétuelle adoration de lui-même que ses courtisans ne font qu'entretenir.

Si le souverain se détourne de ces nobles objectifs, s'il se corrompt au point de ne plus pouvoir assurer aux citoyens la sécurité, la justice et le bien-être pour lesquels il a été institué, ceux-ci sont déliés de toute obligation vis-à-vis de lui. Il légitime par ce fait, les rebellions et les désobéissances de toute nature. Il n'y a de souverain que de sujets soumis.

C'est cela même que recommande la Constitution: « le droit à la désobéissance civile est reconnu à tous les citoyens».

C'est ainsi qu'il faut lire la crise qui secoue notre pays depuis plus de cinq mois. Et la mort de Norbert ZONGO n'a été qu'un puissant détonateur. La crise est politique et exige une solution politique.

Il est vain de persister à trouver des artifices juridiques pour la juguler. Il est vain de recourir aux services de mercenaires internationaux du barreau (tel M. SUR, personnage douteux et incertain s'il en fût), pour se sortir de l'impasse ou. Tout cela ne fait que couvrir le régime d'opprobre.

Les tribulations et gesticulations intéressées de cet autre courtisan international, le nommé M. GUION, qui vole de palais présidentiel en palais présidentiels (hier au service du despote du Tyran de Bagdad, puis de celui de Nounation, et aujourd'hui arpentant les allées du pouvoir à Ouagadougou), s'enrichissant sur la pauvreté matérielle des peuples et la richesse en vices de leurs dirigeants.

Les Messieurs SUR et autre GUION sont redevables aux contribuables burkinabè. C'est à leur détriment et avec la complicité de ceux qui nous dirigent, qu'ils bâtissent leur fortune. De tels mercenaires de la parole et de la plume (les Bob DENARD nouveau style) devraient faire, un jour, l'objet de poursuite judiciaire internationale, pour incitation à l'assassinat des peuples par les moyens des crimes économiques et de sang.

 De même la mise en « état de siège et d'urgence » vers où l'on semble s'acheminer n'est pas non plus une solution. Elle ne fera qu'entraîner le pays dans une situation de guerre civile.

Il faut prendre le taureau par les cornes et solutionné politiquement cette crise.

 

Les nons-dits de l'analyse juridique du CDP

  •  Il y a eu bel et bien recel de cadavre en ce qui concerne David OUÉDRAOGO.

Le Président Blaise COMPAORÉ était bel et bien au courant de l'incarcération illégal de David OUÉDRAOGO dans les locaux du Conseil de l'Entente.

Son chef d'état Major particulier, le lieutenant-colonel Gilbert DIENDÉRÉ l'a confirmé (Rapport de la CEI, pp.23-24)

Son Ministre de la Justice, à l'époque Larba YARGA l'a aussi corroboré (Ibid., p.24).

Quant au décès de David OUÉDRAOGO, le lieutenant-colonel DIENDÉRÉ, pense que le Chef de l'État en a été aussitôt informé bien avant lui.

Pour ces faits, le Président Blaise COMPAORÉ a manqué à son devoir et à son engagement de faire appliquer la justice. C'est pourquoi, il aurait dû, si notre Justice et notre Assemblée Nationale étaient dignes de ces noms, être traduit devant la Haute Cour de Justice.

François COMPAORÉ était déjà au courant du décès de David OUÉDRAOGO, lorsque l'adjudant Marcel KAFANDO a voulu l'en informer.

Le même Marcel KAFANDO prétend en avoir aussi informé le commandant Boureima KÉRÉ et le Procureur du Faso, Dramane YAMÉOGO.

« La décision a été prise de procéder à l'enterrement de David Ouédraogo après une concertation entre le commandant Kéré Boureima, François Compaoré et moi-même, et après avis du Procureur du Faso » (PV n° 99-60 du 16/03/1999 du rapport de la CEI).

Il y a donc bel et bien recel de cadavre. Et François COMPAORÉ n'est pas le seul concerné dans cette affaire. Le commandant KÉRÉ et le Procureur du Faso, le sont aussi.

Le Procureur du Faso se devait de faire ouvrir une enquête pour éclaircir les circonstances de cette mort. Au lieu de cela, il se fait complice du recel de cadavre.

Le chef d'état-Major de la gendarmerie de l'époque, Djibril BASSOLET, reconnaît que lorsqu'ils ont appris la mort de David Ouédraogo « des suites de mauvais traitement » une enquête soit sur instruction du Procureur du Faso, soit de sa propre initiative aurait dû être ouverte (Rapport CEI, p.25).

Notre système judiciaire a failli de bout en bout dans cette affaire. C'est le moins que l'on puisse dire.

  •  Que sont devenus et les véhicules et les armes du crime ?

 - le véhicule 4 x 4 de couleur bleu foncé sans immatriculation des tueurs-grilleurs d'hommes ;

 - le « troisième véhicule de couleur blanc sale » qui s'est immobilisé sur les lieux du crime et dont le chauffeur a procédé au relèvement de numéro d'immatriculation du véhicule de Norbert ZONGO, avant de poursuivre sa route vers Léo ?

 - le véhicule identifié comme étant une Peugeot 405 break de couleur verte avec « deux jeunes de teint noir » à bord ?

 Les armes du crime désignent leurs auteurs.

Norbert ZONGO et ses trois compagnons d'infortune ont été abattus au moyen d'un revolver de calibre 38 spécial ou 357 Magnum et de fusils de chasse semi-automatique en calibre 12.

L'expert en balistique affirmera « que nous sommes en présence d'une arme semi-automatique ou à répétition manuelle dit « à pompe » de marque Valtro »

Cette dernière arme peut avoir plusieurs configurations. Mais eu égard aux indications du témoin oculaire, la CEI a retenu la configuration qui répond au «fusil du type police ou militaire sans crosse, muni d'une poignée pistolet, d'un canon court avec rallonge de magasin tubulaire ».

Pour trouver ceux qui sont dotés de ces armes sophistiquées au Burkina Faso, il ne faut pas aller fouiner, du côté de nos policiers, de nos gendarmes, ni de nos simples soldats. Il faut chercher du côté de la garde présidentielle. Et le rapport de la CEI est suffisamment clair à ce sujet.

 

  • Le refus du lieutenant-Colonel Nazinigouba OUÉDRAOGO, médecin personnel du Président du Faso, de déposer devant la CEI, sous l'argument du secret médical.

Or le décret du 18 décembre 1998 portant création de la CEI, lui reconnaît en son article 22, dans le cadre de ses attributions, le pouvoir de convoquer toute personne, requérir toutes expertises jugées utiles. L'article spécifie qu'en aucun cas, les personnes auditionnées ne peuvent opposer à la Commission « le secret professionnel ou le secret défense ».

Pourquoi donc, le médecin personnel du Président du Faso, se place-t-il au-dessus de la loi ?

Le serment d'Hippocrate ne reconnaît pas seulement le droit de garder le secret professionnel, mais recommande aussi l'observance d'une certaine éthique d'honnêteté, et de respect de la vérité.

Or notre lieutenant-colonel, médecin chef de l'infirmerie de la présidence, a fait acte de parjure. Il a osé, en dépit des faits, déclarer dans le certificat de décès de David OUÉDRAOGO, que celui-ci « est décédé le 18 janvier 1998 à 06h 50 de sa maladie », tout comme cet autre médecin militaire, le commandant Alidou DJÉBRÉ qui a établi l'acte de décès du Président Thomas Sankara, « mort de mort naturelle ».

Décidément au Burkina Faso de Blaise COMPAORÉ, on ne meurt jamais de sa mort !

Miché le docteur, quelle maladie que David OUÉDRAOGO est mort !

David OUÉDRAOGO était ici, neuf-neuf comme le 404 qu'on vient d'acheter au CICA-Burkina. Mme François Compaoré a dit qu'il a pris son ag-gent. J'ai pensé que je pouvais avoir pour moi le bénéfice. Peut-être 50 %, 20% ou 10%.

Et voilà, miché le docteur, vous venez me dire le mauvais nouvelle, comme les gens disaient que le triste nouvelle, que David Ouédraogo est mort de sa maladie. Comme il est mort de vraie maladie, il t'a envoyé de venir me dire, qu'il est mort hein ! Quelle maladie, miché le docteur ? Quelle maladie que David Ouédraogo est mort ?

Il faut aussi que vous allez lui dire que, s'il veut mourir, je ne peux pas refuser. L'homme ne pas changer le destin de l'octre. S'il veut mourir, qu'il envoie d'abord mon l'ag-gent (c'est-à-dire 50% de l'ag-gent qu'on a dit qu'il a volé, c'est-à-dire tu fais le multiplier par trois et le division par deux)

Allons ! Allons, miché le Docteur. Allons à l'infirmerie de la Présidence pour que tu vas réveiller David OUÉDRAOGO, pour qu'il dise où il a caché l'ag-gent du petit Président.

David Ouédraogo était neuf-neuf comme le 404 qu'on vient d'acheter au CICA-Burkina. Il est venu te voir, pour que tu lui piques une piqûre pour qu'il parte dormir avec l'ag-gent de François Compaoré. Il faut que tu vas lui piquer l'autre piqûre, il se lève et il fait le pagtage. Après s'il veut mourir qu'il mort kè !

Voilà miché le docteur. Moi je n'ai même pas d'abord un problème avec toi.

Les gens sont vraigment malheureux au Boucaner facho !

Et il ne faut pas faire que je ris hein ! Alors que ce n'est plus le temps de rire.

 

C'est ainsi qu'un certain Jean Miché KANKAN nous aurait fait rire, en parlant d'une question aussi dramatico-tragique.

Or les codétenus de David OUÉDRAOGO ont témoigné.

Hamidou ILBOUDO a affirmé que lui et David OUÉDRAOGO ont été couchés «sur le dos, au-dessus d'un feu de bois, pieds et bras préalablement attachés ». Il nomme certains des militaires qui les ont ainsi « brûlés » : « les nommés Edmond et YARO »

Quant à Adama TIENDRÉBÉOGO, il affirme entre autres :

« David, lui, avait été amené à l'écart et après lui avoir attaché les pieds et les mains, les militaires lui passaient les flammes sur le corps »

David n'est donc pas mort « de sa maladie ».

Le lieutenant-colonel Nazinigouba OUÉDRAOGO a donc menti sur les causes véritables de la mort de David OUÉDRAOGO tout comme son autre confrère le commandant Alidou DJÉBRÉ à propos de l'assassinat du Président Thomas SANKARA. Ce qui n'est pas honorable, ni pour les officiers qu'ils sont, ni pour les médecins qu'ils sont et pour qui le serment d'Hippocrate se réduit à une abjuration d'hypocrites.

 

En guise de conclusion provisoire 

 Dans la même mesure où l'on s'est empressé de traîné David OUÉDRAOGO dans les geôles du Conseil de l'Entente, parce qu'il était suspecté dans une banale affaire de vol d'argent, il faut que l'on mette immédiatement aux arrêts les « sérieux suspects » identifiés dans le Rapport de la CEI, avant qu'ils ne commettent d'autres forfaits, ou avant qu'ils ne soient eux-mêmes « accidentés» (victimes d'accident comme on en a l'habitude dans ce pays). Sans oublier, que voyant l'étau se resserrer autour d'eux ils peuvent s'évanouir dans la nature. Marcel KAFANDO devrait ne pas oublier le sort qui a été réservé à son autre frère qu'est Yacinthe KAFANDO. Au Burkina Faso les gens pensent que ça n'arrive qu'aux autres.

En outre, il est impérieux de remettre en liberté les compagnons de David OUÉDRAOGO qui croupissent à la MACO. Ils ont suffisamment payé dans leur chaire (ils portent jusqu'à présent sur leur dos, les traces de brûlures), pour endurer des peines pour une affaire de vol qui n'est pas prouvée et qui risque, si l'on persiste, d'éclabousser leur poursuivant. Car il va falloir nous expliquer comment on peut détenir, par dévers soi, une somme aussi importante, cachée sous son oreiller ? Les opérations d'argent honnêtes passent par les banques. Ce n'est pas seulement mon oncle, comme il l'a déclaré, dans sa franchise congénitale, qui aime palper l'argent, dans ce Burkina Faso. Ils sont légion.

C'est la première mesure et la plus urgente à prendre avant de chercher à savoir si notre justice dans son état actuel, est apte ou inapte à juger de cette affaire.

Les commanditaires du crime de Sapouy doivent être recherchés en plus des « sérieux suspects » connus. Il est difficile de croire que des soldats de la sécurité présidentielle ont pris sur eux la responsabilité de commettre un acte aussi barbare et aussi inédit dans notre pays, au su et à la vue de tout le monde, en plein midi, sans avoir reçu des ordres.

Si tel était le cas, si les six (6) hommes du Régiment de la Sécurité Présidentielle avaient agi de leur propre chef, alors il y a lieu de s'inquiéter sérieusement pour la sécurité de notre Président du Faso. Et si lui, il n'est pas en sécurité, qui d'entre nous le serait ?

Il faudra dans ce cas, convenir que notre pays n'est plus gouverné. Alors, le gouvernement actuel qui n'est plus que l'ombre de lui-même doit démissionner et avec lui le Président du Faso. Celui-ci ne peut assurer sa propre sécurité a fortiori celle de simples citoyens.

Or, nous sommes convaincus que nous sommes loin d'une telle situation. Alors?

Alors, livrez-nous, messieurs vos Excellences et vos Honneurs, les tueurs-grilleurs d'hommes et leurs commanditaires. C'est par-là seulement que l'on jugera de votre sincérité à vous qui nous gouvernez et que la confiance a de la chance de renaître.

Si telle n'est pas la voie choisie et que l'on cherche à s'acheminer vers l'instauration d'une « dictature temporaire constitutionnelle » par le recours de l'article 59 de notre Constitution, c'est-à-dire par l'instauration d'une « état de siège et d'urgence » en évoquant l'article 58, ce serait encore opérer un coup d'État.

En effet, nous avons lu quelque part (comme simple hypothèse spéculative), qu'une telle perspective fait partie des solutions possibles de sortie de crise. Ainsi, après avoir opéré un tel coup d'État, Blaise COMPAORÉ prendrait des mesures indispensables pour permettre à la justice de juger en toute indépendance et en toute sécurité l'affaire Norbert ZONGO. Du même coup il pourra initier des dispositions pour satisfaire les revendications du Groupe du 14 février, pour des nouvelles élections.

Aujourd'hui avec l'évolution des choses, il convient de considérer une telle hypothèse, que nous croyons, avait été faite de façon spéculative. Puisque tout porte à croire, que c'est vers là que le régime est en train d'évoluer.

Les partis politiques d'opposition sont interpellés. Le Collectif des organisations de masse et de partis politiques se voient interpellés.

Se prêteront-ils à ce jeu ?

La situation qui pourrait justifier l'instauration d'un État de siège, est une situation qui a été voulue, créée et entretenue par le pouvoir de la IVe République. On ne saurait être celui qui met le feu et chercher à être le pompier. Si l'incendiaire et le pompier sont la même personne, il y a lieu de s'interroger sur le véritable motif qui se cache derrière un tel dédoublement. Mais on peut allumer le feu quand on veut, mais on ne l'éteint pas de même.

Après le dépôt du Rapport de la CEI, les différentes manifestations suivis d'actes de vandalisme qui s'en sont suivies sont révélatrices de l'intention du pouvoir. Des indices sérieux nous permettent d'affirmer que les casses ont été commanditées par des hommes hauts placés dans le système du pouvoir. On a même surpris des éléments de la DCIR, retourné la crosse de leurs fusils et se mettre à casser les feux. Nombreux sont les chefs d'établissements qui peuvent témoigner, les actes de terreurs que les éléments de la DCIR ont pratiqués dans l'enceinte de leurs établissements contre des élèves paisibles vacant à leurs occupations quotidiennes. Des élèves en train de subir leurs examens blancs ont été surpris et gazés, obligeant certains à sauter du 2è étage au risque de leur vie. Dans les quartiers, de braves citoyens ont vu leurs maisons d'habitation pris d'assaut par ces mêmes éléments de la DCIR.

Tous ces actes laissent à penser que le pouvoir est volontairement en train de créer une situation qui lui permette de décréter l'état de siège et d'urgence.

 L'arrestation du Président de l'ADF-RDA, Hermann YAMÉOGO sur l'accusation mensongère du flagrant délit, s'inscrit dans ce plan. Il ne serait pas étonnant, il est même presque certain, que ce sont des éléments provocateurs commis par les hommes au pouvoir dans les actes de vandalisme qui ont mis en cause Hermann YAMÉOGO.

Quoiqu'il en soit, le pouvoir ne pourra convaincre personne que Hermann YAMÉOGO aurait poussé les jeunes de Koudougou aux actes de vandalisme.

Il est clair pour tous, que Blaise COMPAORÉ et ses hommes, veulent nous faire la force. Depuis le crime du Conseil de l'Entente, ils nous font la force.

Ils nous font force, en traînant David OUÉDRAOGO au Conseil de l'Entente, pour une banale histoire de vol d'argent. Il n'a pas même bénéficié de la présomption d'innocence.

Ils nous font la force en faisant annuler le procès contre François COMPAORÉ pour complicité de meurtre et recel de cadavre.

Ils nous font la force, en laissant en liberté les sérieux suspects du crime de Sapouy. Des Hommes qui ont procédé à la « casse d'hommes » et contre lesquels pèse une lourde présomption de culpabilité, sont toujours en liberté.

 Mais pour une délation fort douteuse, on arrête le Député Hermann YAMÉOGO. Ils n'ont même pas pris la peine de faire lever son immunité parlementaire. Ils ont la force.

A supposer que j'accuse le président Blaise COMPAORÉ d'avoir commandité l'assassinat de Norbert ZONGO, croyez-vous qu'il sera immédiatement mis aux arrêts ? Bien au contraire, je serai immédiatement déféré à la MACO, pour affirmations calomnieuses contre la personne du Chef de L'État. J'encourrai la même chose, si j'osai affirmer que c'est Salif DIALLO et le lieutenant colonel Djibril BASSOLET qui ont organisé la casse de ces derniers jours dans la Capitale. Nous sommes, disait feu le Président Maurice Yaméogo, dans un pays de savane, où aucun croc en jambe n'est possible.

Et pourtant elle (la Terre) tourne ! On sait qui est qui, qui fait quoi et pourquoi.

La force, aujourd'hui dans notre pays, prime sur le droit. La raison du plus fort est la meilleure, et ce n'est pas toujours qu'elle le restera.

 

Messieurs votre Excellence et vos honneurs, vous pouvez tous nous enfermer à la suite de Hermann YAMÉOGO, nous tuer s'il le faut. Nous ne cesserons pas pour autant de crier la vérité et la justice pour notre peuple. Quand bien même vous tenterez d'éliminer tous les chefs de l'opposition, sachez, et l'exemple de Norbert Zongo est là pour témoigner, les chefs renaissent comme les têtes de l'hydre.

Vous avez choisi résolument le langage de la force et de la violence. Vous voulez décréter l'État de siège et d'urgence. Mais sachez, Messieurs qu'aucun parti politique d'opposition crédible, qu'aucun citoyen honnête, ne saurait cautionner un tel coup d'État, même si à l'issue, il voit sa revendication, de procéder à de nouvelles élections, satisfaite.

Si le Chef de l'État de la IVe République veut véritablement faire juger en toute indépendance l'affaire de Norbert ZONGO, il n'a pas besoin d'opérer un autre Coup d'État.

Il faut pour ce faire qu'il délie la justice de son assujettissement à son régime. Il faut qu'il émancipe les trois pouvoirs (y compris le CSI) de son contrôle exclusif. Il faut faire reprendre une nouvelle vie à ces différentes institutions.

La justice suivant son cours, sans entrave et sans pression, il faut qu'il accepte que les assassins et leurs commanditaires (si on les découvre dans son entourage, et qu'il se trouve être même son propre frère) soient jugés, condamnés et châtiés.

Alors, alors seulement, il pourra procéder à une consultation « tous azimuts » pour obtenir un consensus national et refonder les assises d'un véritable État démocratique et de droit. Autrement dit, c'est procéder au retour de la République vers son principe.

Et cela passe par une véritable Réconciliation Nationale, comme nous n'avons cessé de le préconiser, et ce, bien avant la manifestation de la crise qui secoue notre pays.

Faut-il ajouter que cela même n'est possible que s'il conserve toujours l'initiative ?

Telle est la lecture politique que nous faisons du Rapport de la Commission Nationale Indépendante.

Encore Bravo, pour les membres de la CEI. Le peuple du Burkina Faso, vous est reconnaissant.

Aux Burkinabè qui ont encore peur, nous dirons : aillez peur de votre peur. Ceux qui nous oppriment n'ont pas deux paires de…. Ils en ont une comme vous et moi. Peut-être avez-vous des courges en lieu et place ?

 

Enfin, pour terminer, un appel !

 

Blaise COMPAORÉ, Président du Faso, le destin du Burkina Faso est entre tes mains.

Ah, Fama ! Le peuple te regarde ! Mieux, il te surveille.

Le destin du Burkina Faso est comme l'eau dans la calebasse. On peut la remuer dans tous les sens. Mais elle ne devra et ne pourra jamais se verser.

Écoute la voie de la raison et de la sagesse.

Écoute la voix du peuple.

La voix du peuple est la voix de Dieu!

 

 

Dr Valère D. SOMÉ

Socio-Anthropologue

Attaché de recherche à l'INSS-CNRST.

Ouagadougou - Burkina Faso

 



24/10/2011
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