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Le droit a été dit et bien dit !

 

 

 

 

Le droit a été dit et bien dit !

(Paru dans « L’observateur Paalga n° 6503

du vendredi 21 au dimanche 23 octobre 2005, pp. 8-10)

 

 

 1. De la décision du Conseil constitutionnel

 

 

   Heureux donc les amis de Blaise Compaoré (ABC), dans leur sérénité et dans leur détermination.

   Pour nous autres, non moins heureux dans notre conscience et notre bon droit, la décision du Conseil constitutionnel,  ne nous a pas pour le moins du monde surpris.

   Le droit sous n’importe quel système ne pourrait être plus élevé que l’état économique, politique et culturel, en somme que le degré de civilisation de la société qui y correspond. Les rapports juridiques découlent du système économique et politique et non le contraire.

Nous savons que le droit dans une société bourgeoise qui garantit la propriété privée, est favorable aux nantis donc aux gouvernants commis à la tâche de défense de leurs intérêts.

   Dans le système bourgeois, bien qu’il soit affirmé que tous les citoyens sont égaux en droit, ce droit égal reste grevé d’une limite. 

   Qu’en sera-t-il donc dans une société clanique  qui a de la peine de s’élever au niveau de l’Etat bourgeois (étant en transition vers l’économie de marché), dans une société où la res publicas est confondue au patrimoine personnel ? Une société par conséquent, qui,  sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société clanique, tribaliste, des flancs de laquelle elle est issue.

   C’est ainsi que reprenant ce principe du droit égal, il est dit dans notre Constitution que «tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits» (article 1er). Mais force est de reconnaître que [dans cette « ferme des animaux »] certains sont plus égaux que d’autres.

   Pour cette raison donc le droit, ne saurait être indépendant du système en vigueur. Il est l’expression du système lui-même.

   Et le droit ne pouvait être dit autrement qu’il l’a été. Les différents recours auprès du Conseil constitutionnel et les attentes exprimées quant à sa décision, ne pouvaient avoir d’autre but que d’épuiser la procédure.

   Durant toutes les controverses juridiques, je me suis gardé de m’y mêler. Je ne suis pas outillé pour ce faire et je ne pouvais que m’en remettre  à l’arbitrage des spécialistes. Ces choses là, qu’on ne s’y connaît pas, il vaut mieux se taire et s’en remettre au jugement des spécialistes en la matière.

   Lorsque j’affirme que les députés ont outrepassé leur mandat en envahissant le droit du peuple, l’on trouve que c’est là « une curieuse et illégitime » tentative « d'imposer au peuple souverain, une vision de l'article 37 qui n'est pas la sienne». Et l’on invoque pour ce faire l’article 165 de la Constitution.

   Même si je suis un ignare en la matière, on ne saurait me faire prendre des vessies pour des lanternes. Vis-à-vis à de telles tartuferies juridiques à prétention scientifique, quelques observations s’imposent :

    1°- Afin d’accomplir leur forfait, leur hold-up constitutionnel, les députés de l’Assemblée nationale ont entrepris d’abord de réviser l’article 164 de la Constitution, relatif à l’initiative et aux procédures d’adoption d’une révision constitutionnelle.

L’Article 164  initial spécifiait que le projet de texte de la révision devait être soumis au référendum (la Constitution elle-même ayant été adoptée au référendum), et c’est seulement après cela que le Président du Faso procède à sa promulgation (Cf. mon article « De l’anti-constitutionnalité de la révision… in L’Observateur Paalga N° 4953 du mardi 27 juillet 1999)

   Les révisionnistes ont effectué l’ajout suivant :

 « Toutefois, le projet de révision est adopté sans recours au référendum s’il est approuvé à la majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée nationale. »

    Le pouvoir ayant été contraint par la crise nationale survenue et les avis du « Collège des Sages »,  à revenir à l’esprit de la Constitution de 1991, cette disposition scélérate devait être aussi revue.

    C’est pourquoi j’ai été autorisé à affirmer que les députés « ont outrepassé le pouvoir qui leur a été donné par le peuple en agissant d’une manière contraire à la confiance qu’il avait mise en eux. »

« Quand le pouvoir législatif et exécutif entreprend de substituer leur volonté arbitraire aux lois que la société a établies par convention référendaire, ils agissent d’une manière contraire à leur mission. Les députés se sont laissés gagner à la cause des intérêts particuliers d’un seul.».

   Par cette scélératesse, rien ne s’oppose, qu’après les dix ans (2005 à 2015) que Blaise Compaoré s’apprête à passer à la tête de l’État, à ce qu’il commandite une autre révision de la Constitution pour se maintenir encore au pouvoir.

   Je décrivais le stratagème en ces termes :

« On sait comment les élections se déroulent dans notre pays. Le parti-Etat établit la liste (les fameuses primaires en question !) de ceux qu’il a décidé de faire siéger à l’Assemblée nationale, et organise en sous mains leur élection en utilisant les charges de l’Administration, les moyens de l’Etat, toute sorte de moyens de corruption, allant des menaces à peines voilées à l’achat pur et simple des consciences [Mais ceci aussi chez eux, s’appelle liberté,]. Ces candidats du Président, une fois élus, ont pour obligation en  retour d’opiner de la manière qui lui plairait.

En disposant les choses de la sorte, n’est-ce pas usurper le droit du peuple pour être à même de détourner les lois fondamentales du pays à des fins tout à fait opposées à leur première institution ?

Car la fin de la première institution, formulée par nos constitutionnalistes et approuvée par le peuple a été la limitation de l’éligibilité du Président.

Est-il du désir de notre peuple qu’un seul homme dirige (et de quelle manière !) ce pays de façon éternelle ? Notre peuple dans sa diversité culturelle aurait-il ratifié la Constitution s’il se doutait qu’elle allait instituer une monarchie ?

En procédant à la relecture  de la Constitution, et en procédant à la révision de l’article 37, nos députés ont usé d’un pouvoir dont le peuple, qui les a élus, ne les avait pas mandatés. Le peuple leur a délégué une partie de son pouvoir législatif pour statuer sur des questions essentielles dont le cadre a été clairement défini par la Constitution. »

En effet, La constitution autorise la révision. Mais en accordant cette prérogative à la puissance législative et à la puissance exécutive, le peuple ne pouvait prévoir sur quoi pourrait porter une révision éventuelle.

(…)

Cela relève de ce que l’on pourrait dire, de la « prérogative du gouvernement » qui n’est rien d’autre, selon Locke  que « le pouvoir de procurer le bien public, sans règlements et sans lois »

Tant que ce pouvoir est employé à préserver les intérêts du peuple, la réalisation des fins qu’il s’est données, c’est une prérogative incontestable. On ne devrait rien trouver à redire. Mais lorsqu’un pouvoir (législatif ou exécutif) use mal de ses prérogatives, il donne le droit au peuple de reprendre son droit, et de limiter son pouvoir. Car le peuple n’a jamais autorisé d’être gouverné, d’être dominé à son désavantage et à son préjudice. (..).

Le peuple, en élisant ses législateurs, leur a donné une « instruction générale ». Il n’est donc pas admissible que sur une affaire  comme la limitation de l’éligibilité du Président Faso, ils reçoivent quelques instructions de la part de qui que ce soit. Ils ne peuvent non plus agir de leur propre chef.

 Le peuple a élu ses députés, ceux-ci au lieu de lui obéir, se sont mis aux ordres d’un seul. Ils ne peuvent plus prétendre représenter le peuple contre lequel ils ont tourné le dos et dont ils refusent les directives. Ils ne sont plus que les porte-paroles de celui au service duquel ils se sont mis aux ordres.

Pendant que nous y sommes pourquoi ne pas réviser l’article 81 qui fixe la durée de la législature à cinq (5) ans  dans le sens d’une durée illimitée ?

Une telle perspective montre bien l’incongruité de la révision de l’article 37. »

 
    2°. On m’oppose, l’article 165 de la Constitution qui dit :  

 «  Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause :  

      - la nature et la forme républicaine de l’État;

      - le système multipartiste;

      - l’intégrité du territoire national.

  Aucune procédure de révision ne peut être engagée ni poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. »

 

   Justement, parlons en de l’article 165.

   Lorsqu’on œuvre à instituer une « Monarchie », par divers artifices, ne remet-on pas en cause « la nature et la forme républicaine de l’État » ? Il est vrai qu’il y a des Blé Goudé burkinabè qui s’investissent à théoriser en faveur d’une telle institution. Mais réalisent-ils seulement qu’ils œuvrent, ce faisant, à la partition de notre pays ?

   Lorsqu’on refuse l’alternance, par quelque subterfuge que ce soit, ne remet-on pas en cause le « système multipartiste » de notre système démocratique ?

 
   Mais avant de tourner cette page de la décision du Conseil constitutionnel que l’on me permette de faire observer que : « summum jus, summa injuria » (« le comble du droit est le comble du déni du droit »)

   En effet poussée jusqu’à son point d’aboutissement logique, toute justice abstraite se transforme en un déni de droit, c’est-à-dire en son contraire.

   Ce n’est pas moi donc qui serait malheureux, après que le Conseil constitutionnel du Burkina Faso de 2005, ait dit le droit.

   Réclamer que le droit soit juste dans l’état actuel de notre société, c’est réclamer des choses qui n’ont de sens que dans une République démocratique, à un État qui n’est qu’« un despotisme militaire, à armature bureaucratique et à blindage policier, avec un enjolivement de formes parlementaires », avec des mélanges d’éléments claniques-lignagers et d’influences bourgeoises.

   C’est pourquoi nous avions dit en d’autres occasions :

« En transportant chez nous la lettre de la loi occidentale, nos constitutionnalistes n’ont pu en transporter en même temps l’esprit qui la vivifie.

Plutôt que de copier servilement les institutions que l’Occident s’est donné, il aurait fallu faire un choix raisonné en nous inspirant de celles qui nous conviennent, pour y puiser des exemples plutôt que des enseignements, pour leur emprunter les principes plutôt que la lettre de ses lois. Certaines lois sont inadaptées non seulement à nos réalités africaines mais aussi aux nécessités économiques dont elles se veulent l’expression politique. »

   Conscient donc des limites de la démocratie bourgeoise occidentale, je ne parle même de la démocratie parentale, clanique et tribaliste, qui prévaut dans notre pays, pourquoi donc y prendre part ?

   A cela il y a quelques raisons que ne comprennent pas les partis de l’opposition extrême :

« Ce que tout le monde apprécie, ce sont les progrès réalisés dans le sens de l’édification d’un État de droit. En effet « État de droit » signifie la fin de l’arbitraire, de l’injustice, la garantie des libertés aux individus afin qu’ils vaquent en toute quiétude à leurs occupations et s’emploient à développer leurs industries.

Nous sommes donc des démocrates. Nous aspirons à l’avènement de la démocratie véritable et nous nous y emploierons. Mais nous devons demeurer conscients qu’elle demeure encore de nos jours rien qu’une aspiration.

Tout en étant conscient des limites de la démocratie telle que pratiquée dans notre pays, il nous faudra tirer profit de toutes les possibilités, qu’elle peut nous offrir pour l’implantation de notre parti et la diffusion de son programme d’action.

 La démocratie plébiscitaire en œuvre dans notre pays et dans les autres pays en Afrique, n’est que formelle. Les institutions politiques mises en place ne peuvent en aucun cas nous faire nous méprendre sur la nature réelle des régimes en place. Ce sont des « démocraties  dictatoriales ».

 « La démocratie du type occidental, c’est-à-dire le libéralisme politique, est un pendant nécessaire au libéralisme économique. Elle prône le suffrage universel, lutte pour la défense des droits de l’homme que les dictatures bafouent et pour l’édification d’un État de droit.

C’est dans l’application de toutes ces notions que l’on démasque l’hypocrisie qui les entoure.

Il y a une correspondance nécessaire entre l’infrastructure et la superstructure, entre l’économique et le politique. Et c’est la relation dialectique entre ces deux instances qui, au cours du temps, a abouti à l’équilibre actuel dans les pays occidentaux, entre les institutions politiques et les structures économiques et qui forment le système qu’il est convenu d’appeler démocratie occidentale ou démocratie tout court.

Telle forme politique ne peut coexister qu’avec telle base économique.

Il s’en suit que le degré de préparation d’un peuple à une démocratie véritable, à une démocratie qui n’est pas un leurre, dépend du degré de son développement économique.

On ne saurait par conséquent procéder à une simple transplantation des institutions démocratiques du type plébiscitaire dans des pays comme le nôtre, où le libéralisme économique est à ses balbutiements pour ne pas dire y est perverti.

Les constitutions des peuples d’Occident ne peuvent être prises pour les modèles les plus élevés. Elles ne sont pas non plus en la matière le dernier principe de constitution, celui de notre époque.  Autrement dit, nous sommes loin de croire que l’Occident ait trouvé la seule forme de gouvernement que puisse se donner la démocratie. Il est possible de concevoir un peuple démocratique organisé d’une autre manière que les peuples occidentaux. Il suffit pour ce faire d’oser inventer. C’est pourquoi nous ambitionnons de concevoir, en partant des particularités historiques de notre peuple, une démocratie autre  qui pourra servir d’exemple aux autres nations.

(... )»

    A quoi ça sert de continuer d’épiloguer? Le « Droit a été dit » et dans des termes qui ne pouvaient être autres.

   Mais il faut que l’on sache :

   Les sycophantes sont de tous les temps et de tous les pays. Mais ce n’est point eux qui feront progresser l’esprit humain. Ceux qui l’ont fait progresser jusqu’à présent se sont préoccupés de la vérité, non de l’intérêt des puissants du moment.

   Vaut mieux être un amoureux de la vérité «malheureux» tel Socrate qu’un pourceau bienheureux, serein et déterminé dans la flagornerie.

   L’imbécile heureux peut-il soupçonner un seul instant que celui qui augmente sa connaissance augmente en même temps ses possibilités de souffrir ?

   Aussi, bien heureux les simples d’esprit (Je procède à la lecture de ce Sermon au premier degré, celui du profane).

   Blaise Compaoré possède à ne pas en douter des « Amis », mais ils se comptent au nombre de ceux que la nécessité économique place réellement au service de ses coffres-forts. Mais qu’arrive les moments du danger, et sans surprise on les verra le renier aussi naturellement qu’ils l’étaient à le louer sans vergogne.

   Dans le film « Mobutu, le Roi de Zaïre », on a vu avec écoeurement son ministre de l’information, qui était un des zélateurs (parmi ses laquais) des frasques de Mobutu, se transformer en accusateur public de celui qu’il adulait. On eût envie de vomir. J’avoue avoir éprouvé de la sympathie pour Mobutu en écoutant ce Ministre [qui appartient à la race des vermines], témoigner contre lui.

   Hé Blaise ! Il faut faire attention à des slogans du genre:« Si on n’a pas de pétrole, on a Blaise Compaoré ». çà, c’est pour blaguer tuer, comme dirait l’homme de la rue.

   Ce sont ces mêmes zélateurs qui seront parmi les premiers à te jeter la pierre, les jours de détresse. Ça n’arrive pas qu’aux autres!

 

2. De l’attitude des partis politiques de l’opposition vis-à-vis de la décision du Conseil constitutionnel

    Venons-en maintenant, comme promis, à l’attitude des partis politiques de l’opposition qui ont dénoncé la candidature de Blaise Compaoré comme étant « illégal et illégitime ».

   Maintenant que les divers recours ont été rejetés, on n’aurait pu s’attendre, que pour demeurer conséquents, ils décident comme l’a fait le Président de l’UNDD, Me Hermann Yaméogo, de refuser de prendre part aux élections présidentielles. Mais paradoxalement,  M. Philippe Ouédraogo (Candidat du PDS), Me Bénéwindé Sankara (Président de l’UNIR/MS) et M. Ali Lankoandé (Président du PDP/PS), décident, contre toute attente, de maintenir leur candidature.

   Nous nous intéressons à ces trois candidatures, parce qu’elles seules pourraient être considérées comme au-dessus de tout soupçon (au regard des révélations de Laurent Bado) et que leur non-participation pourrait décrédibiliser les présentes élections présidentielles.

   En effet on ne saurait soupçonner ces personnalités d’avoir cherché à faire un « deal » (pour une dizaine de millions de francs que constitue le financement des candidats). Encore moins, on ne saurait leur faire l’injure d’être des « candidats accompagnateurs », soudoyés par Blaise Compaoré pour l’accréditer. A ce propos, la prétendue liste de Laurent Bado se fait toujours attendre. Mais d'ores et déjà, il y a lieu de dire que cette liste ne peut être crédible, pour qui connaît les méthodes des hommes du pouvoir. Ils ont abusés de l’ingénuité (comment s’exprimer autrement, pour ne pas être cruel) de Laurent Bado pour l’amener dans une position inconfortable.

   Je ne soutien pas qu’il n’y ait pas des gens qui aient émargé pour faire le nombre aux élections présidentiels, mais seulement qu’il faut être très circonspect quand l’on cherche à jeter l’opprobre sur certaines personnes.

   Ceci dit, ces candidats ne pourront convaincre personne, qu’ils vont aux élections pour donner le change à Blaise Compaoré. Les jeux sont faits. Pour parler le langage des parieurs du PMUB (et qu’on ne voit là aucune insulte), le cheval rentrant est connu : c’est Blaise Compaoré.

   Maintenant il reste à faire le classement des « tocards » en lice.

  C’est dire donc, les uns et les autres partent à ces élections pour être le premier, deuxième, troisième, etc. « tocard » et ce avec un score très loin derrière le «cheval gagnant».

   Pourquoi donc, sachant cela, des hommes aussi intelligents persistent-t-ils à prendre part à une course dont le résultat est connu d’avance, parce que toutes les combines ont été mises en place et les moyens mobilisés à cette fin ?

    Examinons les arguments susceptibles de justifier une telle participation.

  1°.On ne part pas aux élections pour forcément gagner. C’est l’occasion pour faire connaître son programme et une tribune pour faire le procès du régime.

   2°. Les boycotts justifiés (les conditions n’étant pas remplies) des diverses présidentielles dont celle de 1998, a semé quelque peu un désarroi dans la conscience des électeurs et a porté un coup à l’audience des partis politiques de l’opposition.

  3°.Il faut tenir compte de l’opinion internationale, qui finira à ne plus considérer une opposition qui brille par son absentéisme aux consultations électorales.

   4°. Etc.

 

Voilà autant d’arguments auxquels j’ai eu moi-même recours dans mon article « Les deux flèches dans le carquois du collectif » (In « L’Observateur-Paalga », n° 5067 et « Le Pays », n° 2052,  du 10 janvier 2000), pour inviter les partis politiques de l’opposition à prendre part aux élections municipales de 2000.

   Et cependant aujourd’hui, face  à la présente élection présidentielle, je me déclare être de ceux qui préconise le boycott.

   Opportunisme ? Virevolte de position ? Que nenni !

   La vérité est toujours concrète. Elle n’est jamais la même indépendamment des situations. En dialectique, on dira que la vérité est relative, jamais absolue.

   Les présentes élections s’organisent dans une situation totalement différente et les enjeux sont aussi différents.

   Passons sur les conditions de transparence et d’équité qui ne seraient pas réunies. Elles ne le seront jamais.

   Aujourd’hui la dispute porte sur la violation ou la non violation de la constitution.

   Or, la Constitution considère comme des « crimes les plus graves commis à l’encontre du peuple », la  « trahison de la Patrie » et « l’atteinte à la Constitution » (Article 166).

   Les candidats sus-cités ont-ils mesuré la portée de leur acte d’accusation, en déclarant la candidature de Blaise Compaoré « illégal et illégitime » du fait de l’atteinte à la Constitution qui autorise cette candidature?

   En faisant fi de cette atteinte et en prenant une part active à ces élections, ne se font-ils pas les complices du crime perpétré ? Qu’est-ce qui désormais les distinguera des candidats accompagnateurs et autres « dealer électoraux » ?

   Ils ne sauraient prétextés avoir été convaincus par les arrêts du Conseil constitutionnel. Au contraire ils ont affirmés être en désaccord avec ces arrêts. Alors ?

   Quant à l’argument du déroutement des électeurs par le boycott, il ne tient que s’il s’agit d’un boycott passif. Un boycott actif, c'est-à-dire, la présence effective des partis sur le terrain, pour maintenir mobilisées leurs bases, est la réponse à cet inconvénient.

   Enfin, à propos de l’opinion internationale dont il faut tenir compte, il y a lieu de faire savoir à cette opinion, à ces donneurs de leçons des pays occidentaux et des instances comme l’Union africaine (faisant la preuve de jour en jour qu’il n’est qu’un syndicat des chefs d’État comme la défunte OUA qui l’a précédée), qu’il ne saurait être question de démocratie, lorsqu’on laisse la liberté aux pouvoirs en place de triturer à leur guise la Constitution et vouloir en même temps que l’opposition se soumette à ce simulacre de démocratie.

   Voilà, brièvement examiné (question de place), les arguments qui pouvaient militer en faveur d’une participation aux présentes élections d’opposants qui se veulent défenseur de la liberté du peuple.

    Par contre les arguments que l’on est à même d’avancer pour une abstention à ces élections, l’emportent nettement sur ceux en leur faveur :

   1°.  Blaise Compaoré est conscient, malgré l’agitation fébrile de ces juristes de service, que sa candidature est illégale. C’est pourquoi, il a mobilisé toute l’armada pour une victoire écrasante lui conférant ainsi la légitimité.

   En participant aux élections, les candidats de l’opposition  participent à cette légitimation  et par elle le dossier de l’illégalité se voit sanctionné par la forclusion et pour le prochain mandat de cinq ans et le suivant et pour toute autre révision de l’article 37, lui permettant de se présenter autant de fois qu’il le voudra.

   Telle sera la conséquence de la participation de nos candidats de l’opposition.

   2°. Nous évoluons inexorablement vers la situation qui a prévalu à la veille de l’assassinat de Norbert Zongo. Cette situation se caractérisait par le fait que tous les partis politiques d’opposition avaient été laminés et n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Le parti-État, dans son « tug-jili », n’avait laissé aucune perspective d’avenir aux opposants.

   C’est la réédition de cette situation qui a débuté avec la révision du code électoral et qui sera consacrée avec l’élection de Blaise Compaoré.

   Les élections municipales et législatives qui suivront immédiatement, consacreront la dictature de la « majorité ».

   Le parti majoritaire a annoncé qu’il faudrait désormais des conseils municipaux avec des majorités confortables.  Dans la future assemblée, l’opposition ne pourra occuper plus de cinq sièges. Seuls, ceux d’entre les opposants qui ont un fief électoral incontestable (comme le Boussouma) seront représentés à l’hémicycle.

   Le fait que j’annonce la physionomie future des choses, ne changera rien à l’affaire. Les hommes du pouvoir, sont comme entraînés, à leur corps défendant, par une logique implacable.  Et puis, il y a le fait que la mouvance présidentielle s’est élargie, grandement élargie. Blaise a ratissé large. Il va bien falloir récompenser tout ce monde qui aura contribué à assurer sa victoire éclatante (entre 70% et 94 % au premier tour. La marge a été déterminée. On aurait voulu 99,99% que l’on aurait pu.) Les strapontins (à l’hémicycle et au sein des mairies) ne suffiront pas à cette fin, pour qu’on fasse une place à l’opposition.

   L’opposition ne devra plus s’attendre à ce qu’un autre Norbert Zongo s’offre en holocauste, pour espérer à un changement. Le pouvoir lui aussi tire des leçons.

 

   3°- Par leur légitimation de l’élection de Blaise Compaoré, les partis d’opposition auront perdu l’initiative dans leurs luttes futures. Blaise Compaoré pourra gérer tranquillement le pays, jusqu’à ce qu’il décide de lui-même de se retirer.

   Or,  il est un fait prouvé par maintes exemples et qui peut être érigé comme une loi : l’autocratie conduit nécessairement au chaos. Tous les autocrates de tous les pays et de tous les temps sont animés par une même logique : «après moi, le déluge».

   Voyez ! Si les Ivoiriens ne réussissent pas à trouver la voie de sortie de la crise qui secoue depuis leur pays, c’est parce qu’aucun des protagonistes n’a suffisamment analysé les causes profondes de cette crises : le système autocratique de Houphouët-Boigny. Même après sa disparition,  Ils continuent de régner sur leur esprit et  l’opposant le plus radical de son vivant, Laurent Gbagbo lui-même n’y échappe pas.

 

   4°- Si les autres candidats de l’alternance 2005 en plus de celui du PDP/PS s’était joint à Me Hermann yaméogo, le prochain mandat de Blaise Compaoré ne serait pas de tout repos.

Le mot d’ordre de désobéissance civile aurait pu constituer le programme d’action durant ce mandant. Car après les euphories des élections, tous ces « mangeurs » seront réveillés à leur triste sort, confrontés à la dure réalité de la misère de notre pays. Aujourd’hui, attirés par l’appât du gain, ils n’ont point d’oreilles.

   Aujourd’hui tous ces loubards qui plastronnent dans les salons des grands du CDP, n’y auront plus bientôt accès. Bientôt les numéros de cellulaires de ces Grands, vont changer. Ils seront inaccessibles.

   Au Burkina Faso, ici, la vie est dure! Et cette période d’élection ne pourra pas gommer cette dure réalité.

   Bientôt les crises sociales, économiques, scolaires vont reprendre de plus belle. Quel est le parti qui sera à même de canaliser ce flot de mécontentement ?

  C’est cette initiative de la lutte que les partis de l’opposition ont troqué pour leur participation aux élections. Demain, ils ne pourront plus être crédible pour diriger la lutte de notre peuple.

   En sont-ils seulement conscients?

Blaise Compaoré a des longs jours devant lui avec une telle opposition.

 

Etc., etc., etc.. Il me faut me limiter.

 

 

  Chaque peuple mérite le gouvernement qu’il a

   Hermann Yaméogo, est celui-là qui a su tirer les conséquences de ses prises de positions.

Qu’importe qu’il soit incompris aujourd’hui. Mais demain lui donnera raison.

   A peine a-t-il exercé le droit que lui confère la Constitution en tant que citoyen, sans que la Télévision nationale ne l’est approchée, qu’elle diffuse des propos tenus par des irresponsables que seule la nécessité économique commet à la besogne, le taxant de criminel.

   Ce que cela prouve, c’est que les hommes du pouvoir ont perdu leur contrôle à la déclaration de Hermann Yaméogo de se retirer de la compétition. Ils n’ont plus la maîtrise d’eux-mêmes, pour autoriser un tel débordement.

   C’est le lieu de souligner, qu’il n’y a pas longtemps, un membre influent du CDP, membre de l’équipe de campagne de Blaise Compaoré, chef adjoint du Département Communication et Thème, Basile Laetare Guissou, a eu à tenir des propos déroutant pour un « Blaisiste » (le terme est de son cru), à travers le quotidien d’État, «Sidwaya», sans que cela provoque quelque réaction. Que l’on vise un peu :

Question du journal : Ne croyez-vous donc pas en la démocratie ? 

Basile Guissou : Je n’y crois pas. Je crois en la révolution démocratique et populaire. 

Question du journal : Est-ce que vous pensez comme Balla Kéita qu’un bout de papier n’a jamais élu un président en Afrique ? 

Basile Guissou : Je ne suis pas l’étudiant de Balla Kéita. Je suis un révolutionnaire qui pense que le pouvoir est au bout du fusil. 

 

   De tels propos venant de moi ou d’un sankariste bon teint, ne serait pas surprenant.  On a vu dans ce pays condamné des gens pour un «putsch» qui n’a pas eu un début d’exécution.

   Venant de la part d’un «Blaisiste» ! Comprenne qui pourra.

   Y a-t-il meilleur aveu que nous subissons au Burkina Faso la dictature d’un despotisme militaire et que pour s’en libérer, la seule voie c’est de recourir aux armes?

   Hermann Yaméogo quant à lui prône la désobéissance civile (ce que lui reconnaît la Constitution) par « une contre-campagne pacifique ». Et le voilà déjà  taxé de «criminel». Les jours qui suivent, la liste des qualificatifs s’allongera à ne pas en douter.

   Dans quelle démocratie sommes-nous ? Je vous le demande.

 

   En vérité, en vérité je vous le dis, si après l’élection de Blaise Compaoré (puisque ce n’est qu’une simple formalité à remplir), le pays devait continuer à être gouverner comme il l’a été jusque là (mais peut-il véritablement opérer un changement ?), nous courrons tout droit vers la catastrophe imminente. Et nous serons tous tenus pour responsables, que ce soit le paysan  de Matiacoli, les 16 Sages du Collège (qui garde un silence que je n’ose pas caractériser), ou le candidat «tocard» le mieux côté, les intellectuels pantouflards, etc..

  Chaque peuple mérite le gouvernement qu’il a.

   Comme le disait ce philosophe :

«Personne ne me forcera à dire le contraire de ce que je pense, mais je ne me résous point à dire tout ce que je pense.»

 

 

Dixi et salvavi animam mean !

(J’ai dit ce que j’avais à dire; ma conscience est en paix)

 

   Que ceux qui ont des oreilles pour entendre et un cerveau pour penser….

 

 

 

Valère D. Somé

Chargé de recherche

INSS –CNRST

Ouagadougou



01/01/2006
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