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Civilisation et barbarie

    Ci-dessous un extrait d’un article que j’ai publié dans la revue de l’INSS (Institut des sciences des sociétés), « Espace scientifique » numéro 04 d’avril-mars 2005 sous le titre  «  Islam et dérives terroristes ». Cet extrait traite de « Civilisation et barbarie » et éclaire sous bien de rapports, la controverse instaurée au sein de la classe politique française depuis la fameuse déclaration  du Ministre de l’intérieur Claude Guéant.

   En attendant de revenir sur la question plus amplement, le lecteur aura un aperçu de ma conception sur le sujet.

 

 

 


« 4.1. Civilisation et barbarie

 

    Déjà en 1993, le professeur américain Samuel Huntington formulait l’idée du « choc des civilisations ». Il écrivait à ce propos :

 « Mon hypothèse, est que dans le monde nouveau, les conflits n’auront pas essentiellement pour origine l’idéologie ou l’économie. Les grandes causes de divisions de l’humanité et les principales sources de conflits seront culturelles. Les États-nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales, mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes appartenant à des civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique mondiale. »

 

   Dans les médias aux États-Unis, l’islamophobie fait des choux gras.

   C ’est ainsi que les livres de Ann Coulter, l’une des plus populaires commentatrices de la droite américaine, sont des best-sellers.

   Quelques lignes directrices des idées qu’elles développent dans ses livres et ses émissions radio-télévisées :

« Quand nous combattions le communisme, O.-K., ils avaient des meurtriers de masse et des goulags, mais ils étaient blancs et sains d’esprit. Maintenant, nous sommes en guerre contre de vrais sauvages. »

   Et elle précise :

« Nous subissons les attaques de musulmans sauvages et fanatiques depuis vingt ans. Ce n’est pas Al-Qaida qui a pris nos otages en Iran. Ce n’est pas Al-Qaida qui a mis une bombe dans une discothèque de Berlin-Ouest, ce qui a amené Ronald Reagan à bombarder la Libye. »

  Mais la Libye n’est pas islamiste...

« Vous pouvez avancer cet argument, mais je continue à voir des musulmans tuant des gens» (The independant, Londres 16 août 2004)

 

    Quant à M. Silvio Berlusconi, le président du Conseil italien, il déclarait le 26 septembre 2001,

« Nous devrions être conscients de la supériorité de notre civilisation (...), un système de valeurs qui a apporté à tous les pays qui l’ont adopté une large prospérité qui garantit le respect des droits de l’homme et des libertés religieuses. »

    Le président du Conseil italien a estimé qu’en raison de la « supériorité des valeurs occidentales », celles-ci allaient « conquérir de nouveaux peuples », précisant que cela « s’était déjà produit avec le monde communiste et une partie du monde islamique, mais que, malheureusement, une partie de ce dernier est restée mille quatre cents ans en arrière  » (Le Monde diplomatique du 28 septembre 2001) .

 

 

    L’allure qu’on a imprimée à la guerre internationale contre le terrorisme islamiste, malgré que l’on s’en défende (et ce, surtout du côte des Occidentaux), incline à  croire à une guerre de civilisation.

    C’en est en effet une, dans la mesure où cette guerre a été déclenchée dans le contexte de la mondialisation, où les États-Unis en tête des puissances occidentales tentent d’imposer, leur mode de production, de consommation, de pensée et leur genre de vie, en somme leur civilisation, notion souvent opposée à celle de culture qui est l’« ensemble des formes acquises de comportements dans les sociétés humaines » (Marcel Mauss).

    La culture est à la civilisation, ce que l’âme est au corps.

   L’on ne peut contester et l’on ne devrait pas contester la supériorité de la civilisation occidentale (par son « progrès » matériel :avancée scientifique et technique) sur toutes les autres  qui en donnent la preuve en y adhérant de façon unanime.

 

   Claude Lévi-Strauss écrivait à propos de la supériorité de la civilisation occidentale :

« Loin de rester enfermées en elles-mêmes, toutes les civilisations reconnaissent, l’une après l’autre, la supériorité de l‘une d’entre elles, qui est la civilisation occidentale. Ne voyons-nous pas le monde entier lui emprunter progressivement ses techniques, son genre de vie, ses distractions et jusqu'à ses vêtements ? Comme Diogène prouvait le mouvement en marchant, c'est la marche même des cultures humaines qui, depuis les vastes masses de l'Asie jusqu'aux tribus perdues dans la jungle brésilienne ou africaine, prouve, par une adhésion unanime sans précédent dans l'histoire, qu'une des formes de la civilisation humaine est supérieure à toutes les autres : ce que les pays «insuffisamment développés» reprochent aux autres dans les assemblées internationales n'est pas de les occidentaliser, mais de ne pas leur donner assez vite les moyens de s'occidentaliser» (Claude Lévi-Strauss. 1987 : Race et histoire. Édition Denoël - Collection Folio / Essais. Réédition, pp. 51-52).

 

    Les peuples appartenant à d’autres aires de civilisation ne rejettent pas en blocs les valeurs de la civilisation occidentale.

    Bien au contraire ce qu’ils reprochent, comme l’a si bien souligné Lévi-Strauss, « n'est pas de les occidentaliser, mais de ne pas leur donner assez vite les moyens de s'occidentaliser» (Claude Lévi-Strauss : Ibid.).

    En son temps, Aimé Césaire faisait la même observation, à propos du rapport entre colonisateurs et colonisés :

 « A preuve qu’à l’heure actuelle, ce sont les indigènes d’Afrique ou d’Asie qui réclament des écoles et que c’est l’Europe colonisatrice qui en refuse ;  que c’est l’homme africain qui demande des ports et des routes, que c’est l’Europe colonisatrice qui, à ce sujet, lésine : que c’est le colonisé qui veut aller de l’avant, que c’est le colonisateur qui retient en arrière»  (Aimé Césaire. 1955 : Discours sur le colonialisme. Présence Africaine réédition, p. 23).

   Il ne faut pas confondre civilisation et culture. Car sous le rapport de la culture aucune société n’est supérieure à une autre.

    Il  faut toutefois relever comme l’avait souligné Claude Lévi-Strauss que cette adhésion, n'est pas aussi spontanée que l'on le croit.  Elle résulte moins d'une décision libre que d'une absence de choix. Cette adhésion devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations.

   Concomitamment à l’universalisation de la civilisation occidentale, on assiste au développement d’un mouvement opposé qui vise le maintien et même l'accentuation des particularismes nationaux.

« L'humanité, écrit Claude Lévi-Strauss, est constamment aux prises avec deux processus contradictoires dont l'un tend à instaurer l'unification, tandis que l'autre vise à maintenir ou à rétablir la diversification.» (Claude Lévi-Strauss: op. cit., p. 84).

 

    Il faut laissé à chaque peuple le rythme de venir à l’universalisation avec ses spécificités, c’est-à-dire sa culture. Les tentatives pour contraindre les peuples à adopter le modèle politique et économique occidental ne peuvent que susciter des attitudes contraires.

     Il faut accepter la différence des races, la différence de leur culture.

   Comme l’avait souligné, le militant Pisley Kalsaka Seme, précurseur de la « Renaissance » africaine dont Thabo MBéki se fait aujourd’hui le porte-parole,  il ne faut pas comparer les races à partir d’un principe quelconque d’égalité :

« dans tout ce que la nature a créé, l’égalité, si l’on entend par là, l’identité, est une chimère ! Cherchez dans l’univers ! Vous n’y trouverez pas deux unités identiques....

La nature a doté chacun d’une individualité particulière, chacun est une invention exclusive...

Les races de l’humanité sont composées d’individus libres et uniques. Toutes tentatives de les comparer sur la base du principe d’égalité sera toujours, au bout du compte, vouée à l’échec. Chacun est soi.....

Je vous demanderais de ne pas comparer l’Afrique à l’Europe, ou à n’importe quel autre continent. Non pas par peur que, ne soutenant pas la comparaison, l’Afrique s’en trouve humiliée, mais pour la raison que j’ai déjà mentionnée — une unité de critère est impossible ! » (discours sur la « régénération de l’Afrique » à l’Université de Columbia le 5 avril 1906, cité par Nkruhmah dans son discours lors de la clôture des travaux du premier Congrès international des africanistes à Accra)

    C’est ce que ne prennent pas en copte les grandes déclarations des droits de l'homme, et la volonté d’instituer un seul modèle de gouvernement conforme à celui de l’Occident  à tous les pays du monde. Elles oublient que l’homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans un environnement socio-culturel.

   De l’aveu même d’un des conseillers de G. W. Bush sur les problèmes du Moyen-Orient, Bernard Lewis :

« Les chrétiens et les musulmans partagent un même triomphalisme. Contrairement aux adeptes des autres religions, y compris le judaïsme, ils sont convaincus d’être les seuls heureux récipiendaires du message ultime et définitif de Dieu et qu’il est de leur devoir de le faire connaître au reste de l’humanité. Comparées à celles, plus lointaines, d’Extrême-Orient, les trois religions moyen-orientales — le judaïsme, le christianisme et l’islam – sont étroitement apparentées, au point de donner l’impression d’être des variantes d’une seule et même tradition religieuse. » (B. Lewis. 2003 : L’Islam en crise. Éditions Gallimard-Nouveaux Horizons, pp. 30-31)

    Dans la  mesure où les deux religions entendent sur la base de leurs systèmes de croyances organiser la société et le monde, le refus et le rejet de modalités d’existence devient une confrontation de civilisation alimenté par les croyances religieuses.

    La civilisation occidentale c’est la civilisation judéo-chrétienne.

 

«... c'est dans la mesure même où l'on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l'on s'identifie le plus complètement avec celles qu'on essaye de nier. En refusant l'humanité à ceux qui apparaissent comme les plus «sauvages» ou «barbares» de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie» (Claude Lévi-Strauss : op. cit., p.22).

 

4.2. De Ben Laden à G. W. Bush : quid du fondamentalisme ?

 

    La « civilisation » est en guerre contre la « barbarie », proclame le président Bush.

« Le monde s’est scindé en deux camps, rétorque M. Oussama Ben Laden, un sous la bannière de la croix, comme l’a dit le chef des mécréants Bush, et l’autre sous la bannière de l’islam. »

    Déjà à l’époque (1910), l’on projetait la formation des « États-Unis d’Europe occidentale» (sans la Russie) en vue d’actions communes contre  « les Noirs d’Afrique », contre le « grand mouvement islamique », pour l’entretien « d’une armée et d’une flotte puissantes » contre la coalition sino-japonaise », etc.

 

    Dès ce moment donc, le péril « grand mouvement islamique » comme le « péril jaune » était à l’horizon. Aujourd’hui, c’est le péril islamique qui est à l’ordre du jour.

Demain à qui le tour ?

 

 

4. 2.1. Ben Laden

 

 

Oussama Ben Laden

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Ben Laden, le « Che Guevara de l'islam », fils de la doctrine wahhabite saoudienne,

l’homme qui a lancé contre le « Grand Satan » (les USA) et le  « Petit Satan » (Israël), une « fatwa »

Satan, d’après le Coran est le Tentateur « qui suggère de mauvaises pensées et se dérobe, qui souffle le mal dans le cœur des hommes » (Coran, CXIV, 4-5)

« Nous sommes, déclaret-il, encore au début de notre action militaire contre les forces américaines. »

« Nous croyons que Dieu s'est servi de notre guerre sainte en Afghanistan pour détruire l'armée russe et l'Union soviétique, a-t-il dit. Nous l'avons fait du sommet de la montagne sur laquelle vous êtes assis – et maintenant nous demandons à Dieu de se servir de nous une fois de plus pour faire la même chose à l'Amérique, pour en faire l'ombre d'elle-même. Nous croyons aussi que notre combat contre l'Amérique est beaucoup plus  simple que la guerre contre l'Union soviétique parce que certains de nos moudjahidins qui ont combattu ici en Afghanistan ont aussi participé à des opérations contre les Américains en Somalie – et ils ont été étonnés par l'effondrement du moral américain. Cela nous a convaincus que l'Amérique est un tigre de papier.» (in Le Monde, 18.09.01 : Oussama Ben Laden, par Robert Fisk ).

 


   Les États-Unis, sont vis-à-vis de Ben Laden, dans la posture, du magicien, impuissant devant les forces infernales qu’ils ont eux-mêmes déclenchées.

 

4.2.2. Georges W. Bush 

 

    Quelques extraits du film de William Karel présenté par Jean-François Lepetit en collaboration avec Eric Laurent auteur de « La guerre des Bush » et « Le monde secret de Bush » aux éditions Plon.

 

Dieu l’a sauvé de  l’abus d’alcool

 

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 « Il a rencontré Dieu. Dieu l’a sauvé de  l’abus d’alcool.

   Un jour  il a découvert la religion.

  Dieu lui a parlé et lui a dit prépares-toi, j’ai une mission à te confier. C’est ainsi qu’il a cessé de boire et de courir les filles.

   Il a dit que sa foi et sa relation avec Dieu avaient changé sa vie.

   Bush Junior dans une interview dans un journal d’« Austin » a eu à déclarer : « je suis investi d’une mission divine : promouvoir une vision biblique de la politique menée des États- Unis. ».

     Dieu lui est apparu et lui a dit qu’il sera Président.

Quant on lui a demandé lors d’un débat présidentiel, quel était le philosophe ou  le personnage historique qu’il admirait le plus, il a répondu Jésus Christ.

     A la maison Blanche, ils prient tous chaque matin en arrivant.

     La salle du conseil des ministres à la Maison Blanche, ressemble désormais à une vaste salle de prière où entre les lectures collectives de l’ancien et du nouveau Testament, les hommes en place  gèrent les affaires de l’Amérique et du monde.

     La religion est très importante pour toute l’équipe.

    Son gouvernement est à plat ventre devant les extrémistes religieux.

    Le soutient le plus fort de Bush c’est l’aile droite conservatrice et religieuse (les « Chrétiens sionistes ».

    Il fait partie de la droite chrétienne.

    Le fondateur de la coalition chrétienne Jerry Folwell avait jeté  le blâme sur les païens,  les Gays et les lesbiennes, moralement responsables selon lui des attentats  du 11 septembre.


G. W. Bush

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   Bush  avait déclaré : invoquons la sagesse et la présence de  Dieu dans ce que nous faisons. Notre croisade contre le terrorisme va prendre un bon moment.

  Cette droite chrétienne a une politique étrangère : soutient à Israël,   teinture antimusulmane.

    Bush partage le point de vue du Général  Boyken chef des service secret du Pentagone, un chrétien évangéliste qui prêchait en uniforme, comme un chrétien illuminé pour une croisade contre l’Islam. (Extraits du Film de William Karel)

 

    Le général William G. « Jerry » Boykin, un ancien des forces Delta (unité d’intervention antiterroriste de l’armée américaine), déclarait dans l’ « Oregon », que les radicaux islamiques haïssaient les États-unis :

« parce que nous sommes une nation chrétienne, parce que nos fondations et nos racines sont judéo-chrétiennes. Et l’ennemi est un type qui s’appelle Satan » (Alain Gresh : La guerre de mille ans. In Le Monde diplomatique, septembre 2004 ; pp. 1, 22 & 23).

A une autre occasion, il proclama :

« Nous, l’armée de Dieu, dans la maison de Dieu, dans le royaume de Dieu, avons été élevés pour une telle mission » 

 

    Et, à propos de la guerre en Somalie contre les chefs de guerre musulmans :

« je savais que mon Dieu était plus grand que le leur, je savais que mon Dieu est un vrai dieu et le leur une idole »

 

    C’est le même général qui s’est illustré tristement en « exportant » le système carcéral mis en place à Guantanamo vers l’Irak, avec les résultats que l’on connaît en matière de torture.

«Aux États–Unis, il y a une Alliance très importante entre la droite chrétienne et le lobby  pro-israëlien.

Sharon est considéré comme l’homme choisi par Dieu pour accomplir les prophéties de la fin des temps.

    Les néo-conservateurs dont le maître à penser est le Sous-Secrétaire d’état à la défense, Paul Wolfowitz, sont les tireurs de fil à la Maison Blanche.

    En 1998, le Comité pour la sécurité et pour la paix dans le Golf avait adressé une lettre ouverte au Président pour le pousser à intervenir militairement  en Irak. Elle se terminait par ces mots :

« soyons clairs, renverser Sadam est la seule issue susceptible de répondre aux intérêts vitaux des États-Unis. »

    Parmi les signataires, Paul Wolfowitz et Richard Perle (chef de file des néo-conservateurs).

    Jusqu’au 11 septembre Bush (qui était au pouvoir depuis neuf mois)  n’avait aucun programme.

     Reagan parlait de l’empire du mal à propos de l’Union soviétique.

     Bush Junior parlera de l’ « axe du mal » (« axe of evel »).» (Extraits du film de William Karel)

 

    Tout cela se passe de commentaire. Aux lecteurs d’en juger : De Ben Laden et de Bush,  qui est fondamentaliste qui ne l’est pas.

 



15/02/2012
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