14e thèse : L’utopie démocrate-sociale ou les fondements philosophiques, économiques, sociaux–culturels de la CDS
§.1. Les fondements philosophiques de la CDS
Une conception du monde est indispensable pour guider l’homme dans l’établissement de ses rapports avec la nature (y compris ce qui relève du Divin) et dans ses rapports avec les autres hommes.
C’est pourquoi la CDS s’est dotée d’un système philosophique, qui guide ses orientations stratégiques et tactiques. Cette philosophie est un guide pour l’action. Elle repose sur nos valeurs culturelles permanentes (ces « invariants psychologiques et culturels ») que l’on retrouve chez tous les peuples négro-africains qui ne sont pas figées mais qui évoluent au contact des autres cultures. Elle nous permet de nous adapter à l’universalisation de la civilisation tout en gardant notre personnalité propre.
Ce qui fait la personnalité négro-africaine, c’est cette manière qu’ont les Africains, de concevoir le monde et de vivre la vie, tout en se soumettant à la nécessité.
Cette philosophie, c’est le réalisme africain.
Le réalisme africain est un matérialisme mais un matérialisme qui n’affirme pas la seule existence de la matière et qui débouche sur l’athéisme. Il repose sur l’existence et la primauté du réel. La matière et l’idée constituent les unités d’une même monade, des états différents d’une même essence que nous nommons le « réel ».
Cette conception du rapport dialectique de la matière et de l’idée nous permet de surmonter le dilemme entre le monisme qui explique les phénomènes par un seul principe et le dualisme qui pose l’esprit et la matière comme deux entités indépendantes et sans liens entre elles.
Le réalisme africain est la synthèse des deux directions de la pensée philosophique qui ont opéré l’une dans l’Inde ancienne et l’autre dans l’Occident moderne. Dans l’une a régné le monisme idéaliste, et dans l’autre on a assisté au triomphe du monisme matérialiste.
L’homme négro-africain, mû par son réalisme, a conscience qu’il est composé d’un corps et d’une âme et qu’il doit savoir concilier la vie physique et la vie psychique pour son plein épanouissement.
Une telle démarche philosophique, appliquée dans le domaine de l’économie et de la politique, aboutit à donner une physionomie propre à notre évolution. C’est ainsi que nous affirmerons notre différence dans l’universalité.
§.2.Les fondements économiques de la CDS
Le libéralisme en tant que doctrine politique et économique est pratiquement indépassable pour plusieurs générations encore à venir.
Elle repose sur une référence à la nature de l’homme. Et l’homme s’y accommode sans effort sans violence sur soi.
Vouloir le dépasser par la gauche, en proposant le socialisme, c’est engager notre peuple dans une voie aventureuse, qui peut être ruineuse parce qu’au lieu d’être source de progrès, elle sera tout simplement une régression porteuse de maux encore plus grands.
Chercher à le dépasser par la droite ou par une tangente quelconque, par des archétypes tirés du passé, c’est nous conduire dans des voies sans issues et nous faire tourner en rond.
Le torrent du capitalisme dans notre pays n’est pas encore considérable (à moins de vouloir confondre rapport marchand et rapport capitaliste). C’est dans les villes, au sein de l’entreprise que s’établissent des rapports de production véritablement capitalistes.
Mais ce torrent qui grossit chaque jour davantage par les eaux qui viennent de toutes parts, se transformera en un courant irrésistible, que l’on ne pourrait arrêter encore moins assécher.
Lorsqu’on connaît les lois de l’évolution sociale, il faut savoir se donner les moyens d’éviter la collision avec elle, et ainsi éviter un gaspillage de force. Connaissant la direction du torrent d’un fleuve, cela nous permet d’évaluer nos forces pour nager à contre courant.
Ne pouvant arrêter l’expansion du capitalisme, il faut savoir se mettre en mesure de réguler son cours, de régler les transformations qu’il imprime à nos sociétés de telle manière qu’on en puisse tirer profit.
Il nous faut transformer cette énergie destructrice dont elle est porteuse, en une force génératrice de développement.
Dans l’intérêt de nos populations laborieuses, il nous faut tirer profit du bouleversement social et économique en train de s’accomplir dans notre pays.
Nous ne devons pas laisser nous échapper cet avantage essentiel en gaspillant nos énergies spirituelles, intellectuelles et morales à se bâtir des châteaux de cartes.
Pour nous, le souhaité est fonction du nécessaire.
C’est pourquoi notre programme est un programme pour une voie de développement fondé sur le réalisme politique.
Que le libéralisme économique soit pratiquement indépassable pour encore longtemps, ne nous empêche pas de chercher une doctrine qui « penserait le rapport entre la nature et la loi d’une façon plus complètement satisfaisante que ne le fait le libéralisme ».
C’est pourquoi notre programme pour la transformation de notre société est une formulation d’un ensemble de principes politiques qui, à défaut de réaliser l’idéal de rêve, nous permettra de conduire au mieux notre pays dans la réalisation de performances en choisissant entre deux maux le moindre et en préférant entre deux biens, le meilleur.
Aujourd’hui, avec les tendances actuelles du libéralisme (économique et politique) triomphant, revenu aux vieux principes de l’économie politique, nous sommes conscients que la tâche est doublement ardue.
Le problème demeure de sauvegarder « un heureux exercice de l’initiative individuelle » tout en introduisant un minimum d’équité dans le système.
Notre politique économique se veut être un pragmatisme, mais un pragmatisme à principes. Ne pouvant arrêter le développement capitaliste dans notre pays pour nous lancer dans une « troisième théorie nationale », à défaut d’en faire l’économie en empruntant des raccourcis socialistes, nous voulons y participer sous les auspices les plus favorables. Et cela est possible en adaptant nos structures et surtout nos valeurs traditionnelles à un développement capitaliste dont on puisse tirer profit de tous les avantages en minimisant les inconvénients.
C’est ce qui s’appelle le pragmatisme et qui est une traduction de notre « réalisme philosophique » dans le domaine de la politique économique. C’est la voie de la démocratie-sociale ou du libéralisme social.
Cette tâche exigera de notre peuple, le travail de plusieurs générations. Et ne voulant pas être des charlatans politiques, nous nous refusons à déterminer la physionomie que prendra la société du futur, celle que nos arrières petits-fils seront amenés à bâtir.
Nous sommes convaincus qu’ils auront l’intelligence, à partir de l’héritage que nous leur laisserons de définir la nature de la société dans laquelle ils aimeraient vivre.
Si nous savons nous occuper de nous-mêmes et de nos descendants, nous aurons assez fait.
On ne peut libérer les hommes tant qu’ils ne sont pas en état de se procurer complètement nourriture, logement et vêtement en qualité et en quantité parfaites. La libération, écrivait Marx, est un fait historique et non un fait intellectuel, et elle est provoquée par des conditions historiques, par l’état de l’industrie, du commerce, de l’agriculture, de l’environnement international, etc.
Ce refus de nous aventurer dans l’établissement de la physionomie que revêtira la société du futur découle du fait que le monde actuel, avec l’uniformisation des systèmes obtenus par la désintégration du système socialiste, l’antithèse du capitalisme, est à la recherche de nouveaux repères. Et la définition de ces repères sera fortement marquée par les économies dominantes.
Nous ne sommes pas seuls sur terre. Nous sommes dans un système d’États capitalistes.
Il est déjà assez d’avoir une claire vision qui nous permette d’évaluer les forces de toutes les classes en présence, tant nationales qu’internationales.
S’abstenir de décrire tous les traits de la société future, ne nous empêche pas pour autant de définir quelques grands traits qui la caractérisent.
Nous ne sommes pas non plus des Don Quichottes livrant des batailles de l’inutilité.
Loin de renier nos valeurs traditionnelles, nous nous gardons de verser dans leur idéalisation. Et nous les considérons en fonction du développement des contradictions inhérentes au développement du capitalisme dans notre pays.
Nous ne pleurnichons pas sur ce qui a été et qui pourrait être mais nous prenons en considération ce qui est et est en train de devenir.
Par conséquent nous n’engageons pas notre lutte autour du capitalisme (l’évolution capitaliste de notre pays est hors de discussion), mais autour du type de développement capitaliste.
L’adhésion à la politique économique libérale dans le moment historique actuel que connaît notre pays, ne se pose pas en terme de choix. Elle s’impose contre toute volonté subjective.
Le développement des forces productives est une condition pratique préalable absolument indispensable à toute redistribution équitable des revenus. A défaut, c’est la pénurie qui deviendra générale et avec le besoin, c’est aussi la lutte pour le nécessaire qui recommencerait.
Nous ne préconisons donc pas remettre en cause les fondements de l’économie libérale. Elle répond aux exigences de la démocratie, qui en est son expression politique.
Les entraves à l’évolution de notre pays vers une vie économique moderne tiennent à ceci :
a) les pesanteurs socioculturelles qui entravent le développement économique dans nos campagnes où vivent la majorité de nos populations.
b) la force d’inertie que les structures communautaires opposent au progrès de ce développement.
c) la dépendance totale de toute l’économie nationale soumise aux lois du marché international dominé par les pays industrialisés.
Ce sont ces contraintes qu’il faut savoir surmonter en tirant avantage de l’économie de marché pour se frayer une voie de développement harmonieux pour l’instauration d’un État de démocratie sociale. Et cela exige de notre peuple des choix politiques et économiques qui diffèrent fondamentalement de ceux ayant cours jusqu’alors.
Le libéralisme économique qui a toujours prévalu dans notre pays, est un libéralisme dont les lois et les mécanismes de fonctionnement nous échappent, parce que déterminés de l’extérieur. Nos économies sont attachées au char du capitalisme international, accompagnant le développement des pays industrialisés sans avoir sa part dans le partage des richesses. Nos pays gravitent autour des pays occidentaux comme les planètes autour de leurs soleils.
C’est pourquoi nous préconisons une meilleure connaissance de ces lois et une maîtrise de leur mécanisme de fonctionnement. Il nous faut cesser d’être la périphérie et nous ériger en un centre autonome.
Ce libéralisme économique social, dont nous sommes partisans, consiste donc en un développement réel du capitalisme tenant compte d’abord des intérêts de notre pays.
Nous sommes pour le développement économique qui se fixe comme priorité, l’autonomie, l’indépendance de nos structures de production. Car, c’est à cette seule condition que les richesses ainsi créées par la production marchande, pourront générer le progrès dans le pays. Nous sommes résolument pour un libéralisme économique social indépendant.
Les réformes des structures que nous proposons à cet effet, même dans un cadre démocratique, visent à la transformation révolutionnaire de notre société.
Ce qu’il faut remettre en cause dans le développement du capitalisme dans notre pays, ce sont les conditions dans lesquelles ce développement s’opère chez nous.
Tous les pays qui ont éprouvé le système de production capitaliste, ont commencé par se défaire de l’emprise du voisin chez qui le système avait atteint la maturité : ce fut le cas de la France, puis de l’Amérique vis-à-vis de son ancienne métropole colonisatrice, l’Angleterre ; ce fut le cas du Japon vis-à-vis de l’Europe et des États-Unis d’Amérique.
Le mode de production capitaliste est contradictoire en lui-même et opère contradic-toirement. Pour être universel, il commence par se forger des barrières nationales afin de s’affermir pour ensuite entreprendre ses projets d’expansion.
Notre pays à l’instar de nombre de pays placés dans la même situation historique, souffre moins du développement du capitalisme que de son insuffisance. Il souffre plus de l’absence de développement capitaliste ou si l’on veut du développement insuffisant du capitalisme que de son développement véritable.
Tant du point de vue de la mise en œuvre de sa loi économique, des hommes qui en sont le vecteur, que des moyens de production, le capitalisme dans nos pays a de la peine à se déployer.
Du point de vue de l’opérationnalité de sa loi économique, il doit affronter les pesanteurs socio-culturelles qui entravent son développement dans nos campagnes où vivent la majorité de nos populations.
Quant aux hommes qui doivent en être le vecteur, c’est-à-dire la bourgeoisie africaine, il faut dire qu’elle a failli aussi bien sur le plan économique que politique.
A cela, il y a des raisons objectives et subjectives :
1°- La constitution des États nationaux s’est effectuée et s’effectue en Afrique à une époque de pleine constitution des États capitalistes d’Europe. Le capital dans ces vieux pays ayant atteint sa maturation, se devait de déborder les limites des frontières nationales pour la conquête de nouveaux marchés.
Dans les nouveaux pays, les conditions d’existence d’une bourgeoisie nationale, qui soit indépendante de toute sujétion à la bourgeoisie internationale, furent en même temps celles de sa suppression. Elle est, pourrait-on dire, trop jeune venue dans un monde déjà très vieux. Si la bourgeoisie en Europe a été à la base d’un développement économique prodigieux (surtout dans sa phase ascendante), la bourgeoisie africaine elle, se détourne de la voie qui peut l’amener à se nier en tant qu’instrument du capital international et à œuvrer pour l’essor de son pays.
Elle n’a pas voulu et n’a pas pu nationaliser le capitalisme, malgré son égoïsme national exacerbé quand il s’agit de conserver ses privilèges au prix de compromettre le devenir de tout un peuple. La bourgeoisie africaine ne s’est trouvé que l’ambition de se faire intermédiaire.
Elle n’a pas, comme l’a bien dépeint F. Fanon, la vocation à transformer la nation, mais celle de servir de courroie de transmission au capitalisme étranger. Elle se complaît dans le rôle d’agent d’affaire de la bourgeoisie internationale.
La bourgeoisie africaine a été en effet incapable de jeter les fondements d’un régime économique qui soit à même de se développer selon les lois mêmes du capitalisme;
2°- Quant à l’insuffisance du développement des forces productives, elle est liée à la difficulté qu’il y a à introduire les nouvelles techniques de production dans le monde rural, à l’insuffisance des capitaux, liée à la nature extravertie de notre économie, économie toute tournée vers l’extérieur et qui repose sur le modèle de consommation diffusé par les classes nanties.
C’est pourquoi, nous devons le réaffirmer : nous préconisons le libéralisme économique, non comme un choix, non comme un idéal, mais comme une nécessité que nous impose le niveau de développement de notre économie insérée au sein de l’économie mondiale. Cette option ne saurait par conséquent constituer pour nous un choix délibéré.
C’est en cela que nous nous distinguons des libéraux conservateurs qui ont pris parti, par option et par vocation, pour les patrons contre les travailleurs et qui œuvrent conscien-cieusement à favoriser le capital au détriment du travail dans la répartition de la valeur ajoutée créée lors du processus de production.
Notre orientation est une orientation raisonnée, pragmatique, guidée par une claire intelligence de l’évolution des sociétés.
§.3. Des fondements sociaux de la CDS
A) L’homme est au début, au centre et à la fin du développement.
Dire que l’homme est au début, au centre et à la fin du développement ne relève pas d’une conception anthropocentrique. C’est simplement, dans notre action politique, faire de l’homme le centre de nos préoccupations.
Nous avons foi en l’homme et en sa destinée. Et pour la réalisation de cette destinée, c’est l’homme qui est le remède de l’homme.
Le réalisme africain, permet à l’homme de recouvrer son être unifié. C’est pourquoi le regard du monde se tourne alors vers l’Afrique afin de donner à l’homme des certitudes nouvelles. Les Africains eux-mêmes se penchent sur leurs traditions pour voir ce qui reste de leurs valeurs humaines originelles et de leur conception du monde.
Notre humanisme, nous voulons le fonder sur cette conception africaine de l’homme, enrichie des apports d’autres civilisations. Nous sommes pour un véritable humanisme démocratique. C’est pourquoi nous serons les défenseurs des droits de l’homme partout où ces droits seront menacés. Mais il y a lieu de faire observer que ces notions des Droits de l’Homme et d’État de droit, dans le cadre des démocraties occidentales, revêtent un contenu abstrait. Elles se limitent à une condamnation des exactions politiques des régimes dictatoriaux sur leurs citoyens. Or les droits de l’homme doivent couvrir tous les droits naturels de l’homme : droit à l’éducation, droit à la culture, droit à se nourrir, à se vêtir, à se soigner et à se loger convenablement, droit à la dignité humaine tout court.
Notre lutte sera orientée non seulement vers la défense des droits bafoués par les dictatures mais aussi des droits à la dignité de la personne humaine, à l’égalité des chances. Nous aspirons à plus de justice sociale.
C’est pourquoi la démocratie sociale prend dans tout son contenu concret toutes ces notions et œuvrera à leur réalisation pleine et entière.
B) Des moyens dignes des fins
Au-delà des objectifs que nous nous fixons en tant que démocrates sociaux, nous sommes aussi soucieux des moyens que nous voulons nous donner pour atteindre nos fins. Car, c’est en étant attentif aux moyens, qu’on est sûr d’atteindre les fins.
Une fin louable se doit d’avoir des moyens dignes d’elle. La fin vaut ce que valent les moyens. Des moyens qui ne sont pas en harmonie avec la fin compromettent la fin elle-même et sont source, après la victoire, de nouveaux tourments, de nouveaux conflits, de nouveaux affron-tements dans la violence qui font regretter la situation que l’on a crue transcendée.
Nous sommes convaincus que les formes d’action et de lutte que l’on se donne préfigurent déjà du visage de la société que l’on veut édifier. C’est pourquoi les formes d’actions doivent exprimer la forme nouvelle du rapport humain que la lutte entend créer dans la société.
Dans notre combat il ne s’agit pas pour nous de substituer une domination à une autre mais de faire émerger des valeurs sociales radicalement nouvelles ou l’individu trouvera son plein épanouissement.
Changer une société et se changer soi-même est un processus unique qui doit s’entreprendre du même mouvement.
Et la vertu cardinale sur laquelle nous comptons fonder notre action est celle de la tolérance, c’est-à-dire, le droit à la différence.
§.4. Les fondements de l’action politique de la CDS
Toutefois, la révolution sociale, porteuse d’un nouveau projet de société, doit être précédée d’une révolution politique. C’est pour hâter l’avènement d’une telle révolution politique que la « Convergence pour la démocratie sociale » (CDS) trouve sa nécessité d’être.
La CDS se veut le parti du bloc historique, constitué par les différentes fractions de notre peuple autour de l’alliance intellectuels-ouvriers-paysans, pour œuvrer à l’avènement de la démocratie sociale par la Révolution démocratique.
Cette Révolution démocratique est avant tout politique. Elle vise au remplacement du régime actuel de « démocratie dictatoriale », en mobilisant l’opinion nationale en faveur du principe représentatif que seul rend possible la désignation des gouvernants par le suffrage universel.
Dans la perspective d’une transformation fondamentale par voie majoritaire, cette Révolution qui se veut pacifique, est possible et souhaitable pourvu que la démocratie dictatoriale au pouvoir ne persiste à vouloir entraver le cours irréversible de la volonté majoritaire et s’en remette à la sanction du peuple.
Cette Révolution, après la déchéance de la « démocratie-dictatoriale », vise à l’instauration d’une démocratie politique en dotant le pays d’institutions représentatives qui procèdent véritablement de la volonté du peuple qui aspire à vivre dans un état de droit.
Pour nous, l’exercice de la démocratie dépasse le simple cadre du suffrage universel et de l’affirmation d’un idéal égalitaire qui consiste en une simple redistribution des richesses qui d’ailleurs a montré ses limites.
La démocratie du type occidental, c’est-à-dire le libéralisme politique, est un pendant nécessaire au libéralisme économique. Elle prône le suffrage universel, lutte pour la défense des droits de l’homme que les dictatures bafouent et pour l’édification d’un État de droit.
C’est dans l’application de toutes ces notions que l’on démasque l’hypocrisie qui les entoure.
Il y a une correspondance nécessaire entre l’infrastructure et la superstructure, entre l’économique et le politique. Et c’est la relation dialectique entre ces deux instances qui, au cours du temps, a abouti à l’équilibre actuel dans les pays occidentaux, entre les institutions politiques et les structures économiques et qui forment le système qu’il est convenu d’appeler démocratie occidentale ou démocratie tout court.
Telle forme politique ne peut coexister qu’avec telle base économique. Il s’ensuit que le degré de préparation d’un peuple à une démocratie véritable, à une démocratie qui n’est pas un leurre, dépend du degré de son développement économique.
On ne saurait par conséquent procéder à une simple transplantation des institutions démocratiques du type plébiscitaire dans des pays comme le nôtre, où le libéralisme économique est à ses balbutiements pour ne pas dire y est perverti.
Les constitutions des peuples d’Occident ne peuvent être prises pour les modèles les plus élevés. Elles ne sont pas non plus en la matière le dernier principe de constitution, celui de notre époque. Autrement dit, nous sommes loin de croire que l’Occident ait trouvé la seule forme de gouvernement que puisse se donner la démocratie. Il est possible de concevoir un peuple démocratique organisé d’une autre manière que les peuples occidentaux.
Il suffit pour ce faire d’oser inventer.
C’est pourquoi nous ambitionnons de concevoir, en partant des particularités historiques de notre peuple, une démocratie autre qui pourra servir d’exemple aux autres nations.
On ne saurait copier servilement les institutions que l’Occident s’est données. Il faut chercher plutôt à les comprendre pour y puiser des enseignements utiles. On peut emprunter aux démocraties occidentales des principes mais non des lois. Car ces lois sont taillées à la mesure de l’Occident.
En transportant chez nous la lettre de la loi occidentale, nos constitutionnalistes n’ont pu en transporter en même temps l’esprit qui la vivifie.
Plutôt que de copier servilement les institutions que l’Occident s’est données, il aurait fallu faire un choix raisonné en nous inspirant de celles qui nous conviennent, pour y puiser des exemples plutôt que des enseignements, pour leur emprunter les principes plutôt que la lettre de ses lois.
Certaines lois sont inadaptées non seulement à nos réalités africaines mais aussi aux nécessités économiques dont elles se veulent l’expression politique.
Ce que tout le monde apprécie, ce sont les progrès réalisés dans le sens de l’édification d’un État de droit. En effet « État de droit » signifie la fin de l’arbitraire, de l’injustice, la garantie des libertés aux individus afin qu’ils vaquent en toute quiétude à leurs occupations et s’emploient à développer leurs industries.
Nous sommes donc des démocrates. Nous aspirons à l’avènement de la démocratie véritable et nous nous y emploierons. Mais nous devons demeurer conscients qu’elle demeure encore de nos jours rien qu’une aspiration.
Tout en étant conscient des limites de la démocratie telle que pratiquée dans notre pays, il nous faudra tirer profit de toutes les possibilités, qu’elle peut nous offrir pour l’implantation de notre parti et la diffusion de son programme d’action.
La démocratie plébiscitaire en œuvre dans notre pays et dans les autres pays en Afrique, n’est que formelle. Les institutions politiques mises en place ne peuvent en aucun cas nous faire nous méprendre sur la nature réelle des régimes en place. Ce sont des « démocraties dictatoriales ».
Nous sommes pour la démocratie sociale, cela veut dire que nous ne nous contentons pas de la démocratie politique, mais de la démocratie sociale et économique. Nous voulons une égalité de chance pour tous les citoyens, et ce par une démocratisation de l’éducation, de la culture, et une répartition équitable des revenus.
La démocratie sociale telle que nous la concevons, envisage la libération de l’homme par la liberté et non par voie de contrainte.
§.5. De la préservation de notre environnement écologique
L’essence de la démocratie ne réside pas dans des procédures, mais dans l’homme. Et l’homme ne saurait être abordé en dehors de son environnement.
Il est certainement désolant de voir qu’au fur et à mesure que l’homme s’individualise dans ce processus que l’on appelle la civilisation, il se dépouille des valeurs qui lui garantissaient de vivre en harmonie non seulement avec ses semblables au sein de la société mais aussi avec la nature.
Sa volonté d’être le conduit dans sa quête de domination de la nature à soumettre ses semblables. Ce premier pas accompli, la nature est constamment violée, jusqu’au point où l’équilibre écologique est remis en cause.
Les dérèglements climatiques actuels, avec leur lot de tempêtes, d’inondation, d’effets de serre, etc., sont une conséquence des agressions que les hommes infligent depuis fort longtemps à la Nature.
Quand l’équilibre écologique est gravement menacé, rendant l’existence humaine précaire, tout démocrate se doit d’inscrire dans ses préoccupations la sauvegarde de l’environnement. Car, de quels droits l’homme pourrait-il jouir si la nature, pourvoyeuse des biens matériels, va se dégradant continuellement sous les coups de l’homme lui-même, lui ôtant ainsi son droit à la vie et à la reproduction ?
De quelle justice l’homme peut-il se prévaloir quand la nature est spoliée de toutes ses richesses ?
Quelle démocratie l’homme peut-il ambitionner, si la nature est sujette à toutes les violations?
C’est pourquoi, pour nous, il ne saurait y avoir de droits pour l’homme aussi longtemps que la protection de la nature ne sera pas assurée.
Aussi, notre politique écologique et environnementale consistera-t-elle à restituer à la nature ses droits afin de préserver et garantir un cadre de vie épanouissant pour les générations futures. Il est impératif que les hommes réapprennent à vivre non seulement avec la nature, mais également avec eux-mêmes.
La protection de la Nature et par conséquent la sauvegarde de l’Humanité, a quitté le monopole des spécialistes pour devenir une question de citoyenneté.
§.6. Des États-Unis d’Afrique
Voir aussi Nkruhmah. L'organisation décide de tout...
Nous sommes résolument des Africains.
Conscients que les pays africains ne peuvent prétendre individuellement à un développement indépendant, vu leur poids respectif sur le marché international, nous préconisons une unité politique de tous ces pays au sein des États-Unis d’Afrique.
L’Unité africaine, disait N'krumah, est avant tout un royaume politique qu’on ne peut gagner que par des moyens politiques.
Le développement économique et social de l’Afrique, selon le même leader, procédera de cette réalisation politique ; l’inverse n’est pas vrai.
C’est pourquoi, tout projet politique d’un parti en Afrique qui ne s’inscrit pas dans la perspective de l’union des États africains, est un discours inachevé.
Que se soit du point de vue des masses africaines ou de celui des classes gouvernantes, le mouvement de démocratie qui a pris son essor sur le continent, se trouve hypothéqué sans la perspective d’union des peuples africains.
Après l’acquisition des indépendances politiques, la vie politique des peuples africains s’est organisée au sein de micro-États non viables. Et aujourd’hui la situation de banqueroute que connaissent divers États africains, est là pour convaincre les plus sceptiques. Ceux qui refusaient par égoïsme, que leur pays ne soit la « vache laitière » des autres peuples africains, se sont vite désillusionnés du miracle qu’on leur faisait miroiter. Le « lait » dont ils ont cherché à priver leurs frères africains, a servi, non à nourrir leur propre peuple, mais une minorité de corrompus parmi leurs compatriotes et les nations industrialisées de l’Occident.
Il n’est plus besoin d’établir, qu’il n’y a de salut pour les pays africains, que de salut collectif. Les « vaches laitières » ne présentent d’intérêt à traire, que si les « vachers » disposent d’une masse abondante de consommateurs dans le besoin. C’est la question de l’élargissement des marchés intérieurs.
Il est statistiquement établi que l’essentiel du commerce des pays européens se fait entre eux, pendant que les pays africains font l’essentiel de leur commerce avec les pays développés.
Le commerce inter-africain représente pratiquement peu de choses au regard du commerce total africain dont le flux est essentiellement dirigé vers l’Europe.
Alors l’on comprend, la loi de l’échange inégal intervenant, pourquoi les « vachers » ne tirent plus profit de leurs « produits laitiers » et sont aux abois.
A tout cela, il faut ajouter la réorientation des transferts de capitaux vers les nouveaux marchés qui se créent dans les pays de l’Est. Déjà que le flux des capitaux entre pays africains et pays occidentaux était en faveur de ces derniers.
Le capitaliste, étant à la recherche du profit maximum, trouve dans ces nouveaux marchés de l’Est de l’Europe des conditions de rentabilité plus avantageuses.
Plus d’un quart de siècle d’indépendance, n’a pas réussi à élever le pouvoir d’achat des masses africaines, ce qui aurait pu rendre les marchés africains intéressants pour les investissements de capitaux. Les industries occidentales trouvaient dans les administrations des États africains (au train de vie dispendieux) une clientèle intéressante pour l’écoulement de leurs produits. Mais aujourd’hui ces administrations endettées jusqu’au cou sont obligées de se soumettre à la thérapie du FMI, plus soucieux du recouvrement des emprunts consentis par l’Occident que du sort des populations des pays.
Aujourd’hui donc, à moins d’être atteint de cécité complète, il nous faut en Afrique nous unir ou périr.
Quelle que soit la pertinence du programme politique que nous élaborerons pour la résolution des maux de la société burkinabè, il ne serait efficace que s’il s’inscrit dans la perspective d’un État unitaire de l’Afrique.
Il est possible aujourd'hui de trouver une idéologie commune pour le projet d’unification des États africains. Fini, le temps où il fallait s’entre-déchirer entre partisans du libéralisme et partisans du socialisme. Chacune des options a fait ses preuves. La première, à défaut d'être mise en œuvre avec une volonté d’indépendance économique, a conduit à la banqueroute des États. Pour la seconde, ou elle n’a jamais pu triompher, ou ses parodies ont lamentablement échoué.
Théoriquement (nous l’avons établi) et pratiquement (l’expérience l’a prouvé), il n’y a pas et ne peut y avoir de troisième voie entre les deux voies.
De part et d’autre il existe des hommes qui aiment leur pays et qui sont dévoués à leur peuple, nourrissant pour eux de grandes ambitions.
Faisant le point en toute sincérité de leurs engagements respectifs, il serait surprenant qu’ils n’aboutissent à la même conclusion qui est la notre: l'idéologie de la seconde indépendance.
Cette idéologie, si on devait la définir positivement, se caractériserait par les traits suivants:
- Volonté d’indépendance totale;
- Développement de l’économie libérale sur une toile de fond de l’africanité. Les Japonais ont bien su se développer sans pour autant perdre leur identité culturelle. Bien au contraire, leur patrimoine culturel a joué un rôle majeur dans la suprématie qu’ils ont acquise.
Les peuples africains aussi, tout en étant conscients qu’ils sont contemporains aux autres peuples du monde, sauront, à ne pas en douter, procéder à la synthèse de leur passé et de leur présent pour concevoir un avenir dont la physionomie saura conserver les traits spécifiques de leur culture, enrichie des apports des autres civilisations.
La création des ensembles économiques tels l’UEMOA, la CEDEAO, etc., si elle ne s’inscrit pas dans une logique d’indépendance économique vis-à-vis de l’Occident, est un artifice pour organiser l’exploitation collective des divers pays: un marché unique dont le centre continuerait de se situer en Occident. Avec l’édification de l’Union européenne qui est devenue une réalité, au lieu que de tels ensembles soient dépendants d’un centre unique telle la France ou l’Angleterre, ils seront désormais soumis à un centre plus puissant et par conséquent subiront une pression plus grande et l’exploitation de nos peuples sera plus accentuée.
Tout est une question de rapport de forces dans les relations internationales.
Et dans la mesure où ceux qui nous gouvernent restent attachés à la logique chère à Houphouët et à Senghor, c'est-à-dire celle de l'« Afrique des patries » (et ce ne sont pas les derniers évènements survenus en Côte d’Ivoire qui démentiront ces propos), UEMOA, CEDEAO et autres, demeureront impuissantes à intégrer les diverses économies des pays membres. Chacune restant directement dépendant du centre unique occidental qu’il ait pour nom, France, Angleterre ou Europe.
Les pays africains pris individuellement ont été, sont économiquement intégrés directement à un centre occidental, n’entretenant presque pas, ou très peu des relations avec les autres pays africains. Et l'OUA depuis sa naissance n’a rien fait pour inverser cette tendance. Et tout laisse à croire (si l’on considère l'esprit des actes et non la lettre) que l’UEMOA et la CEDEAO, n’ont pas non plus pour ambition d’inverser le cour des choses, si ce n’est une tentative des pays « vachers », de faire payer la charge de « leur non développement » aux autres plus défavorisés.
Que l’on ait toujours à l’esprit, la déclaration d’un haut responsable sénégalais au moment de la constitution de la CEDEAO, et qui exprime aussi et surtout le point de vue des dirigeants ivoiriens (passés et présents). Il disait :
« Le Sénégal n’est pas décidé à participer au projet actuel de Communauté ouest-africaine à quinze, dans lequel un seul État (le Nigeria) dominerait d’une façon très nette les quatorze autres »([1]).
Et parallèlement, les gouvernements des deux pays (La Côte d’Ivoire et le Sénégal) œuvraient pour une Communauté ouest-africaine à six (CEAO), au sein de laquelle, leurs deux États domineraient les quatre autres.
Les autorités politiques de la Côte d'Ivoire et du Sénégal n’ont jamais rompu avec la logique déterminée par les « pères de l’indépendance » de ces deux pays.
Nous devons aller à l’unité africaine mais nous ne devons pas y aller la tête baissée. Il nous faut y aller en tant que nation forte.
C’est pourquoi tout en étant des partisans convaincus de cette nécessité, nous recommandons d’y aller progressivement en veillant sur les intérêts nationaux. Ainsi serons-nous préservés des retournements de situation où des nations dénoncent des accords auxquels ils avaient souscrits.
La voie suivie jusqu’à nos jours pour aller à l’unité africaine, n’est pas la bonne, car elle n’associe pas les peuples.
Qu’on se souvienne du fait qu' une fois que l’idée de l’indépendance eut gagné toutes les brousses d’Afrique, il fut devenu impossible pour les colonisateurs de maintenir leur empire. La poussée des masses a contraint même ceux qui ne voulaient pas l’indépendance, à la prendre.
Et lorsque le mot d’ordre de la seconde indépendance (qui passe par l'État Fédéral d'Afrique) aura gagné toutes les brousses d’Afrique, les gouvernants attachés au micro-nationalisme verront leur fin de règne et seront rangé dans la poubelle de l’histoire africaine.
Il faut compléter les initiatives venant du sommet c’est-à-dire de ceux qui nous dirigent par des initiatives venant d’en bas, c’est-à-dire des peuples organisés. Ce sont ces dernières qui sont la plus sûre garantie du projet de l’union africaine.
Forte de cette vision, la CDS œuvrera plutôt à l’union des peuples africains autour de leur volonté de vivre ensemble. C’est pourquoi elle lance l’idée de la création de l’Organisation des peuples d’Afrique (OPA).
Dès à présent elle œuvrera avec les partis burkinabè qui sont disposés à la constitution de la section nationale de l’OPA.
Même si la CDS, devait se retrouver à être le seul parti, elle se considèrera comme la section burkinabè de la future Organisation des peuples d’Afrique (OPA).
L’OPA, une fois constituée et œuvrant pour s’implanter dans les masses de chaque pays, concrétisera l’idée de la Fédération des États unis d'Afrique.
[1] - déclaration du 2 janvier 1974 de M. Daouda Sow, Ministre sénégalais de l’Information à l’époque
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