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11e thèse : Il y a utopie et utopie

 

11e thèse : Il y a utopie et utopie

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A partir de l’appréhension de la question sociale essentielle, c’est-à-dire de la question paysanne, certaines doctrines qui sont développées relèvent de l’utopie pure.

Une utopie, dans sa conception courante, est une construction de l’esprit d’une société idéale et parfaite. Toutes les utopies se veulent mobilisatrices, car elles suscitent des espoirs.

Dans un sens plus rigoureux, le terme est réservé à toute idéologie qui préconise la rupture avec l’ordre existant et sa transformation radicale selon un modèle abstrait.

Mais il y a utopie et utopie. Il y a des utopies révolutionnaires et des utopies réactionnaires.

Ces termes de « révolutionnaires » et « réactionnaires », ne doivent ni glorifier ni courroucer les tendances auxquelles ils s’appliquent. Ils sont employés dans leur interprétation étroite du mot, c’est-à-dire dans un sens historico-philosophique. Ils ne s’appliquent nullement aux qualités personnelles des théoriciens ni au programme de leur parti.

Les unes veulent anticiper l’avenir, s’appuyant sur les tendances de la décomposition certaine de la communauté rurale en train de s’opérer sous leurs yeux. Elles tournent leurs regards du côté du développement réel; elles veulent devancer réellement ce dévelop-pement. C’est en ce sens qu’elles peuvent être qualifiées de « révolutionnaires ».

Les hommes qui nourrissent de telles utopies ne redoutent pas cette évolution, car ils voient avec le développement des contradictions propres au système capitaliste, le gage d’un avenir meilleur. Ils sont animés par un optimisme historique : plus les choses iront comme elles vont, et mieux cela vaudra.

Mais est considéré comme « réactionnaire », toute doctrine qui se fonde non en comparaison avec l’avenir, mais avec le passé et qui mesure la société nouvelle avec les valeurs et les usages de la société traditionnelle qui ne répondent plus aux conditions économiques transformées. De telles doctrines se justifient sur les ruines d’une société en décomposition et non par sur les tendances du développement moderne qui favorisent non la consolidation de la petite production mais l’essor de la grande production.

C’est en ce sens que la doctrine connue sous l’appellation de « populisme » est un courant réactionnaire. Tout en idéalisant le paysan et la communauté rurale, les populistes voient dans les vices du capitalisme, une anomalie, une déviation, une déchéance, une régression, qu’il faut freiner et arrêter, avant qu’il ne soit trop tard.

A coup d’annonces apocalyptiques, les populistes redoutent l’évolution actuelle de notre pays et ils dépeignent avec horreur l’avenir qui nous est réservé si notre pays devait demeurer dans cette ligne de développement. Ils sont animés par un pessimisme historique : plus les choses iront comme elles vont, et pis ce sera.

Ils nourrissent une foi aveugle dans les destinées particulières et singulières de nos structures et de nos valeurs traditionnelles, convaincus qu’ils sont, que si certains traits de la civilisation occidentale nous font défaut, nous sommes par contre appelés à révéler au monde de nouveaux modes de gestions économiques et surtout le modèle d’homme que l’Occident a perdu en route.

L’utopie populiste, fait ouvertement l’apologie de ces entraves ou bien évite soigneusement d’en parler (ce qui revient pratiquement au même). Est-ce peut-être par réaction primaire contre le mimétisme aliénant et acculturant dont certains se font les défenseurs?

Les populistes tournent le dos au développement réel, ne comprenant pas le caractère progressif de la décomposition des anciens rapports sociaux ancestraux, la dissolution de la forme de propriété antique, processus qui a été entamé depuis par la colonisation et même bien avant avec l’extension de l’économie marchande. L’incompréhension du fait que des éléments de progrès sont inhérents à cette décomposition qui est l’œuvre du capitalisme explique le caractère réactionnaire des théories populistes.

L’utopie populiste n’anticipe pas l’avenir. Elle veut restaurer le passé.

Les populistes ne regardent pas en avant, mais en arrière. Ils rêvent de mettre un frein à la décomposition des structures traditionnelles qu’ils veulent prendre comme point de départ de leur utopie. C’est pourquoi leur utopie est une utopie réactionnaire.

 

En outre, il existe un rapport entre les représentants politiques et littéraires d’une classe et la classe qu’ils représentent. 

Et à travers sa doctrine et ses prises de position, chaque parti politique dans notre pays se fait le représentant d’une classe dont ils défendent inconsciemment ou consciemment les intérêts et les aspirations.

Les libéraux conservateurs, ne considèrent pas le capitalisme comme étant seulement un progrès, mais le plus juste système qui puisse exister de toute éternité. Ce faisant ils sont l’expression des producteurs possédants, c’est-à-dire de la classe des bourgeois.

Quant aux socialistes conséquents, ils prétendent se placer du point de vue des intérêts des producteurs non possédants, c’est-à-dire de la classe engendrée et développée par le capitalisme. Ils se déclarent le parti des prolétaires, c’est-à-dire de ceux qui ne disposent de rien d’autre que de leur force de travail.

Les populistes quant à eux expriment les intérêts des travailleurs en général, sans distinction de leur position sociale dans le rapport de production prédominant. Mais en réalité, dans la pratique, ils se font les défenseurs du point de vue du petit producteur que le capitalisme transforme en producteur de marchandises.

Le populisme correspond essentiellement aux intérêts de la petite bourgeoisie, qui occupe dans la production capitaliste, une situation intermédiaire entre les autres classes. Son attitude contradictoire et sa préférence affirmée pour des solutions médianes (la troisième voie en question!) ne sont pas l’effet d’un hasard, mais le résultat nécessaire du contenu même de ses conceptions doctrinales et de sa faveur pour le petit producteur.

Ce qui fait des populistes les représentants de la petite bourgeoisie, c’est que leur vision ne peut dépasser les limites que le paysan (le petit bourgeois par excellence dans la production capitaliste) ne dépasse pas lui-même dans sa vie, et que leur horizon ne sort pas des limites de la communauté rurale patriarcale à laquelle ils s’accrochent désespérément, avec parfois des épanchements romantiques.

  Ainsi se définissent les attitudes des partis vis-à-vis du développement du capitalisme et de ses implications dans notre pays.

Vis-à-vis de ce développement, il n’y a que deux attitudes possibles : soit on considère ce développement comme un phénomène progressif, soit on le considère comme un phénomène régressif ; soit comme un pas en avant, soit comme une déviation par rapport à la voie juste.

Ce développement s’apprécie aussi de deux façons possibles : en se plaçant, pour le juger, soit au point de vue de la classe des producteurs possédants (de la bourgeoisie), soit de la classe des producteurs non possédants (du prolétariat) qu’il engendre. Il n’y a pas de juste milieu. Car en se plaçant au point de vue du petit producteur, c’est-à-dire du paysan,  cela revient à se placer du point de vue du producteur possédant. Le capitalisme dans son développement détruit irrémédiablement le petit producteur, élevant les uns aux rangs des producteurs consolidés dans leur possession et ruinant les autres en les rejetant dans le lot des non possédants.

L’histoire, dans l’appréciation des différents systèmes sociaux, nous est utile en ce qu’elle est pleine d’enseignements et notre jeunesse doit continuellement s’en inspirer pour éviter les vains engagements qui tournent en déceptions démoralisantes.

En éventant toutes ces utopies, comme nous venons de le faire avec un certain nombre de mythes, notre objectif est d’amener le peuple instruit à se faire une juste idée sur les alternatives que proposent les différents partis politiques de notre pays. Chacun pourra ainsi juger de la pertinence de leurs orientations politiques et pourra se déterminer en fonction de cela.

C’est une tâche ingrate, mais nous sommes résolument déterminés à œuvrer pour éviter à notre peuple des tourments inutiles en se laissant conduire dans des voies sans issues.

 

 

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25/10/2011
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