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Deux voies, deux perspectives dans la question de la Révolution en Haute-Volta

Deux voies, deux perspectives dans la question de la Révolution en Haute-Volta

(Extrait du Journal de l'ULC, « Le Prolétaire» no 2 du mois de juin 1979.)

[La question de l'Indépendance politique]

 


 

 

Pourquoi publier cet extrait?

Parce qu'il ya encore des grands intellectuels qui continuent de déveopper des inepties autour de la question de l' "Indépendance politique" et d'autres arguties du même genre.

J'invite la jeunesse et surtout les étudiants à lire cet extrait pour se convaincre que ce sont des théories éculées,longtemps refutées que leurs maîtres continuent de leur servir.

 


 

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« Le problème fondamental de toute révolution, enseigne Lénine, est celui du pouvoir. Tant que ce problème n'est pas élucidé, il ne saurait être question de jouer consciemment son rôle dans la révolution et encore moins de la diriger. » (Lénine)

      La révolution ne consiste pas en un coup d'État. Elle ne se ramène pas à des activités putschistes et aventuristes. Elle est l'œuvre des masses populaires, et non le fait d'une minorité agissante. Si aujourd'hui nous constituons une minorité qui perçoit la nécessité inéluctable de renverser l'ancien ordre, nous devons comprendre que toute l'affaire ne réside pas en cela. Le point fondamental c'est, pour la minorité qui a pris conscience de l'impossibilité du maintien de l'ancien ordre, la, capacité d'élever les masses innombrables à cette perception. Il faut que cette avant—garde eue nous constituons soit à même, par les perspectives révolutionnaires qu'elle dégage, par les mots d'ordre d'agitation et de propagande qu'elle formule; par les mots d'ordre tactiques et les mots d'ordre stratégiques qu'elle avance, d'entraîner ces masses innombrables à la lutte révolutionnaire plus profonde et plus ample.

     Ce qui importe plus que tout, « c'est que les masses, les masses innombrables, comprennent cette nécessité et se montrent prêtes à soutenir l'avant-garde. Mais cela, les masses ne peuvent le comprendre que par leur propre expérience. » « Nous ne sommes pas des blanquistes, des partisans de la prise du pouvoir par une minorité » disait Lénine. Nous sommes des Marxistes-Léninistes, c'est-à-dire « des partisans de la lutte de classe prolétarienne; nous sommes contre les entraînements petits-bourgeois, contre le chauvinisme jusqu'auboutiste, la phraséologie, la dépendance à l'égard de la bourgeoisie. » Étant des Marxistes-Léninistes, toute notre activité est fondée sur l'essence de la méthode léniniste, qui est à l'opposé de tout doctrinarisme, qu'il soit de droite ou de gauche. Cette méthode nous enseigne à tout moment à analyser en terme de rapport de force des classes, à tenir « un compte des plus exacts, objectivement véritable » de ce rapport en relation avec les particularités concrètes de chaque moment de l'histoire.

      Cette méthode nous enseigne à rejeter loin de nous toute méthode, qui consiste à apprendre par cœur et à prendre tels quels des mots d'ordre révolutionnaires sans tenir compte des particularités concrètes qui ont prévalues à leur formulation par d'autres forces politiques dans des conditions toutes différentes des nôtres. Cette méthode nous préserve de deux déviations très souvent répandues.

     La première, c'est celle qui nous conduit à aveuglés par un subjectivisme accentué. Cela se manifeste dans le désir de voir vite arriver la révolution et qui nous pousse à prendre ce désir pour la réalité. Ainsi on n'hésite pas à dénaturer les faits pour les faire cadrer dans des schémas ossifiés déjà élaborés. La, vie passe souvent à côté des théories élaborées sur de telle base. Ainsi on a vu, dans la situation actuelle de la Haute-Volta, certains qui, s'étant rendu compte de l'impossibilité de l'ordre ancien, en sont arrivés à déclarer sa « faillite complète », sa « banqueroute totale ».

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     L'implication d'une telle affirmation c'est qu'aujourd'hui en Haute-Volta la révolution est mûre et que les masses innombrables comprennent cette nécessité et sont prêtes à soutenir la minorité active qui lancera le mot d'ordre: « à l'assaut du pouvoir néo-colonial! ».

      Il n'est pas nécessaire d'ajouter que de telles vues relèvent des conceptions et pratiques putschistes et aventuristes qui caractérisent la petite bourgeoisie radicalisée. La généralisation rapide des mots d'ordre révolutionnaires, indépendamment de chaque situation concrète, du niveau de conscience politique atteint par les masses innombrables, l'impatience petite-bourgeoise, voilà ce qui caractérise une telle tendance très révolutionnaire par la phrase, mais en fait qui vise à faire échouer la révolution.

      La deuxième déviation c'est l'attitude passive qui conduit à être à la traîne des masses et attendre les bras croisée que la révolution mûrisse d'elle-même. Les tendances qui se fondent sur une telle déviation en arrivent à une sous-estimation des changements graduels qui s'opèrent dans la conscience des masses populaires et dans une démission totale dans le travail d'agitation et de propagande en rapport avec l'activité révolutionnaire, qui contribue au mûrissement de la révolution. Une telle tendance aboutit à détourner les masses de la révolution à laquelle elles aspirent réellement. Cette aspiration se manifeste à travers les multiplies assauts qu'elles livrent contre le pouvoir néocolonial. Mais à défaut d'une avant-garde véritablement constituée, capable de leur dégager une perspective juste et révolutionnaire et d'organiser leurs luttes en les conduisant à la victoire, ces luttes sont le plus souvent récupérées.

     C'est dire que le premier problème fondamental de la révolution dans notre pays est la question essentielle du rôle dirigeant de la classe ouvrière, seule force qui, à travers son parti véritablement communiste, est à même de répondre révolutionnairement aux questions de la révolution que la vie même avance sur le tapis. Seul un tel parti est à même de tracer une perspective juste et révolutionnaire, sans laquelle la révolution, même si elle devient une question posée, ne saurait être résolue correctement.

      Face à tous les courants petits-bourgeois qui s'agitent fébrilement, certains sous le manteau du communisme, face aux différentes, alternatives pseudo-révolutionnaires qui sont présentées aux masses populaires voltaïques, il est du devoir des communistes authentiques de sauvegarder et défendre les acquis théoriques de la doctrine scientifique du prolétariat mondial, en combattant et réfutant systématiquement toutes les tentatives d'avilissement de la part des opportunistes et renégats (dont certains sont bon à être rangés dans « les archives des curiosités prérévolutionnaires ») de diverses nuances qui visent à fourvoyer le prolétariat voltaïque et à engager la révolution dans une fausse voie.

     Aujourd'hui, dans la Haute-Volta actuelle, la question de la perspective juste reste entière. Il nous appartient, à nous communistes, de dégager la voie juste, la seule à même d'amener la classe ouvrière à se constituer en une force politique indépendante et à assumer son rôle dirigeant dans la prochaine révolution en Haute-Volta. Nous ne saurions nous acquitter correctement de cette mission que nous assigne l'histoire si nous ne savons pas assimiler et propager la base, l'essence de la doctrine et de la méthode léninistes que Staline a su défendre et préserver.

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      Œuvrant à la création du parti véritablement prolétarien, armé d'une théorie révolutionnaire qui n'a rien à voir avec la largeur de vue proposée par le P"CR"V sous forme de programme et qui est un assemblage diffus « des programmes les plus divers et les plus contradictoires », et qui « pour cette raison est applicable aussi bien aux intellectuels qu'au prolétariat et à la paysannerie », il nous faut dans le feu de la lutte révolutionnaire des masses développer les justes conceptions théoriques du prolétariat révolutionnaire.

     En d'autres termes, il nous faudra travailler au rétablissement de l'unité compromise entre la théorie et la pratique, à la suppression de la rupture existant entre elles. Il nous faudra «éprouver » tous les programmes petits-bourgeois proposés aux ouvriers et les mots d'ordre qui en découlent, démasquant ainsi la voie qui conduit, tout droit à la pseudo révolution.

     Œuvrant pour mériter la confiance des masses prolétariennes, nous ne saurions réussir dans cette tâche si nous n’« éprouvons » pas la politique des divers partis bourgeois et petits-bourgeois, en partant non de leur proclamation de foi mais de leurs programmes et de leurs activités pratiques.

      Œuvrant à l'éducation des masses, en vue de la révolution prolétarienne, nous ne saurions atteindre des résultats positifs sans travailler à organiser le prolétariat en parti, sur une base véritablement communiste, toute chose différente du programme social-populiste du P''CR"V. C'est là une condition expresse, sans laquelle l'émancipation de la classe ouvrière reste une phrase banale, vide de toute signification réelle.

     Œuvrant à former de véritables cadres et de véritables leaders de parti, nous ne saurions nous acquitter correctement de cette tâche sans appliquer rigoureusement l’autocritique de nos propres erreurs. La critique et l’autocritique sont la seule arme qui permet aux organisations et aux partis prolétariens de s'instruire et de continuer de s'éduquer par l'expérience de leurs propres fautes.

« Tous les partis révolutionnaires, indique Lénine, qui ont péri jusque ici, ont péri parce qu'ils se laissaient aller à la présomption, ne savaient pas voir ce qui faisait leur force et craignaient de parler de leurs faiblesses ».

     Ces multiples tâches, nous ne saurions nous en acquitter si nous ne savons pas rester fidèles à la méthode léniniste, sachant prendre la doctrine marxiste-léniniste non comme un dogme, mais comme un guide pour l'action. Sans assimiler sérieusement cette méthode révolutionnaire, il est impossible de conduire le prolétariat voltaïque au communisme. Nous les communistes, nous devons, comme l'a indiqué Marx, nous distinguer des autres partis ouvriers, en ce sens que pratiquement nous sommes « la fraction la plus résolue qui entraîne toutes les autres ». Théoriquement, nous avons sur le reste du prolétariat « l'avantage d'une intelligence claire des conditions de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien ». On ne saurait se dire aujourd'hui un révolutionnaire, un partisan du socialisme, encore moins un communiste en général, si on ne sait pas déterminer dans le moment présent la nature de la révolution qu'il faut mener afin de préparer solidement le passage à la révolution suivante, à la révolution socialiste.

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« Quelle est la classe ou quelles sont les classes qui concentrent le pouvoir dans leurs mains; quelle est la classe ou quelles sont les classes qui doivent être renversées; quelle est la classe ou quelles sont les classes qui doivent prendre le pouvoir, c'est la question essentielle de toute révolution. »(Staline. Les questions du Léninisme, p. 223, édition « Naim frashëri ».)

 

     C'est autour de cette question essentielle que l'on éprouve les différents mots d'ordre qui sont avancés par les différentes forces politiques à propos de la prochaine révolution.

     Aujourd'hui deux mots d'ordre stratégiques sont mis en avant pour caractériser la prochaine révolution en Haute-Volta.

     Le premier mot d'ordre, s'en tenant à l'analyse concrète de la situation concrète, a déterminé la bourgeoisie voltaïque alliée à l'impérialisme comme étant l'ennemi concret immédiat à renverser.

      Le second mot d'ordre, s'en tenant à la méthode relevant du doctrinarisme, a déterminé, un ennemi extérieur qu'il faut renverser: l'impérialisme.

     Du premier mot d'ordre on aboutit au fait que le fer de lance de la révolution doit être dirigé principalement contre l'ennemi intérieur.

    Du second mot d'ordre on aboutit au fait que le fer de lance de la révolution doit être principalement dirigé contre l'ennemi extérieur.

   Le premier mot d'ordre dans son application conduit à la dictature révolutionnaire démocratique des ouvriers et paysans, sous l'hégémonie du prolétariat.

     Le second mot d'ordre dans son application conduit à une dictature conjointe de plusieurs classes aux intérêts divergents, sous l'hégémonie de la petite bourgeoisie.

    Du premier mot d'ordre on aboutit à l'exercice du pouvoir par les ouvriers et les paysans sous la direction conséquente de la classe ouvrière.

     Du second mot d'ordre on aboutit à l'exercice du pouvoir par la petite bourgeoisie ou ce qui revient au même, par la coalition de la petite bourgeoisie avec la bourgeoisie.

     Le premier mot d'ordre, c'est la Révolution Anti-Impérialiste Démocratique et Populaire (RA-IDP).

      Le second mot d'ordre, c'est la Révolution Nationale Démocratique et Populaire (RNDP).

    Tous les deux mots d'ordre clament la révolution. Comme chacun le constate, le mot révolution ne suffit plus pour distinguer le vrai du faux, le véritable révolutionnaire du pseudo-révolutionnaire.

    Ce qui permet dorénavant de distinguer le vrai du faux, c'est la définition claire et sans équivoque de la révolution dont on est partisan. Tous les partisans de la révolution sont posés devant un choix. Il nous faut choisir entre « tout le pouvoir aux ouvriers et aux paysans pour briser la résistance de la bourgeoisie nationale conciliatrice » et « tout le pouvoir à la petite bourgeoisie, à l'alliance entre celle-ci et la bourgeoisie ».

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     II nous faut choisir en effet entre d'une part le drapeau de l'internationalisme (du démocratisme conséquent), ayant pour base la dictature révolutionnaire et démocratique des ouvriers et des paysans et d'autre part le drapeau du nationalisme (du démocratisme inconséquent), ayant pour base la dictature de l'alliance de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie.

      En somme, deux voies se présentent à nous pour la révolution et il nous faut choisir une d'entre elles et nous y engager fermement. C'est une question de perspective. Dans la Haute-Volta actuelle, l'issue de la révolution dépend de ceci: la classe ouvrière jouera-t-elle un rôle dirigeant dans la révolution ou se contentera-t-elle d'être un simple auxiliaire de la bourgeoisie, en laissant une fois de plus le rôle dirigeant à la petite bourgeoisie? Dans le moment présent que traverse la Haute-Volta, à qui profitera le mot d'ordre de la RA-IDP? A qui profitera le mot d'ordre de la RNDP?

     Une réponse juste à cette question dépend de notre appréciation à la fois de la réalité économique, de la situation politique dans la Haute-Volta actuelle et de la portée politique des différents mots d'ordre considérés.

 

 

II

 

 

SITUATION POLITIQUE ET REALITE ECONOMIQUE DE LA HAUTE-VOLTA ACTUELLE:

 

     « La Haute-Volta est un pays néocolonial, en ce sens que c'est un pays politiquement indépendant, mais qui en réalité demeure un vassal aux points de vue économique, financier et militaire. »

     C'est ce que nous écrivions dans le premier numéro de notre journal « Le Prolétaire » (n° 0 du mois de septembre 1978).

    Comme autre caractéristique de la Haute-Volta, nous y écrivions que notre pays « est en outre un pays agricole arriéré où subsistent de façon étendue les rapports de production pré-capitalistes (près de 90% de la population est paysanne et vit sur la base de la petite production familiale, traditionnelle de subsistance). Le salariat reste très peu développé (40 .000 salariés environ sur une population de 6 millions). La majorité des salariés (60%) relève de la fonction publique. Le secteur industriel n'occupe que 6 000 employés. Le secteur rural contribue dans le produit intérieur brut jusqu'à concurrence de 8 356. Plus de la moitié de la production agricole reste non-commercialisée. C'est dire que notre pays est un pays néocolonial, agricole arriéré. » (p. 8 et 9)

     De toutes ces caractéristiques, le point qui semble être le plus contesté est celui de la Haute-Volta politiquement indépendante.

      Et le plus surprenant de l'affaire, c'est que notre principal contradicteur se trouve être un parti qui se veut communiste, le P"CR"V.

     Il est en effet surprenant de la part d'un parti qui à son corps défendant clame sur tous les toits, s'en tenir aux enseignements immortels des grands éducateurs du prolétariat mondial que sont Marx, Engels, Lénine et Staline. Ce qui est concevable pour un étudiant de première année devient intolérable de la part d'un parti qui se veut être le détachement avancé du prolétariat voltaïque.

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     Comment expliquer une telle opposition à ce juste point de vue, sinon que par l'ignorance crasse des acquis fondamentaux du Marxisme-Léninisme? Ainsi l'oubli (plutôt la mécon-naissance) de l'ABC du Marxisme-Léninisme nous impose une tâche ingrate, celle de devoir rabâcher les justes conclusions de Lénine et de Staline, arrachées de haute lutte contre les opportunistes de toute sorte.

     Il est douloureux d'en arriver à constater que l'histoire soit un perpétuel recommencement. La lutte de Lénine et de Staline et les acquis théoriques que nous héritons d'eux devaient servir à nous faciliter énormément la tâche à nous autres qui désirons marcher sur leur trace. L'ignorance crasse dont font preuve nos « communistes » du P"CR"V et la misère théorique qui les caractérise, nous obligent à revenir sur des sentiers déjà battus. Cette juste carac-térisation de la Haute-Volta comme politiquement indépendante nous a valu d'être assimilés par le P"CR"V aux opportunistes de la IIe Internationale (Cf. « Le Prolétaire » numéro 1 du mois d'avril 1979)

     Mais il faut les comprendre! Ce sont des gens qui sont incapables de distinguer Lénine de Kautsky. Vous leur présenterez un texte (révisionniste) de Kautsky que vous signerez Lénine et ils seront incapables de voir où se trouve la petite bête.

    Hormis l'aspect théorique de la question, une juste compréhension du passage du colonialisme au néo-colonialisme a une incidence certaine sur la définition claire et résolue du contenu de la prochaine révolution en Haute-Volta.

    L'indépendance politique de la Haute-Volta marque une étape nouvelle dans la vie politique du pays. Du point de vue de la lutte de classes au sein de la société voltaïque, cela, revêt une importance particulière, car la question du pouvoir d'État ne se pose plus dans les mêmes termes que lors de la période coloniale. L'ennemi à renverser n'est plus le même.

    Lorsque nous affirmons que le passage du colonialisme au néo-colonialisme revêt un caractère stratégique, cela veut dire que la lutte dans la situation néocoloniale est restée quant au fond la même (elle demeure une lutte anti-impérialiste), mais que sa forme a changé (de nationale, elle devient une lutte de classes contre les forces internes de domination et d'exploitation).

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      Une telle affirmation repose sur les éléments suivants:

      1. L'objectif a changé: l'ennemi intérieur, direct, concret n'est plus le même.

     2. Il y a eu une redisposition des forces sociales et de nouvelles alliances de classes se sont substituées aux anciennes.

     3. La lutte qui demeure quant au fond la lutte contre l'impérialisme n'est plus nationale, mais elle est devenue une lutte de classes au sein de la société voltaïque, à l'intérieur de la « nation voltaïque ». Les protagonistes de cette lutte dans ces nouvelles conditions sont tous des nationaux.

     4. Par conséquent le terrain historique n'est plus le même. La lutte anti-coloniale s'est déroulée sur le terrain de la bourgeoisie avec les revendications nationales bourgeoises et petite-bourgeoises. Elle s'est menée sous le drapeau du nationalisme petit-bourgeois et bourgeois, du démocratisme petit-bourgeois et bourgeois avec ses deux tendances du national-réformisme et du national-révolutionnaire. La lutte anti-néocoloniale, tout en demeurant une lutte « anti-impérialiste, se déroule sur un autre terrain historique, celui où la classe ouvrière a fait son entrée et n'escompte céder en rien à la petite bourgeoisie et à la bourgeoisie. La classe ouvrière dans ces nouvelles conditions marchera à la révolution non en tant qu'un simple auxiliaire de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, mais en tant que force politique indépendante. Elle marchera hardiment et résolument à la révolution, non en se rangeant sous le drapeau de la bourgeoisie, mais en tenant fermement haut levé son propre drapeau. A la place de l'idéologie nationaliste de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, elle affirmera avec force sa propre idéologie internationaliste. Et la paysannerie, de réserve principale de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, marchera sûrement à ses côtés comme étant son allié le plus proche et le plus résolu.

    Ce sont autant de questions d'une importance capitale pour la destinée de la prochaine révolution en Haute-Volta, dont la juste compréhension est rendue impossible par le refus de reconnaître l'indépendance politique de notre pays.

   Aussi allons-nous nous attaquer vigoureusement aux conceptions ténébreuses qui enveloppent cette question, de l'obscurité opaque de l'ignorance. En effet, contre les colporteurs à bon marché de l'ignorance, contre ces gens qui tablent leur politique sur l'état d'esprit d'un moment des masses, nous affirmons et soutenons que la Haute-Volta est un pays politiquement indépendant. Aussi choquant que soit une telle affirmation, nous sommes convaincus que l'état d'esprit actuel des masses passera et finira par s'élever à la compréhension théorique, combien salutaire, des questions d'une aussi grande importance.

     Nous ne sommes pas des pragmatistes qui tiendront une idée juste pour fausse parce que momentanément l'ignorance des masses fait qu'elles se détournent d'elle. Patiemment mais résolument nous travaillerons pour que ces masses innombrables s'élèvent à la claire perception des problèmes politiques.

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    Ce qui fait la différence entre nous, cette minorité clairvoyante, et les masses innombrables des ouvriers et des étudiants, c'est que nous, nous sommes armés de l'arme puissante du Marxisme-Léninisme. C'est ce qui fait que nous avons sur tous les autres l'avantage d'une intelligence claire des phénomènes dans leur développement. Nous ne saurions sacrifier cet avantage pour un soutien quelconque sur des fausses bases. Tout au contraire, nous ferons partager cet avantage à tous les éléments conscients de la classe ouvrière et des étudiants et élèves qui désirent s'élever au point de vue du prolétariat, en abandonnant toutes les notions petites-bourgeoises vers lesquelles ils sont attirés spontanément.

     Ceci dit, que recouvre cette notion d'indépendance politique?

    On entend par indépendance politique le droit des nations et des peuples à disposer d'eux-mêmes, leur autonomie politique, enfin, leur autodétermination ou encore leur libre disposition ou séparation politique d'avec la nation qui les opprime.

   Mais qu'entend-t-on par droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ou par leur autodétermination?

« On entend précisément, indique Lénine, par droit des peuples à disposer d'eux-mêmes la libre détermination politique, c'est-à-dire le droit à la sécession, à la constitution d'un État national indépendant. » (Notes critiques sur la question nationale, T 20, p 52.)

 

 

 

Ou encore, précise-t-il:

« Le droit des nations à disposer d'elles-mêmes signifie exclusivement leur droit à l'indépendance politique, à la libre séparation politique d'avec la nation qui les opprime ». (in « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes »,T 22, p 158.)

 

 

 

Et par autodétermination?

« Par autodétermination des nations on entend leur séparation en tant qu'État d'avec les collectivités nationales étrangères, on entend la formation d'États nationaux: indépen-dants. » (Lénine: Le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, T, 20, p 419)

    Par conséquent, « sans jouer avec les définitions juridiques, sans inventer des notions abstraites », on aboutit immanquablement à la conclusion suivante: La Haute-Volta s'étant séparée, en 1960 de la France, s'étant séparée d'avec la collectivité nationale française, de territoire d'outre-mer, s'étant constituée en un État « national » séparé de la France, de son « empire colonial », a acquis son indépendance politique. Elle a fait sécession d'avec la France et s'est autodéterminée.

 

 

      Peut-on clore la discussion avec ces définitions juridiques, avec ces notions abstraites?

      Non, bien sûr!

Car certains ont vite fait de nous taxer de faire des interprétations frauduleuses des textes de Lénine. Et pourquoi cela?

     Parce que, voyez-vous, lorsque, Lénine parle du droit des nations à disposer d'elles-mêmes, de leur libre disposition politique, il s'adresse à des nations opprimées. Cela, n'est-il pas évident? Or, la Haute-Volta n'est pas une nation; cela fait-il l'objet d'un doute? Et c'est là que réside l'interprétation frauduleuse.

     N'est-elle pas convaincante une telle objection? Mais voyons de plus près ce qu'elle vaut.

   A l'époque de l'impérialisme, la question nationale ne revient-elle pas à la question de l'affranchissement des nations, des colonies et semi-colonies à l'égard de l'impérialisme? N'est-il pas aussi vrai, cet argument?

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    Assurément il l'est, et c'est ce que Staline lui-même confirme. Il est vrai que nous sommes à une époque où les reniements des acquis fondamentaux du Marxisme-Léninisme sont chose courante. Il est tout aussi vrai que pour dénaturer Lénine, on commence par oublier Staline, par faire silence sur lui. Mais il n'est pas moins Vrai que pour sauvegarder et défendre les acquis théoriques du Léninisme, il faut aussi se référer à Staline qui, mieux que quiconque, a su préserver leur pureté de la souillure opportuniste. Aussi allons-nous nous référer à Staline pour sauvegarde et défendre l'acquis théorique que l'on veut faire passer à l'oubli. Il enseignait justement ceci:

« L'immense portée mondiale de la Révolution d'Octobre consiste surtout en ce qu'elle a : 1. - élargi le cadre de la question nationale, en la transformant de question particulière de la lutte contre le joug national en question générale de l'affranchissement des peuples opprimés, des colonies et semi-colonies à l'égard de l'impérialisme.... ». (« La révolution d'octobre et la question nationale » in « Le Marxisme et la question nationale et coloniale », édition Norman Béthune, p 112.)

    Nul autre que les communistes ont été les premiers à mettre en lumière la liaison du problème national avec celui des colonies. Ce sont les communistes qui, les premiers, ont établi ce lien et « lui ont donné un fondement théorique et l'ont mis à la base de leur action pratique révolutionnaire ». Et l'un des points essentiels distinctifs de la façon marxiste-léniniste de poser la question nationale, « c'est le remplacement du mot d'ordre flou du droit des nations à disposer d'elles-mêmes par le clair mot d'ordre révolutionnaire du droit des nations et des colonies à se séparer, à former des États indépendants » (Staline: « De la façon de poser la question nationale », ibid., pl39»)

     Par conséquent, même si la Haute-Volta ne peut être considérée comme une nation au sens exact du mot, il ne demeure pas moins vrai qu'elle constituait une colonie de la nation oppressive française. De ce fait le « clair mot d'ordre révolutionnaire du droit des nations et des colonies à se séparer, à former des États indépendants » lui est applicable. Et historiquement, c'est ce qui s'est passé.

    Ainsi cette première objection opportuniste se voit réfutée! L'opportunisme devra changer de point d'attaque.

    Peut-on clore la discussion avec ce rappel historique?

    Non, on ne le peut! Car certains ont vite fait de penser que nous menons une bataille d'arrière-garde. Et pourquoi cela? Parce que, voyez-vous, ce qui est vrai d'une colonie ne l'est pas d'une néo-colonie. Ce qui est vrai pour la Haute-Volta d'avant 1960 n'est plus vrai pour la Haute-Volta d'après 1960.

    On serait tenté de dire qu'une telle objection ne mérite pas qu'on s'y attarde, tant elle est banale et relève de la philistinerie. Mais détrompez-vous, car c'est avec de tels sophismes que les philistins de cet acabit abusent des ouvriers et des étudiants de première année, en misant sur leur état d'esprit. C'est pourquoi, aussi banale qu'elle soit, aussi philistins que soient ces individus qui usent d'une telle objection, nous nous devons de l'examiner pour démasquer l'opportunisme.

[Page 20]

     De l'avis de nos objecteurs, dans la mesure où la Haute-Volta n'est plus une colonie, il ne faut plus parler de ce droit à la séparation politique d'avec la France, qui n'exprime rien d'autre que l'indépendance politique. Il ne sied pas, disent-ils, de continuer de parler d'un droit qui n’existe plus avec la disparition de la situation à laquelle ce droit s'appliquait. C'est comme qui dirait qu'il est insensé de dire à un esclave qui vient de s'affranchir, qu'il est un homme libre. Dans la mesure où il a cessé d'être un esclave, parler de sa liberté présente, c'est mener un combat d'arrière-garde. Il faudra encore attendre qu'il perde sa liberté comme étant son droit inaliénable.

     C'est ridicule, n'est-ce pas?

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que de tels objecteurs appréhendent correctement la question de l'indépendance politique, mais par opportunisme jouent avec l'état d'esprit des masses.

    Mais pourquoi la Haute-Volta n'est plus ce qu'elle était, c'est-à-dire une colonie? C'est parce que justement elle a acquis ce droit à la libre séparation politique. Lequel droit cesse de relever du domaine des revendications pour devenir un acquis. En effet, pour que la Haute-Volta perde cet acquis de l'indépendance politique, il faudra pour cela qu'elle soit de nouveau annexée. Car l'annexion au sens politique du mot est « le rattachement d'une région nationale étrangère contre la volonté de sa population, autrement dit l'atteinte au principe de la libre disposition de la nation ». (Lénine. Une caricature du Marxisme, T 23.)

    L'annexion, indique Lénine, n'est pas à confondre avec « l'extension » (l'expansion) du capital financier à un territoire économique plus vaste.

    Vis-à-vis des philistins de cette catégorie, il convient de leur poser la question suivante pour qu'ils se démasquent complètement, étalant leur opportunisme: le fait que la Haute-Volta se soit séparée de la France, est-il oui ou non l'application du droit à la séparation politique, du droit à la libre détermination politique? Si oui, c'est que nos opportunistes reconnaissent la justesse de l'affirmation de l'indépendance politique de la Haute-Volta. Si non, c'est qu'ils ne reconnaissent pas le principe de libre disposition, aussi bien à l'état de droit comme à l'état de fait. Dans les deux cas, leur opportunisme est mis à l'évidence. « Ni les dérobades, ni les subterfuges n'y pourront rien changer! »

     Ainsi cette deuxième objection opportuniste se voit réfutée. L'opportunisme devra changer de cheval de bataille.

 

      Peut-on clore la discussion avec le rétablissement du droit à l'autodétermination politique?

     Non, on ne le peut! Car certains ont vite fait de crier à la violation des lois de la dialectique. Et pourquoi cela? Parce que, voyez-vous, ils ont appris par cœur dans des manuels de vulgarisation du matérialisme dialectique que la politique est liée à l'économique, qui est le facteur déterminant (en dernière instance, ajouterons-nous). Et que de ce fait, comment peut-on, à moins de méconnaître la Logique (avec grand L), affirmer que la Haute-Volta est politiquement indépendante, alors qu'elle demeure sous dépendance économique? Il y a là manifestement une contradiction logique.

     A ce point de vue, il faut rattacher cet autre argument qui, partant de la tendance principal de l'impérialisme qui, selon la juste expression de Lénine, est en politique la réaction sur toute la ligne, affirme l'impossibilité de la réalisation des revendications démocratiques sous l'impérialisme.

[Page 21]

     Aussi cohérents, que soient de tels points de vue, ils n'ont pas dépassé le point de vue du matérialisme mécaniste. Aussi logiques soient-ils, ces points de vue procèdent selon la sophistique (la dialectique subjective) et non selon la dialectique (objective).

   Le point central d'un tel raisonnement repose sur l'idée que la libre disposition, l'indépendance politique est irréalisable sous l'impérialisme. C'est fort d'une telle présomption que Piatakof alias P. Kievski était parti en guerre contre Lénine.

    « L'impérialisme, disait-il, nie la libre disposition et aucun prestidigitateur ne réussira à concilier la libre disposition et l'impérialisme. »

    Lénine ne se laissa pas intimider par une telle déclamation et admis d'être taxé de « prestidigitateur », mais en bon dialecticien, il fit simplement remarquer à Piatakof « qu'il ignore bonnement ce qu'est l'analyse économique ». La contradiction manifeste, « logique », que celui-ci semble percevoir dans les positions de Lénine relève tout simplement du fait qu’« il ne doit y avoir de contradiction logique ni dans l'analyse économique, ni dans l'analyse politique, à condition, bien entendu, que la pensée logique se développe d'une façon correcte ». Cette contradiction « logique » est là une contradiction qui est inscrite dans la vie elle-même. Si la nature est elle-même faite de contradictions, quoi de plus logique que la pensée, qui n'en est que le reflet, en recèle tout autant.

« Le matérialisme dialectique est ainsi nommé parce que sa façon de considérer les phénomènes de la nature, sa méthode d'investigation et de connaissance est dialectique ».

     Et sa méthode d'investigation et de connaissance est dialectique parce que la nature en elle-même est dialectique.

    La vie recèle beaucoup de contradictions, disons-nous. En effet, prenons l'exemple de la république dans une société capitaliste et même néocoloniale. Qu'est-ce que la république?

« La république est une des formes possibles de superstructure politique coiffant la société capitaliste. C'est la forme la plus démocratique dans les conditions actuelles. » (Lénine)

     Manifestement, il existe une contradiction entre cette superstructure politique (« la forme la plus démocratique dans la société capitaliste ») et le régime économique. La république, forme démocratique, contredit le régime économique de l'ordre bourgeois, qui est lui anti-démocratique. Est-ce pour autant qu'il faut nier la république? Du point de vue du matérialisme mécaniste, c'est cela même l'évidence.

     Toute contradiction dans la vie impose sa solution.

   En régime capitaliste, comment les capitalistes tentent-ils de « surmonter » cette contradiction? Comment tentent-ils de concilier le régime économique (anti-démocratique, basé sur l'exploitation de l'immense majorité par une minorité) et la superstructure (la république, forme démocratique qui se maintient jusque dans la société socialiste)?

     Ils ont le plus souvent recours, pour ce faire, à deux moyens économiques pour cela:

     1. La corruption directe.

     2. L'alliance du gouvernement et de la bourse.

 

 

 

 

     Comment les ouvriers en régime capitaliste surmontent-ils (dans le sens du dépassement) cette contradiction? Pour ce faire, ils ont recours à la révolution socialiste.

[Page 22]

    Seule la révolution socialiste est à même de faire correspondre la superstructure avec l'infrastructure. C'est cela la dialectique, toute chose différente de la sophistique. L'antagonisme entre superstructure et infrastructure peut se maintenir pendant très longtemps, le temps que la révolution met à mûrir. La révolution socialiste qui survient dans une société bourgeoise retient la forme démocratique de la superstructure politique et remplace son ancien contenu (la dictature de la bourgeoisie) par un nouveau contenu (la dictature du prolétariat).

     Pour revenir au sujet qui nous intéresse, nous dirons que l'indépendance politique de la Haute-Volta contredit le régime économique.

    Comment le capital financier tente de concilier ce régime économique avec sa forme d'existence (État « national » indépendant)?

    1. Par la corruption directe des gouvernements néocoloniaux.

   2. Par l'alliance du gouvernement avec les banques contrôlées par le capital financier international.

    3. Par les « aides » bilatérales et multilatérales.

 

 

     Comment les ouvriers alliés à la paysannerie (qui constituent les masses innombrables qui croupissent sous le poids de l'oppression et de l'exploitation) surmontent-ils cette contradiction?

    Pour ce faire, ils auront recours à la révolution anti-impérialiste démocratique et populaire, qui sera le prélude immédiat de la révolution socialiste, seule à même de résoudre totalement cette contradiction.

    C'est cela même qu'affirme Lénine lorsqu'il écrit que:

« En règle générale, la séparation des colonies n'est réalisable, tant du point de vue militaire que du point de vue de l'expansion, que par le socialisme. En régime capitaliste, elle ne peut se produire qu'à titre exceptionnel ou bien au prix de toute une série de révolutions ou d'insurrections, tant dans les colonies que dans la métropole. » (Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, T 22, p.363.)

      Mais il n'y a pas lieu de s'attarder sur ce point, car notre discussion à nous porte sur la séparation du point de vue politique à l'époque de l'impérialisme.

      Avec tout ce qui vient d'être dit, y a-t-il toujours lieu de poursuivre la discussion?

     Les esprits avertis ont vite fait, de comprendre qu'une telle objection de l'impossibilité de réalisation de l'indépendance politique sous l'impérialisme n'en est pas en fait une.

   Mais nous nous devons de poursuivre, pour éclairer ceux qui retardent dans la compréhension théorique des problèmes.

« L'affirmation selon laquelle le droit des nations à disposer d'elles-mêmes est irréalisable dans le cadre du capitalisme peut être prise soit dans un sens absolu, économique, soit dans un sens relatif, politique. Dans le premier cas, cette affirmation est foncièrement erronée au point de vue théorique ». (Lénine. La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles—mêmes, p. 156.)

 

 

     Poursuivant, Lénine écrit:

« Le capital financier, dans sa tendance à l'expansion, achètera et soudoiera "librement" le gouvernement démocratique et républicain le plus libre et les fonctionnaires élus de n'importe quel pays, fût-il "indépendant".

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La domination du capital financier, comme celle du capital en général, ne saurait être éliminée par quelque transformation que ce soit dans le domaine de la démocratie politique? Or l'autodétermination se rapporte entièrement et exclusivement à ce domaine. Mais cette domination du capital financier n'abolit nullement l'importance de la démocratie politique en tant que forme plus libre, plus large et plus claire de l'oppression de classe et de la lutte des classes (souligné par nous) C'est pourquoi tous les raisonnements présentant comme "irréalisable", du point de vue économique, l'une des revendications de la démocratie politique en régime capitaliste, procèdent d'une définition théoriquement fausse des rapports généraux et fondamentaux du capitalisme et de la démocratie politique en général. » (ibid., p. 157)

 

 

 

     Cette indication de Lénine est très précieuse, car c'est en partant du constat que les gouvernements néocoloniaux sont corrompus, et que leur politique est une politique de démission nationale, que nos opportunistes voient là la preuve du fait que notre pays n'est pas politiquement indépendant. Or l'indication de Lénine produite ci-dessus dément ce genre d'allégation. A l'époque où les multinationales imposent leurs lois, aucun gouvernement du monde capitaliste, que ce soit celui des États-Unis, de la France ou de la Haute-Volta, n'échappe à la corruption des magnats du capital financier, qui en profitent pour influencer la politique de ces gouvernements. Si on ne confond pas l'indépendance politique d'un pays et la politique gouvernementale de ce pays, alors on ne saurait, en partant de la politique gouvernementale des pays néocoloniaux comme la Haute-Volta, pour nier leur indépendance politique. La question de la libre disposition « concerne seulement la politique », affirme Lénine et c'est pour cette raison que « le fait de soulever la question de l'impossibilité économique est déjà par lui-même une erreur ». (T 23, p 51»)

     Quant à la compréhension mécaniste du fait que l'impérialisme étouffe la démocratie, elle méconnaît que c'est là une tendance principale. Et en tant que tendance, c'est la résultante du jeu des forces contradictoires. Il y a des gens qui aiment à user du mot « tendance » sans jamais comprendre sa signification profonde. Parler en terme de tendance, c'est déjà admettre une évolution contraire à la tendance prédominante à un moment donné, dans un phénomène donné. Et précisément, la dialectique matérialiste nous enseigne à saisir dans chaque phénomène de la nature les deux tendances contradictoires. L'impérialisme est ce phénomène qui n'échappe pas au jeu des forces contradictoires. Et pour ne prendre qu'un exemple parmi tant d'autres, nous dirons que l'impérialisme, par l'oppression et l'exploitation des nations et des colonies, engendre le développement de la tendance à leur affranchissement politique (à leur indépendance politique) des liens avec l'impérialisme, à leur constitution en tant qu'États nationaux indépendants. En même temps, cette oppression et cette exploitation visent à « l'annexion » économique des différentes nations au sein d'un marché mondial unique, d'une économie mondiale unique. Dans sa phase ascendante, le capitalisme a été à la base de la formation des nations. Il a fusionné les différentes provinces, il a tout centralisé en une seule nation, avec un seul gouvernement, une seule loi, un seul intérêt national de classe, derrière un seul cordon douanier.

[Page 24]

      C’est le même capitalisme qui, dans sa phase impérialiste, brise irrémédiablement l'isolement des nations, les cordons douaniers des différentes nations pour donner à la consommation et à la production un caractère cosmopolite. Ces tendances historiques du capitalisme ont été décrites en ces terme par Lénine:

     « Le capitalisme connaît au cours de son développement deux tendances historiques en ce qui concerne la question nationale»

     La première réside dans l'éveil de la vie nationale et des mouvements nationaux, la lutte contre toute oppression nationale, la création d'États nationaux.

     La seconde réside dans le développement et la multiplication des relations de toutes sortes entre les nations, dans la destruction des barrières nationales et la création de l'unité internationale du capital, de la vie économique en général, de la politique, de la science, etc.

 

   Ces deux tendances constituent la loi universelle du capitalisme. La première domine au début de son développement, la seconde caractérise le capitalisme déjà mûr et qui va vers sa transformation en une société socialiste.

    Le programme national des Marxistes tient compte des deux tendances en défendant, en premier lieu, l'égalité des nations et des langues, l'opposition de tout privilège quel qu'il soit à cet égard (et en défendant aussi le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ce dont nous parlerons plus loin); en défendant en second lieu le principe de l'internationalisme et de la lutte intransigeante contre la contamination du prolétariat par le nationalisme bourgeois, fût-il le plus raffiné. » (Lénine. Notes critiques sur la question nationale, T 20, p 20.)

     En effet, en Europe la constitution d'États nationaux bourgeois a eu lieu à l'époque de l'effondrement du féodalisme, à l'époque du capitalisme ascendant. L'Afrique a été à la croisée des deux mouvements historiques du capitalisme. La constitution des États nationaux s'est effectuée et s'effectue à l'époque de la veille de l'effondrement du capitalisme en général, à l'époque de l'impérialisme et des révolutions prolétariennes. La constitution des États nationaux s'est effectuée et s'effectue en Afrique à une époque de pleine constitution des États capitalistes d'Europe, où l'antagonisme est fortement développé entre la bourgeoisie et le prolétariat dans ces pays. Elle s'est effectuée à une époque où la dictature du prolétariat s'est traduite dans les faits par la Révolution d'Octobre 1917. C'est cela qui donne un visage particulier aux mouvements nationaux africains. Dans ces mouvements, il y a, pourrait-on dire, le passé et l'avenir à la fois dans le présent. Il y a le passé des mouvements démocratiques bourgeois et l'avenir des mouvements d'émancipation sociale du prolétariat.

     Bref! Ainsi donc si l'on raisonne en termes de tendances, si on s'en tient à la dialectique matérialiste et non à la compréhension uniquivoque des phénomènes, on comprendra pourquoi, comme le dit Lénine il est « parfois franchement avantageux pour les trusts, pour leur politique impérialiste, pour leur guerre impérialiste, d'accorder le plus de liberté démocratique possible, voire l'indépendance en tant qu'État à telle ou telle petite nation, afin de ne pas risquer de compromettre "leurs" opérations militaires ». (T 23, p 51.)

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     C'est la conjonction de plusieurs facteurs qui ont facilité l'accession à l’indépendante politique de la plupart des pays africains. Ce n'est pas de gré, de par sa tendance naturelle, que l'impérialisme français a consenti la liberté politique à ces anciennes colonies. C'est sous l'effet de la force des tendances contraires qu'il a trouvé dans ces conditions « franchement avantageux » de céder le droit à la séparation politique, afin de ne pas compromettre sa position économique dans ces pays. Les différents facteurs qui ont crée les conditions favorables à la réalisation du droit à la séparation politique des pays Africains sous domination française peuvent être résumés en ceci :

     L'existence du camp socialiste.

   La lutte des peuples du monde: les défaites successives de l'impérialisme français au Vietnam (Dien-Bien-Phu) et en Algérie.

    — Les mouvements nationaux des peuples africains, eux-mêmes éveillés à la vie nationale.

    — La concurrence inter-impérialiste en vue d'un nouveau repartage du monde qui a conduit les USA à se faire passer pour le défenseur des revendications démocratiques des peuples nationalement opprimés.

    En fait, la question de l'indépendance politique de la Haute-Volta relève de la question générale des revendications démocratiques en régime capitaliste de façon particulière et sous l'impérialisme de façon générale. Lénine avait en son temps réfuté les points de vue sur l'impossibilité de la réalisation des revendications démocratiques sous l'impérialisme comme étant des points de vue relevant de ce qu'il a nommé « l'économisme impérialiste » en indiquant que:

« ... le capitalisme et l'impérialisme se développent sous toutes les formes politiques, en se les subordonnant toutes. C'est pourquoi il est absolument faux, du point de vue théorique, de prétendre "impossible", la réalisation d'une des formes et d'une des revendications de la démocratie .. » ( Lénine. Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, T 22, p. 350»)

     Manifestement, une telle compréhension des revendications démocratiques sous l'impérialisme est inaccessible à ceux qui ne savent pas raisonner en termes de tendances contradictoires.

      Dans cette lutte contre les « économistes impérialistes», Lénine s'est souvent référé à des exemples historiques » !

    A l'endroit des sociaux-démocrates polonais qui affirment (tout comme nos social-populistes) que: « dans les questions d'annexion de Régions étrangères, les formes de la démocratie politique sont exclues; c'est la violence déclarée qui décide ... Le capital ne permettra jamais au peuple de trancher la question de ses frontières d'État ..

     Lénine a rétorqué de la manière suivante:

« comme si le "capital" pouvait "permettre" que ses fonctionnaires, serviteurs de l'impérialisme, soient choisis par "le peuple" ! ou bien comme s'il était en général concevable que soient tranchées sans "violence déclarée" les questions importantes relatives aux grands problèmes démocratiques, tels que: république au lieu de monarchie, milice au lieu de l'armée permanente. Subjectivement», les camarades polonais veulent "approfondir" le Marxisme, mais ils s'y prennent vraiment très mal. Objectivement, leurs phrases sur l'impossibilité de réaliser l'autodétermination sont de l'opportunisme, car on suppose tacitement que celle-ci est "irréalisable" sans une série de révolutions, comme sont irréalisables à l'époque de l'impérialisme toute la démocratie et toutes ses revendications en général." (T 22, p 351)

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      Y a pas à dire! Subjectivement nos opportunistes social-populistes veulent approfondir la dialectique, miais objectivement ils n'ont pas franchi le seuil du matérialisme mécaniste. Quelques exemples historiques auxquels se réfère Lénine :

«Dans les textes traitant de l'impérialisme, vous lisez à chaque instant que, par- exemple, l'Argentine est en fait une « colonie commerciale » de l’Angleterre, que le Portugal est en fait le « vassal » de l’Angleterre, etc.. C’est exact : la dépendance économique à' l'égard des banques anglaises, l'endettement vis-à-vis de l'Angleterre, l'accaparement par l'Angleterre des voies ferrées locales, des mines, des terres? etc., — tout cela fait de ces pays des « annexions » de l'Angleterre au point de vue économique, sans qu'il y ait violation de leur indépendance politique »(souligné par nous, T 23, p 46.)

C'était le premier exemple.

Deuxième exemple, cas de la Norvège et de la Pologne :

« Le capital financier anglais "travaillait" en Norvège avant et il y "travaille" depuis la séparation. Le capital financier allemand "travaillait" en Pologne avant sa séparation d'avec la Russie et y "travaillera" quelle que soit la situation politique de la Pologne. C'est tellement élémentaire qu'on est gêné d'avoir à le répéter, mais que faire quand les gens oublient l'ABC? » (souligné par nous, ibid. p 55) Pour notre part nous dirons que nous sommes fort gênés d'avoir à citer abondamment Lénine, surtout pour des questions qui sont sensées être des acquis du Marxisme-Léninisme. Mais que voulez-vous, lorsqu'on a à faire à des gens qui se prétendent être des communistes, mais qui méconnaissent jusqu'à l'abécédaire de ce dont ils se réclament. Encore une fois sur le cas de la Pologne et de la Norvège, pour en finir : « Aucune forme politique de la Pologne, que celle-ci soit une parcelle de la Russie tsariste ou de l'Allemagne, ou une région autonome ou un État politiquement indépendant ne saurait servir à interdire ou abolir sa dépendance à l'égard des actions de ses entreprises par ce capital. L'indépendance de la Norvège, "réalisée" en 1905, est uniquement politique. Elle n'avait ni l'intention ni les moyens de s’attaquer à la dépendance économique. » (souligné par nous. T 23. P 51.)

Cela suffit, pensons-nous!

Ce qu'il y a lieu de retenir lorsqu'on traite des revendications démocratiques sous l'impérialisme, c'est que dans ces conditions toutes ces revendications « ne sont réalisable qu'à titre exceptionnel, et encore sous une forme incomplète et altérée ». Mais l’attitude révolutionnaire face à ces revendications réalisées de façon incomplète consiste en ceci :

« Mettant à profit les réalisations démocratiques déjà acquises, tout en dénonçant lotir caractère incomplet en régime capitaliste, nous réclamons le renversement du capitalisme, l'expropriation de la bourgeoisie comme la mesure indispensable aussi bien pour faire disparaître la misère des masses que pour réaliser complètement, intégralement, toutes les réformes démocratiques. Certaines de ces réformes seront entreprises avant le renversement, d'autres encore après lui. » (Lénine. Le prolétariat révolutionnaire et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes. T. 21, p 424.)

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Pour ce qui concerne l’indépendance nationale de la Haute-Volta, c'est en reconnaissant la réalisation de liberté politique déjà acquise que l’on se doit en révolutionnaires, de dénoncer son (l'indépendance nationale) caractère incomplet et par une agitation systématique, préparer les masses à la révolution. L'indépendance nationale totale, n'est possible, n’est réalisable que par le retrait de la Haute-Volta de la division internationale capitaliste du travail, que par sa rupture d'avec tout le système capitaliste impérialiste mondial. Et pour cela, seul le socialisme est à même de garantir cette indépendance nationale.

Ainsi, la troisième objection de loin la plus importante et la plus sérieuse se voit réfutée, et l'opportunisme relevant de « l'économisme impérialiste » démasqué. L'opportunisme doit changer de terrain, le terrain du matérialisme dialectique ne lui sied guère.

Peut-on clore la discussion avec le rétablissement de la dialectique sur sa base matérialiste?

Non, on ne le peut!

Car certains ont vite fait de nous opposer l'objection selon laquelle, en soutenant l'idée de la Haute-Volta politiquement indépendante, nous soutenons le point de vue do la bourgeoisie voltaïque. Car, voyez-vous, reconnaître l'autonomie politique de la Haute-Volta, c'est être de concert avec la bourgeoisie de notre pays qui tient le même langage. Aussi « effrayant » que soit une telle objection, elle revient tout bonnement à attribuer à autrui le nationalisme (soutien de sa « propre » bourgeoisie) dont on est soi-même entaché. Par crainte de défendre le même point de vue que la bourgeoisie, on n'est réduit et on se surprend soi-même à faire en réalité le jeu du nationalisme bourgeois. Comment veut-on, si ce n'est en se situant dans l'optique de la logique petite-bourgeoise, que la bourgeoisie en arrive à la négation de l'indépendance politique, chose qu'elle a été la première à formuler sous forme de revendication nationale et qui traduit avant tout ses intérêts à elle ?

Aussi le meilleur moyen de vérifier la valeur d'une telle objection, et de toutes les autres analogues (assimilation tendancieuse aux tenants de la théorie de l'État de démocratie nationale et de la théorie des trois mondes), c'est d'analyser l'attitude des différentes classes de la société voltaïque face à cette question. Pour nous Marxistes-Léninistes, une telle vérification est obligatoire. Et ce qui nous importe le plus, c'est apprécier cotte question sous l'angle de la lutte de classe des ouvriers. Ce n'est, pas parce que la bourgeoisie soutient l'idée de l’indépendance politique de la Haute-Volta qu'elle transforme cette vérité en une absurdité; et que nous révolutionnaires, parce que nous voulant justement révolutionnaires, nous devrions prendre le contre-pied à : cette idée absolument juste, et soutenir l'idée contraire, absolument fausse. De telles attitudes, digne des « émeutiers populistes » (cf., la prise à contre-pied du mot d'ordre de la bourgeoisie dé « la terre à ceux qui peuvent la travailler », et la réplique populiste de « la terre à ceux qui la travaillent ») conduisent à des mésaventures certaines. Et à force de vouloir être toujours révolutionnaires, en s'opposant à tous les points de vue qu'avance la bourgeoisie, on se surprend en train de jouer un rôle réactionnaire.

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Lorsque la bourgeoisie (et ce, à travers sa fraction la plus arriérée) affirme dans l’absolu que la Haute-Volta est indépendante (dans le sens de de l’indépendance nationale totale), les petits bourgeois indignés, chez qui les sentiments l'emportent sur l'analyse, l'instinct primaire sur la raison analytiqUe, nient cette indépendance nationale dans l'absolu.

Mais quoique divergentes en apparence, affirmation absolue et négation absolue sont une seule et même chose. Toutes deux conduisent au nationalisme bourgeois. Aux mains de la bourgeoisie (éclairée dans sa fraction réformiste), l'indépendance politique (affirmation relative) devient un moyen de duperie, un instrument de mystification des nasses. Dans ces conditions, l'indépendance politique, de réforme démocratique, devient un instrument de renforcement, de consolidation du pouvoir néocolonial, un instrument de désagrégation de la révolution. « Se reposer à l'ombre » de la réforme démocratique (de l'indépendance politique) octroyée, telle est l'attitude de la bourgeoisie réformiste. La position du petit-bourgeois nationaliste exaspéré consiste dans la négation de la réforme démocratique réalisée. Anachronisme subjectiviste, incompréhension théorique de la question à savoir que depuis « la seconde moitié du XIXe siècle, on entendait par libre détermination politique le droit de former un État national autonome ». (Lénine) L'incompréhension théorique de la question les amène en pratique à des attitudes chauvines sous-tendues par l'opportunisme de « l'économisme impérialiste ». Lorsqu'ils essayent de s'élever à la compréhension théorique, la confusion qui anime leur esprit les empêche d'aboutir à la vérité. Ainsi ils confondent volontiers « la libre détermination culturelle » à la Bauer (autre opportuniste de l'époque de la IIe Internationale) avec la question de la « libre détermination politique ». Aussi se hâtent-ils de confondre quiconque ose soutenir l'idée de la « libre détermination politique » aux opportunistes de la IIe Internationale ( c'est le cas des « communistes » du P"CRV — à ce sujet voir « Le Prolétaire » n° 1 du mois d'avril 1979). Si nos opportunistes n'étaient pas des analphabètes politiques (des gens qui méconnaissent l'ABC), ils auraient su, comme l'indique Lénine, que:

« les mots relatifs à la libre détermination "culturelle" ont très précisément le sens d'une négation de la libre détermination politique" (souligné par nous). En pratique, leur position aboutit non à une indépendance à l'égard de la bourgeoisie, mais au contraire à leur « comique dépendance » à l'égard d'elle. En pratique, l'attitude de la petite bourgeoisie exaspérée dans son nationalisme étriqué aboutit à « son impuissance à considérer les choses d'un point de vue un peu plus large et plus profond ».

En pratique, la négation de la libre détermination politique de la Haute-Volta conduit inévitablement au soutien des privilèges de la bourgeoisie voltaïque, à l'excuser, à la justifier, à la couvrir aux yeux des masses innombrables, le prolétariat en tête. C'est ce à quoi vise la phraséologie du genre « marionnette », « fantoche », « pantin », etc., En pratique, on en arrive à détourner l'attention des masses innombrables sur l'ennemi intérieur direct (concret et immédiat), sur l'ennemi extérieur, avec qui elles sont en rapport indirect. L'oppression et l’exploitation étrangères n'étant rendues possibles dans les conditions actuelles que par l'existence des forces internes d'oppression et d'exploitation.

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Cela revient à sonner dans la même trompette que la bourgeoisie, à exalter le nationalisme de la bourgeoisie. Cela revient en effet à mettre en avant le nationalisme bourgeois (dirigé contre l'ennemi extérieur), pour atténuer la lutte de classes au sein de la société voltaïque, la lutte des ouvriers contre la grande bourgeoisie voltaïque (celle alliée à l'impérialisme).

Au niveau des masses laborieuses en général et tout particulièrement au niveau des masses paysannes, la question se pose autrement :  « Quand est-ce que l'indépendance prendra-t-elle fin? », s'écrient certains.

Quoique poignante, Une telle déclaration, mieux que, toute démonstration théorique, pose correctement la question de l'indépendance nationale en terme de libération sociale, en terme de suppression de l'oppression et de l'exploitation qu'elles endurent de la part des nouveaux « colons ». Ils ont touché du doigt (plus précisément elles le vivent dans leur chair et ce de façon quotidienne) qu'avec l'acquisition de l'indépendance politique, l'oppression et l'exploitation quant au fond demeurent les mêmes. Indépendance pour eux veut dire émancipation sociale, fin de l'oppression sociale, de l'exploitation de l'homme par l'homme. C'est sous ce rapport qu'ils en arrivent à poser la question : « Quand est-ce que l'indépendance prendrait-elle fin? ».

Face à une telle question, le petit bourgeois nationaliste exaspéré se hâtera de dire : « Mais quelle indépendance? Mais vous vous trompez! D'indépendance, il n'y en a point du tout. C'est l'impérialisme qui continue de tout déterminer dans notre pays; la politique, l'économie, etc. ... Les Lamizana et autres Gérard Kango ne sont que des marionnettes, des jouets aux mains de l'impérialisme, qui tire toutes les ficelles ».

Mais tout révolutionnaire conscient, tout Marxiste-Léniniste répondra de la manière suivante : « c'est juste! L’indépendance signifie émancipation sociale, fin de l'exploitation de l'homme par l'homme. Et rappellera l'enseignement suivant de Lénine :

« La bourgeoisie peut bien essayer de tromper le peuple par toutes sortes de programmes nationaux "positifs". L'ouvrier conscient lui répondra: Il n'y a qu’ une seule solution du problème national (pour autant d'ailleurs que ce problème puisse être résolu dans le monde du capitalisme, monde du lucre, des antagonismes et de l'exploitation), à savoir le démocratisme conséquent. » (Lénine. Notes critiques sur la question nationale. T 20,p 14.)

Le révolutionnaire conséquent, le Marxiste-Léniniste se doit de poursuivre la discussion avec les paysans dans ce sens : « L'indépendance acquise par la Haute-Volta est purement politique. Elle ne pouvait pas et n'avait pas d'ailleurs l'intention de supprimer la domination économique, l'exploitation de l'homme par l'homme. La Haute-Volta est politiquement indépendante, tout en se situant sur le terrain du capitalisme, du mode de production bourgeois. En ce sens, elle ne pouvait pas s'attaquer aux assises économiques de la domination étrangère. La bourgeoisie voltaïque qui a accédé au pouvoir avec l'indépendance politique n'avait pas et n'a pas l'intention de s'attaquer à ces assises de la domination économique. Le faire, revient à se remettre elle-même en cause. Mais néanmoins cette indépendance incomplète est une réforme démocratique, et c'est de cela que nous devons partir pour désagréger le pouvoir néocolonial et faire la révolution en dirigeant principalement le fer de lance contre cette bourgeoisie voltaïque au pouvoir.

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La véritable indépendance, l’indépendance nationale totale, commence par le renversement de cette bourgeoisie et le développement de la révolution dans son étape socialiste. Car seul le socialisme est à même de garantir l'indépendance nationale, de supprimer l'oppression et l'exploitation de l'homme par l'homme. »

C'est cela, le langage que nous nous devons de tenir face à une telle question. Un tel langage est à l'extrême opposé des vaines déclarations des nationalistes petits-bourgeois aveuglés par leur subjectivisme. De même que pour le paysan, il est indifférent à l'ouvrier voltaïque que son principal exploiteur soit la bourgeoisie française ou la bourgeoisie voltaïque. Il lui est indifférent que cette bourgeoisie soit mossi ou samo. Les privilèges de l'exploitation qu'il endure, que cela provienne de l'un ou de l'autre, revient toujours aux classes possédantes de sa « nation », de sa nationalité, ou de la nation étrangère. Sa situation économique ne s'améliore pas dans un cas comme dans un autre. Lorsqu'on parle de développement national, il faut se poser la question suivante: développement par qui et au profit de qui? Une telle façon de poser la question pose clairement l'absurdité du refus de reconnaître l'autonomie politique de la Haute-Volta. Elle va frontalement contre la conception nationaliste, qui trouve préférable, l'exploitation de la bourgeoisie nationale à celle de la bourgeoisie étrangère. Car une telle attitude aboutit à soutenir les privilèges de sa « propre » bourgeoisie, au détriment des « intérêts indépendante de la nationalité et communs à tout le prolétariat ».

« Dans tous les cas, dirons-nous avec Lénine, l'ouvrier salarié subira l'exploitation, et pour la combattre avec succès, il faut que le prolétariat soit étranger à tout nationalisme, que les prolétaires soient pour ainsi dire entièrement neutres dans la lutte de la bourgeoisie des différentes nations pour la suprématie. Le moindre appui accordé par le prolétariat de l'autre nation affaiblira la défiance du prolétariat de l'autre nation, affaiblira la solidarité internationale de classe des ouvriers, les désunira, pour la plus grande joie de la bourgeoisie » ( Lénine. Du droit des nations à disposer d'elles-mêmes ? T 20, p 448.)

La question ne se pose pas en termes de choisir entre l'exploitation des capitalistes étrangers et l'exploitation des capitalistes nationaux; autrement dit, en termes de choisir le moindre mal. La question se pose en termes suivants: exploitation ou pas exploitation du tout! Mais on nous objectera: « Mais la domination impérialiste freine le développement des forces productives de la nation! Aussi l'ouvrier n'a-t-il pas intérêt dans la suppression de la domination impérialiste? »

Ce à quoi nous répondrons: « oui, bien sûr! Mais il a encore plus intérêt dans la suppression de la domination tout court. »

Quant à l'entrave des forces productives des pays sous domination économique de l'impérialisme, c'est encore là une question de tendance. Décidément! On la chasse (la tendance) par la grande porte, et elle revient subrepticement par la petite porte. En effet, le développement des forces productives des petits États, à l'époque de l'impérialisme où nous sommes, ne peut pas ne pas être entravé artificiellement (relativement, c'est-à-dire du point de vue de la tendance principale).

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Aussi, se situant dans le cadre du système impérialiste, l'État national (économiquement faible), le plus indépendant soit-il, ne peut développer librement ses forces productives. Il y a une fois de plus des tendances contradictoires entre l'État national, comme cadre favorable au libre développement des forces productives, et l'oppression et l'exploitation impérialistes qui retardent ce « libre » développement. Il faut pour ce faire, une rupture radicale d'avec la chaine impérialiste. Et la révolution la plus radicale, c'est la révolution socialiste. Aussi, il est indifférent au prolétariat voltaïque qu'il soit exploité par le capitaliste français ou par le capitaliste voltaïque. Ils sont tous du même camp, de même que l'ouvrier voltaïque et l'ouvrier français sont du même camp. Le monde se divise en deux camps, pas trois! La lutte contre le pouvoir néocolonial ne l'intéresse que dans la mesure où, en alliance étroite avec la paysannerie, il pourra renverser ce pouvoir et établir le pouvoir populaire dans le but de créer les prémisses nécessaires à la dictature du prolétariat dans une société socialiste. Ainsi est-ce sous l'angle de la lutte de classe des ouvriers que nous les Marxistes-Léninistes examinons la lutte pour l'indépendance nationale complète de la Haute-Volta. Pour nous, et pour tous les démocrates conséquents, ce qui importe le plus, lorsque nous abordons la question de l'indépendance politique et les autres questions analogues, c'est le travail révolutionnaire et non la (les) question(s) en elle(s)-même(s). L'indépendance politique, de même que toutes les réformes démocratiques analogues, est un produit accessoire à la révolution. C'est pourquoi dans notre tactique révolutionnaire (différente de cette tactique révisionniste baptisée pompeusement du nom de « tactique offensive », mais en fait tactique capitularde — tactique de front démocratique du P"CR"V ou de sa préfiguration?), cette réforme devient un instrument de renforcement de la révolution, un point d'appui pour le développement continu et ininterrompu du mouvement révolutionnaire, un instrument de désagrégation du pouvoir néocolonial. C'est là que réside le gouffre entre nous et les réformistes et révisionnistes défenseurs de la théorie de l'État de démocratie nationale et de la théorie des trois mondes. Nous travaillerons inlassablement à mettre à nu cette contradiction entre le régime économique et sa superstructure politique, entre la forme de cette superstructure politique (la république) et son contenu (dictature de la bourgeoisie réactionnaire). Nous travaillerons à faire percevoir aux masses innombrables que seule la révolution établira la correspondance nécessaire entre le régime économique et la superstructure politique, entre la forme de celle-ci et son contenu. La révolution résoudra la contradiction qui gêne tant ceux qui s'en tiennent aux points de vue mécanistes. Ce faisant, nous éduquerons les masses ouvrières et paysannes à tenir loin d'elles tous ces charlatans qui tentent de colmater un régime ébranlé de tous les côtés, à tenir loin d'elles tous ces « émeutiers populistes » qui se distinguent en fait des autres que par la phrase « révolutionnaire » qu'ils ont à l a bouche.

Ainsi, l'objection sentencieuse et opportuniste quant au fond, visant à rejeter son propre opportunisme sur autrui, se trouve réfutée, et la phrase « révolutionnaire » qui le couvrait, démasquée. Du même coup, toute porte de sortie est fermée, pour les objecteurs éventuels qui, en véritables pragmatistes, tenteraient d'avancer l'argument de: « sur quelle(s) tâche(s) débouche une telle affirmation de la Haute-Volta politiquement indépendante? »

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Car voyez-vous, selon ces pragmatistes, une analyse n'est valable que si elle débouche sur une tâche. Bien qu'une telle vision pragmatiste soit étriquée et fausse, car n'importe quelle analyse, quelle qu'elle soit (y comprises les analyses bourgeoises) peut dégager des tâches, nous y avons répondue : tâches d'agitation et de propagande en vue de la révolution dans notre pays. Outre cela, l'intérêt pratique d'une telle question, sa portée politique débouche sur une définition claire et précise du contenu véritable de la prochaine révolution en Haute-Volta. Mais nous y reviendrons plus loin.

Peut-on enfin clore la discussion sur la libre disposition politique de la Haute-Volta après avoir éprouvé la valeur de l'objection indiquée ci-dessus, par une analyse de l'attitude des différentes classes de la société face à cette question?

Non, on ne le peut!

Car si on terminait la discussion à ce niveau, il demeurera un malentendu sur la signification historique de la concurrence inter-impérialiste dans le cadre d'un pays néocolonial.

Ce phénomène est l'occasion pour certains de voir la mutation du néo-colonialisme en une autre forme de dépendance. Ainsi, un pays tenu jusque-là pour une néo-colonie, cesserait de l'être pour devenir un « pays dépendant », du fait de la concurrence inter-impérialiste dans ce pays en question. De ce fait, la concurrence inter-impérialiste relèverait de la catégorie de ces « phénomènes nouveaux », étrangers au néo-colonialisme.

Il ne fait l'objet d'aucun doute que de telles confusions procèdent de la non compréhension de ce qu'est le néo-colonialisme. Pour une clarification de la question, il est indispensable de comprendre la signification historique du fait que les pays africains ex-colonies, soient demeurés pour la plupart d'entre eux sous la coupe de leurs anciennes puissances colonisatrices. La signification de l'indépendance politique acquise par ces pays africains a pour conséquence la suppression du monopole de la seule puissance colonisatrice, en favorisant la pénétration d'autres puissances impérialistes. Au début des indépendances, l'évolution vers la suppression du monopole des anciennes puissances coloniales a été un processus relativement lent et difficile à percevoir (du point de vue des apparences). Mais cette évolution était inscrite dans les choses, en tant que tendance d'évolution. Une analyse qui s'attache à considérer les choses dans leur essence, et non pas dans leurs apparences, se devait déjà de saisir cette tendance d'évolution et de considérer la rivalité entre diverses puissances impérialistes dans un pays néocolonial, comme étant une des caractéristiques essentielles du néo-colonialisme.

Si nous examinons l'évolution de la situation commerciale d'une ancienne puissance colonisatrice telle que la France, nous constatons que cette évolution est en baisse. C'est ainsi que le marché français, qui absorbait 58,3% des exportations des États Africains et Malgaches Associés (EAMA) vers la CEE en 1958, n'en absorbe plus en 1973 que 38,2%. Il en est de même pour l'Union Économique Belgo-Luxembourgeoise (UEBL), dont la part absorbée ne représente plus en 1973 que 23,2%, contre 26% en 1958. On assiste à une évolution inverse, en hausse, à des degrés divers, de la part absorbée par les autres États membres de la CEE (pays qui n'avaient pas ou presque pas des possessions coloniales).

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Ainsi l'évolution constatée dans la même période s’est effectuée dans le sens suivant pour les pays ci-dessous énumérés :

- Les Pays-Bas :………………………………… 4,4% en 1958 contre 7,4% en 1973

- La République Fédérale Allemande… 5,7% en 1958 contre 14,8% en 1973

- L'Italie………………………………………………. 5,6% en 1958 contre 16,2% en 1973

 

Pour ce qui concerne les exportations des anciennes métropoles vers les EAMA, le rythme est relativement faible, tandis que pour les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie, il y a une nette augmentation de leurs ventes à un taux nettement supérieur à celui de l'ensemble de la CEE. La France n'assure plus en 1973 que 60% des exportations communautaires en direction des EAMA, contre 65,1% en 1958. L'UEBL, quant à elle, n'assure plus en 1973 que 11,3%» contre 18,1% en 1958. Par contre, la participation des autres États membres de la CEE est passée pour : - Les Pays-Bas :………………………………… de 4,0% à 6,2%

- La République Fédérale Allemande… de 8,2% à 13,0%

- L'Italie………………………………………………. De 4,6% à 9,5%

 

Ces quelques données chiffrées indiquent la disparition croissante des avantages accordés par les EAMA aux anciennes puissances coloniales. La tendance à la diversification du commerce extérieur va contre la tendance à l'exclusivisme du marché national (au monopole colonial), caractéristique de la période coloniale. Ces données n'indiquent que l'évolution des rapports commerciaux des EAMA avec les États de la CEE. Pour ce qui concerne les puissances impérialistes comme les USA, l'Union Soviétique, le Japon et la Chine, il ne fait de doute que, depuis la fin de la colonisation (année 1960 pour la plupart des pays africains), l'évolution des rapports commerciaux entre ces puissances et les ex-colonies africaines s’est accrue, et ce à un rythme beaucoup plus élevé que le rythme d'évolution constatée entre ces pays et les États de la CEE.

Pour ce qui concerne cas particulier de la Haute-Volta, cas qui nous intéresse, il faut signaler tout particulièrement la diversification des accords de commerce et de coopération, dès les lendemains de la décolonisation. C'est ainsi qu'il y eut avec la RFA, successivement :

- en 1961 : un premier accord de coopération technique et économiques;

- en 1962 : un accord financier, par lequel 12 millions de DM furent accordés à la Haute-Volta;

- en 1964 : établissement d'un accord commercial.

 

 Avec d'autres pays, la Haute-Volta a établi des accords de coopération technique, culturelle et commerciale, successivement :

- en I961: — accord de coopération technique, culturelle et commerciale avec Israël :

— accord commercial avec respectivement l'Autriche, le Danemark, l'Espagne, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, le Portugal, la Roumanie, la Suède, la Suisse et la Tchécoslovaquie;

En 1962 : — accord commercial avec le Japon, la Finlande et la Pologne;

En 1963 : — accord d'aide économique avec les états-Unis

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En 1964 : — accord de coopération technique avec les États-Unis, à la suite duquel une aide de 483.000 Dollars fut accordée à la Haute-Volta.

Il n'est nul besoin de remonter jusqu'aux années récentes pour montrer que cette diversification des accords commerciaux, techniques et de coopération ne fait que. s'étendre. Ce qui nous intéresse, c’est de démontrer que dès les premières années d'indépendance politique, le pacte colonial avait été brisé. C'est le lieu de rappeler à la mémoire que les accords de coopération entre la France et la Haute-Volta se sont établis le 21 avril 1961, en remplacement du pacte colonial. Pour ce qui concerne le commerce extérieur, la France a cessé d'être le seul pays fournisseur, en même temps client de la Haute-Volta. En 1963, parmi les principaux fournisseurs de la Haute-Volta, on peut compter:

- La France en tête.

- Les pays de la zone franc (la Côte d'Ivoire).

- Le Ghana.

- La Grande Bretagne.

- Les Pays-Bas.

- Les USA.

- La République Fédérale Allemande

- etc..

 

 Parmi les principaux clients, on compte:

- La France.

- Les pays de la zone franc.

- Le Ghana.

 

 En 1965, les principaux fournisseurs de la Haute-Volta sont respectivement :

- La France avec 48,9%.

- Les pays de la zone franc.

- La République Fédérale Allemande.

- La Grande Bretagne.

- Les Pays-Bas. - La Belgique.

- L'Italie.

 

  Les principaux clients sont respectivement»:

- La France avec 17,65.

- Les pays de la zone franc.

- La Suède. - Le Japon.

- La Grande Bretagne.

[Page 35]

 

 

La part sur « l'aide » accordés à la Haute-Volta, selon les pays est la suivante :

                  de 1960/1961 à 1967                           de 1959 à 1970

 

USA                    2,630 millions FCFA--                   3,827 millions FCFA

RFA                    1,218 millions FCFA ---                 1,650 millionsFCFA

FED                        — — —                                  14 milliards FCFA

IDA (Nations Unies)    — — —                                   3 milliards FCFA

Formose                    — — —                                 435 millions FCFA (1970)

Chine Populaire          — — —                                  11,286 milliards FCFA(1973)

France                         — — —                              50 milliards FCFA

 

 

 Quelques aides reçues par la Haute-Volta?

1973 : Canada = 1,500 millions FCFA

1973 : USA = 0,900 millions FCFA

1974 : RFA = 6,755 millions FCFA

1974: RFA = 5,700 millions FCFA

De 1959 à 1975, « l'aide » totale de la RFA à la Haute-Volta se chiffre à 204 millions DM, soit 20,4 milliards FCFA. Une classification, selon l'importance en « aide » faite sur la période 1958 à 1978, selon les pays et les types d'« aide », se présente de la façon suivantes :

Pour les « aides » bilatérales;

 

1°) France

2°) RFA

3°) USA

 

 Pour les « aides » multilatérales:

1°) France

2°) FED

3°) RFA

4°) USA

La tendance d'évolution en matière de politique d’« aide » vise à mettre la préférence pour les « aides » multilatérales et dans ce cadre, « l'aide » de la FED supplantera toutes les autres.

Une classification selon les investissements effectués par les différents pays, étendue sur la période de 1959 à 1972 donnerait ceci :

1°) France

2°) FED

3°) USA

4°) RFA

Pour en finir avec ces données qui marquent une évolution certaine de la domination exclusive (caractéristique de la période coloniale) par une seule puissance impérialiste, vers la rivalité, la concurrence inter-impérialiste, en vue de la domination et de l'exploitation des pays ex-colonies (caractéristique de la période néocoloniale). Comme nous l'affirmions plus haut, la période coloniale était caractérisée par l'instauration d'un pacte colonial. Le pacte colonial est une formule protectionniste, en vue de la domination et de l'exploitation exclusives de la part de la puissance colonisatrice.

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Il est une mesure de, protection contre, la pénétration d'autres puissances impérialistes rivales. Après la deuxième guerre mondiale, la France s'est vue contrainte de substituer au pacte colonial un pacte que l'on a appelé « pacte d'assistance technique». C'est à cette période que les grandes sociétés françaises ont commencé progressivement à abandonnes le négoce de denrées agricoles, précisément au moment où leurs ventes étaient devenues plus difficiles. Cette reconversion as parallèlement conduit à la renonciation progressive, l'une après l'autre, de l'importation des biens de consommation. L'effort sera mis dorénavant sur l'exportation des biens d’équipement et sur l'investissement industriel (industries de transformations alimentaires). C'est la période correspondant à la naissance de la classe ouvrière, pour la majorité des pays africains, ex-colonies françaises, et tout particulièrement de la Haute-Volta. Le « pacte d'assistance technique » constituait la transition vers l'établissement des accords de coopération, aux lendemains des indépendances politiques. Même ces premiers accords de coopération ne survivront pas à l'évolution des pays ex-colonies qui réclament, de plus en plus, beaucoup plus d'autonomie politique. C'est dans ce cadre que se situe la vague de renouvellement des accords bilatéraux, à partir de février 1973 jusqu'au milieu de l'année 1976, pour les néo-colonies françaises en Afrique. Cette période de contestation des pouvoirs néocoloniaux, acculés par l'impératif du développement économique de leurs pays respectifs, par la poussée et l'approfondissement des luttes des masses populaires, conduiront certains pays à créer une monnaie nationale en dehors de la zone franc. Ce fut le cas de la Mauritanie et de Madagascar. D'autres pays moins exigeants se sont contentés de remettre en cause certaines facilités accordées jusque-là à la France. Réclamée dès 1972 par le Congo, puis successivement par la Mauritanie, la République Malgache, le Niger, le Gabon, puis enfin par tous les autres États, la révision des accords de coopération a abouti aux résultats suivants :

  • Les anciennes colonies ne se présentent plus comme autrefois, face à la France, comme un bloc avec lequel elle établit des conventions homogènes à quelques points d'exception près.
  • Il y a un relâchement général des liens antérieurs et agrandissement des marges de manœuvre, en supprimant certaines entraves résiduelles de la période coloniale. ,
  • Dans cette révision, la Mauritanie et Madagascar sont les pays qui sont allés beaucoup plus loin que les autres pays.
  • Les nouveaux accords marquent de façon résolue la transition définitive de la situation coloniale passée à la situation néocoloniale présente. Ils contribuent à la liquidation du régime économique colonial et son remplacement par le régime économique néocolonial.
  • Ils sont l'aboutissement de l'évolution des différents pays depuis l'accession à l'indépendance politique et des diverses mutations en cours. — Banalisation des relations diplomatiques; — « Africanisation » de l'économie, surtout dans les secteurs vitaux : Banque, transport, etc.; — Plus large autonomie.

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Malgré cette évolution, la France demeure toujours pour l'écrasante majorité de ces pays, le partenaire privilégié. Elle conservé toujours une position économique dominante, du fait toujours du maintien des différents états africains dans la zone franc et de leur, adhésion au principe de la parité monétaire. Mais dorénavant, elle entre en concurrence, en rivalité avec les autres pays de la CEE, avec les autres puissances impérialistes (USA, URSS, Japon, Chine, etc.). Dans cette compétitivité, dans cette rivalité inter-impérialiste, conçue dorénavant comme règle du jeu dans le cadre des pays néocoloniaux, elle court le risque de se voir évincer, d'être supplantée (elle est même supplantée dans un nombre de pays) par certaines puissances impérialistes (notamment les USA et l'URSS). Ce n'est pas pour autant que ces pays cessent d'être des néo-colonies pour avoir changé de puissances dominatrices.

Par conséquent, l'argument qui consiste à considérer comme un phénomène nouveau, étranger du néo-colonialisme, la concurrence inter-impérialiste dans les pays ex-colonies, procède d'une compréhension erronée de ce qu'est le néo-colonialisme, de ce qui le distingue d'avec le colonialisme.

Aussi, comme point distinctif entre colonialisme et néo-colonialisme, il y a l'exacerbation de la rivalité entre les diverses puissances impérialistes à l'intérieur môme des anciens cadres coloniaux. Aussi, cette forme de « nouvelle » dépendance n'a rien de nouveau, et n'est rien d'autre que la dépendance néocoloniale.

 

Ainsi se trouve réfutée d'avance l'affirmation éventuelle (nos opportunistes étant passés maîtres dans l'art de calquer les analyses d'autres partis), qui consistera à dire que depuis 197.., la Haute-Volta a cessé d'être une néo-colonie pour devenir dépendant.

La Haute-Volta ne cessera d'être une néo-colonie que pour devenir une république populaire démocratique, puis ensuite une république populaire socialiste. Entre la république de la Haute-Volta actuelle et la république populaire socialiste de la Haute-Volta future, il ne peut exister de république autre que celle populaire et démocratique. Peut-on clore la discussion sur la question de l'indépendance politique de la Haute-Volta?

Cela suffit, pensons-nous.

Telle est notre compréhension sur la question de l'autonomie politique.

Certains aspects de la question mériteraient un développement beaucoup plus approfondi. Peut-être qu'avec les nécessités de la lutte serons-nous amenés à le faire?

En tout cas, l'essentiel des arguments opportunistes a été passé en revue. Et chacun a pu se convaincre qu'il faut être soit un analphabète politique, soit un opportuniste pour oser nier l'affirmation juste, selon laquelle la Haute-Volta est un pays politiquement indépendant. Pour les éléments honnêtes qui cherchent à comprendre, nous espérons avoir été convaincants.

Quant aux opportunistes du P"CR"V, nous les retrouverons sur le terrain de la question nationale en rapport avec la question ouvrière. Car le fond de leur résistance à la question de l'indépendance politique réside dans l'idéologie nationaliste petite-bourgeoise qui les anime.

 

 

[ Suite ]



24/10/2011
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