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Origine des Moose: un état des lieux

Origine des Moose: un état des lieux

 

 [Article publié dans "Espace scientifique", n° 009 - octobre- décembre 2007]

 

Introduction

 

 

Les Moose comme la plupart des ethnies, parmi la soixantaine d'ethnies que compte le Burkina Faso, sont issus de très anciens et complexes métissages entre populations depuis des siècles.

Les peuples qui sont les plus anciennement installés, dans le territoire qui sera le Burkina Faso, l'ont fait bien avant le XVe siècle. Ce fut le cas :

·   au Sud et au Centre : des Bissa, Nĩnsi, Yõyõose, « Gurunsi »i (Sissala, Nankana, Koussacé, Kasséna, Nouna, Léla, Wyniéma ou Ko, Pougouli).

·         à l'Est et au Sud-Est : des Tindamba, Wooba, Taaba, Tankamba.

·         au Nord : des Sana (Samo), Dogon, Kurumba.

·         à l'Ouest et au Sud-Ouest : Bwa ou Bwaba, Bobo-Luo, Sénoufo.

(Cf. N. G. Madiéga. Brève introduction à l'histoire du Burkina Faso. http ://www.histoire-Afrique.org/article42.html)

 

Puis vint la dernière vague entre le XVe siècle à la fin du XIXe siècle.

Des migrants, venus de toutes les directions, imposent leur domination aux populations les plus anciennement installées et organisent des ensembles politiques variés.

Les brassages et métissages entre nouveaux arrivants (conquérants) et anciens occupants ont formé les ethnies et la population actuelles du Burkina Faso.

Le groupe ethnique dont nous avons choisi d'aborder  l'histoire, a effectué sa migration entre le XVe et XVIe siècle en venant s'établir au Centre, à l'Est et au Sud-Est du Burkina Faso actuel. Ce sont des groupes de migrants conquérants Dagõmba-Mampruse-Nakõomsé, venus du Nord du Ghana actuel qui en se métissant avec les peuples conquis (principalement avec les Nĩnsi et les Yõyõose, Kibse, fulse) ont donné naissance aux différents royaumes Moose et apparentés.

Dans l'histoire du peuplement du Moogo, les Moose s'apparentent aux Mampruse et aux Dagõmba actuels du Ghana et partagent par conséquent une tranche de l'histoire qui leur est commune.

 

On peut, selon la classification de J. Kawada, distinguer les Moose en Moose centraux, septentrionaux et méridionaux.

 

—    Les Moose centraux occupent, dans l'actuelle organisation administrative du pays, la Région du centre (Province du Kadiogo), la Région du Plateau Centrale (Provinces de l'Oubritenga, du Kourweogo et du Ganzourgou), Région du Centre Nord (Provinces du Sanmatenga, du Namentenga et du Bam). On peut rattacher à ce groupe, les Moose de la Région du Centre-Ouest (essentiellement dans la province du Boulkiemde)

—    Les Moose septentrionaux sont localisés dans la Région du Centre Nord (Provinces du Yatenga, du Zondoma, du Passoré, du Loroum)

—    les Moose méridionaux que l'on trouve aux côtés d'autres groupes ethniques (les Bisano — Bussance — et les Zaose) dans la Région du Centre-Est (Provinces du Boulgou, du Kouritenga et du Koulpeogo) et dans la région du Centre-Sud cohabitant avec les Kasena (Provinces du Bazega, du Zoundweogo et du Nahouri).

Au Burkina Faso, sur une population de 13 925 313 (est.  De Juillet 2005) les Moose et assimilés doivent représenter entre 45 à 50%.

Au plan spatial, le territoire  qu'ils occupent depuis le XIXe siècle, moins étendue que celui qu'ils occupaient au XVIe siècle, a une superficie estimée à 63 000 Km2

Et selon Izard :

 «[il] s'étend de la frontière ghanéo-voltaïque (11e parallèle), au sud, à la frontière malo-voltaïque (14e parallèle) au nord… Il correspond approximativement au Bassin de la Volta Blanche dont l'axe, la rivière elle-même, est sensiblement orienté sud-est/nord-ouest. La seule frontière naturelle du pays mossi est, au sud-ouest, la Volta Rouge, qui sur une centaine de kilomètre, sépare les Mossi des populations dites Gurunsi » (Izard : 1970, 9)

 

 

 

Au plan linguistique, depuis MauriceDelafosse (1912, vol. II), on a pris l'habitude de classer  la langue moore dans la famille des langues voltaïques, dans le sous-groupe « mossi » qui comprend «le morhe ou mossi », le « gourmantché », le « nankana » et le « dagari » ( auquel se rattache le dialecte « birifor».

 

D. Westermann et M. A. Bryan dans «Languages of Africa» localisent le moore et le dagara dans le « sous-groupe mossi » qui, lui-même, appartient à l'ensemble Gur, dénomination qui, proposée par G. A. Krause et adoptée par Christaller, est dérivée de termes comme « Gurunsi », « Gurma », etc.

Dans la toute dernière classification, celle de Manessy (Contribution à la classification généalogique des langues voltaïques; - SELAF. Paris, 1979), le moore  est classé   avec le dagara  dans le sous-groupe occidental des langues « Oti-Volta », sous-ensemble de la famille des langues voltaïques.

Comme on voit, on est loin d'une classification faisant l'unanimité des spécialistes.

C'est pourquoi Izard  (Op. cit., 1970, p.12) met en garde les chercheurs trop pressés d'aller en besogne en ces termes :

« L'existence de cette vaste aire linguistique « voltaïque » pose évidemment d'important problèmes d'histoire générale et d'histoire culturelle et l'on est tenté de passer d'une classification des langues à une classification des cultures. Cependant, outre les problèmes méthodologiques  que suppose résolu un tel passage, il faut prendre grade que l'univers linguistique et l'univers culturel « voltaïques » ne se recouvrent pas exactement : ainsi, les Bwa parlent une langue « voltaïque » mais sont de culture mandé, comme leurs voisins méridionaux les Bobo qui, eux, parlent une langue mandé ».

 Sur le plan de l'organisation sociale et politique, les Moose, les Dagõmba, les Mampruse et les Nanῦmba, présentent beaucoup d'affinités. Ils sont généralement classés dans les systèmes d'organisation centralisée ; ce sont des « sociétés à État » à l'inverse des Dagara, des Tallense qui sont reconnu comme des « sociétés sans États ».

M. Izard et J. Kizerbo ont insisté sur la nécessité de distanciation par rapport à ce genre de concepts :

 « Les expressions « société sans État» ou « sociétés acéphales» sont à rejeter. Mais même l'expression «peuple à pouvoir non centralisé »  est critiquable parce qu'elle est négative et parce qu'elle se réfère seulement au pouvoir politique. Sans compter qu'un peuple de ce type peut devenir à son tour centralisé (les Bambara), puis cesser de l'être. »(in IZARD, M. et J. KI –ZERBO, J.,  1998. « du Niger à la Volta », dans Histoire générale de l'Afrique, t.5 : L'Afrique du XVIè  au XVIIIè siècle (S/D B.A.OGOT),. Editions UNESCO ; 1999, pp. 393-437)

  Le présent article se veut un effort de synthèse de tous ces acquis auxquels sont attachés le nom de nombres d'auteurs, qui n'ont pas été tous cités et qui seront évoqués chaque fois que leurs travaux seront mis à contribution.

Dans le résumé succinct de l'histoire de la formation du peuple moaaga, que nous proposons de faire, nous ne feront  ressortir que les étapes qui nous ont semblé décisives.

 

 1. Une histoire de peuplement relativement plus connue

 

L'histoire de peuplement des Moose est plus connue que celle des autres groupes ethniques du Burkina Faso.

Depuis le XVe siècle les chroniques arabes mentionnaient l'existence de « musi » identifiés aux «Moose ».

Parmi ces chroniques, les plus connus furent :

 

  • le «Tarikh el-fettach» . On y fait état des «Mosi» en prise avec les Sonraï (sous les règnes de Sonni Ali Ber et de l'Askya Mohammed (période 1464-1528).

  • Le «Taikh es-Soudan» : on y parle du sac de Tombouctou par les « Mosi » (1337), de la déroute du Sultan « Mosi » à Benka (en 1400 selon J. Rouch, postérieur à 1400 selon M. Izard), de l'occupation de Oualata par les « Mosi » en 1480, de la victoire de Sonni Ali Ber sur les « Mosi » (1464/1465) et de l'expédition victorieuse de l'Askya Daoud à la fin du XVe siècle contre le pays « mosi » et de celle de l'Askia Daoud vers le milieu du XVIe siècle.

  • Le «Tarikh Aguinas-Afriquia

Il ressort des annotations de Boubou Hama, alors Président de l'Assemblée nationale du Niger qui a pu consulter le manuscrit (Cf. M. Izard : Introduction à l'Histoire des royaumes mossi. Tome I, 1970, pp. 47-48),  que les « Moose » de la rive gauche du Niger avaient déjà atteint le stade d'organisation centralisée : « ces proto-Mossi », « sans constituer des États centralisés, n'étaient pas de simples hordes d'aventuriers ». Il met en relation l'existence de trois formations étatiques successives ; la dernière ayant pour assise territoriale la région actuellement appelée Diamaré (C'est l'appellation donnée à la partie de la rive gourma du Niger située à la hauteur de Niamey).

Les «Mosi» seraient venus du nord-ouest, au terme d'une longue migration, après une escale à Zamfara, pour s'établir sur la rive gauche où ils auraient fondé (VIIIe siècle) un royaume dont la capitale fut  d'abord Rozi, puis Diamaré (d'où le nom du royaume), dans le Dallol Bosso (actuel Niger). Ce royaume (le « Diamaré I » de M. Izard) disparut (seconde moitié du XIIe siècle), selon Boubou Hama (1966, p. 211) après cinq siècles d'existence sous les coups des Berbères (la dynastie  sonrhaï, les Za de Gao, d'origine berbère mentionnée par le « Tarikh el-Fettach »).

Les noms de quatre souverains de ce royaume sont connus (« Younga », «Noga», « Samanga » et «Lurga »).

Ces « Mosi » avaient des coutumes semblables à ceux de l'Égypte pharaonique : vêtements serrés, tombes de forme pyramidales (dont l'emplacement de certaines a pu être situé).

Les « Mosi » se déplacèrent pour aller créer un second royaume vers Mindji (« Diamaré II »), sur la rive gauche du Niger, dans la région de Kouré.

Suite à une famine, ces « Proto-Mossi »  — c'est l'appellation que M. Izard (op. cit., p. 105) réserve aux « Mosi » des trois Diamaré —, se portèrent sur la rive droite du Niger, où ils fondèrent, fin du XIIe ou première moitié du XIIIe siècle, un nouveau royaume en soumettant les populations autochtones qui devaient être des Gulmãceba, Cinga et autres autochtones (des Kurumba et plus exactement des Déforo) dans la région actuelle d'Aribinda (de Say ?). Ce royaume (Diamaré III) aurait eu une existence de courte durée.

C'est à cette époque, que les « proto-Mossi » rentrèrent en guerre contre les Sonraï de Gao (vers 1250).

Selon les chroniques arabes (Tarikh-es-Soudan et Tarikh-el-fettach), les « Mosi » s'illustrèrent, durant cette période (à partir de1337)par des prouesses guerrières.

Tout le long du XVe siècle, ils se signalèrent par leurs incursions guerrières dans tout l'Ouest de la boucle du Niger (le pays Songhay, le Macina).

En 1480, les « Mosi » occupèrent Walata (Biro, nom sonraï), après un siège d'un mois (8 août-7 septembre).

Soni Ali dit Ali Ber (Ali «le grand»),  lança des opérations de grande envergure  contre les « Mosi ». Dès les débuts de son règne, il mit en déroute l'armée du roi « mosi » nommé Komdao, lors d'un engagement à Djiniki-To'oï, près de la ville de Kobi (1483) et le poursuivit jusqu'en pays bambara.

Soni Ali envahit le « Mosi » et fête le ramadan dans la capitale de son roi Na'sira ( selon les Tarikh-es-Soudan) ou Nassere (selon les Tarikh-el-fettach ); puis il revient détruire la résidence du Mossi-koï à Barkona et massacrer ses habitants.

Le royaume des « Mosi » connaîtra son déclin définitif avec la guerre sainte (Jihad) que lui fera subir les Askia —Askia Mohamed (1493-1529) et Askia Daoud (1549-1582) — qui succédèrent à la dynastie des Soni.

 Ces guerres furent des guerres d'extermination ; les habitants de Diamare III furent réduits en esclavage.

L'expédition de l'Askia Daoud contre les « Mosi » (en 1562-1563) fut décisive, contraignant leur chef à abandonner le pays avec toutes ses troupes.

Le Diamare, sorti exsangue de ces différentes attaques, ne put survivre à la dernière attaque de Askia Daoud (1575).

 Définitivement éprouvé par la succession de guerres et les razzias, le pays « mosi » est détruit. Du dernier Diamare,  « rien ne subsiste apparemment dans la mémoire des hommes d'aujourd'hui.» (Z. Lingané : Sites d'anciens villages et organisation de l'espace dans le Yatenga (Nord-Ouest du Burkina Faso. Thèse de doctorat. Université Paris I, 1995, p.507)

 

Si ces Moose maîtrisaient les techniques de guerre, ils étaient peu aptes à assurer la sauvegarde d'un État. Cela explique pourquoi disparurent les deux premiers Diamaré et pourquoi les « Mosi » septentrionaux furent vaincus par les troupes de l'Askia Daoud.

Au XIVe siècle, ces « proto-Mossi» décidèrent d'envahir les contrées du nord des territoires actuels du Ghana, Togo et Bénin.

C'est à cette période que s'abattit sur eux une épidémie meurtrière, qui les décima. Les survivants abandonnèrent le pays qui sera occupé après par les Sonraï ; ils émigrèrent dans l'actuel Nord-Ghana pour fonder Gãmbaaga.

Le lien entre ces « Mossi » des chroniques arabes et les Moose du bassin des Volta a été longtemps un sujet de discorde entre les historiens.

Mais une autre piste de recherche a été ouverte, par la révélation faite par C. Meillassoux (Cf. M. Izard : op. cit. pp. 55-56) concernant des traditions orales recueillies au Mali, dans la région comprise entre Ségou et Nioro (où il a enquêté entre 1964-1965), faisant état de l'existence dans le passé, d'une implantation durable de « Mosi », ayant constitué une enclave dotée d'une organisation politique centralisée.

Les « Mossi » auraient absorbé des populations locales du clan des Soumaré, et parvinrent à bout d'une résistance de la part du clan des Diariso les obligeant à se replier vers l'est.

Ils auraient occupé dans le Hodth, plusieurs localités et à Gara (près de Timbédra), un chef « mossi » se serait même illustré en asseyant son autorité sur 7 villages.

Enfin, ils auraient occupé Daolé-Guimbé (à une dizaine de kilomètres de Kombi-Saleh).

 

L'analyse de ces informations, à conduit M. Izard à formuler l'hypothèse d'une antériorité de ces « Mosi » par rapport aux « Mosi » des chroniques arabes et à soutenir qu'on ne saurait établir une relation quelconque entre les actions des premiers et les évènements historiques mentionnés par les « Tarikh ».

 Il faudra attendre vers la fin du XVIIIe siècle, pour que des écrits d'auteurs européens fassent état du roi des Mossi.

On trouve dans un ouvrage de l'historien et géographe portugais, João de Barros, les «Decadas da Asia» (1552-1553), consacré à l'Inde, et dont des fragments qui font référence aux «Moses» ont été donnés par le Lieutenant Marc dans son ouvrage sur «Le pays mossi» (1909).  Delafosse et Tauxier se sont largement inspirés de ces fragments.

Il y était question d'un « roi des peuples Moses», dont le « royaume commençait au-delà de Tombouctou et s'étendait vers l'Orient; il n'était ni maure ni païen et sur beaucoup de points, il se conformait aux coutumes des peuples chrétiens ».

Ces informations avaient été recueillies en 1488, auprès d'un prince wolof, nommé Bemoy, et ce,  cinq années après la défaite des « Mossis » du Lac Debo.

C'est ce qui fit dire à Tauxier que c'est l'auteur de  «Decada da Asia», qui a été le premier, avant les chroniqueurs arabes du Moyen-âge, à révéler l'existence des Mossi, au XVIe siècle. Même Léon l'Africain n'a pas eu à les mentionner.

Cette description aurait amené, le roi du Portugal (Dom João) à penser, contre toute vraisemblance, qu'il s'agissait du prêtre Jean, descendant de la reine de Saba, dont la renommée et la puissance avaient franchi les océans et sur lequel les recherches venaient de conclure que le Negus d'Éthiopie était le successeur.

 

Avec la colonisation complète du Moogo, l'Administration coloniale attachera un prix à l'élaboration de monographies sur les mœurs et coutumes des peuples colonisés, en vue de s'acquitter de la mission de civilisation qu'elle s'est assignée. Les Missionnaires et les administrateurs coloniaux des différents cercles furent commis à cette tâche.

Les missionnaires catholiques ne furent en reste ; ils contribuèrent, par diverses monographies, à la connaissance des sociétés qu'ils avaient pour dessein d'évangéliser.

Au nombre de ces monographies, celles qui retiennent l'attention, pour leur contribution à la connaissance des Moose, on peut citer :

-    « Notice sur le cercle du Yatenga (Sénégambie et Niger) », Ouahigouya. 1904. Lt. Lanlumé.

-    « Notes anthropologiques, ethnographiques et sociologiques sur quelques populations noires du deuxième territoire d'Afrique-Occidentale française ». E. Ruelle, in L'anthropologie, 15, 1904, p. 520-561 et p.657-703.  

-    « Monographie du cercle de Ouahigouya », (ms, Archives du Sénégal, Dakar, 1905). Cap. Noiré

-    «Monographie du Cercle de Ouahigouya».Cap. Vadier Administrateur. 1909, Archives du Haut-Sénégal-Niger.

-    «Monographie du Cercle de Ouagadougou» (1909, Archives du Haut-Sénégal-Niger); par Carrier-Moulins ;

-    «Le pays mossi et sa population.  étude historique, économique et géographique suivie d'un essai d'ethnographie comparée » du Cap. Lambert (ms, Archives du Sénégal, Dakar, 1907).

-    «Le pays mossi»  (Paris, 1909) du Lt. Marc ;

-    « Les Mossi : Essai sur les us et coutumes du peuple mossi au Soudan occidental. » 1914-1916 ; P.E. Mangin ;

-    «Und Africa sprach… » et « Dichten und Denken im Sudan », 1924. L. Frobenius.

-    «Contribution à l'histoire du Mossi : Traditions relatives au cercle du Kaya (Haute-Volta)». Bull. du Comité d'étude hist. Et sc. De l'AOF, 7, 4, oct-déc. 1924, p.635-691. Georges Chéron. ;

-    « La cour du Boussouma Naba ». Bull. du Comité d'étude hist. Et sc. De l'AOF, 8, 2, avril-juin 1925, p.204-312, ill.. Georges Chéron.

-    « Notes anthropologiques, ethnographiques et sociologiques sur quelques populations noires du 2e Territoire militaire de l'Afrique occidentale française ». Dr Ruelle inL'Anthropologie, tome XV, année 1904.

-    « Le Mossi ». R. P. L. Durrieu. Ouagadougou, août, 1933.

 

Ces Monographies serviront de matériaux à Delafosse («Haut-Sénégal Niger», 1912) et à Tauxier («Le Noir du Soudan», 1912, —  «Noir du Yatenga», 1917,— «Nouvelles Notes sur le Mossi et le Gourounsi», 1924, etc..) dans l'élaboration de leurs ouvrages qui donnent une synthèse des connaissances sur les Moose.

En 1933, Dim-Delobsom, auxiliaire colonial, un des premiers scolarisés moaaga, fait paraître «L'empire du Mogho Naba. Coutumes des Mossis de la Haute-Volta » au nombre de plusieurs autres  ouvrages sur les Moose.

Il faut aussi mentionner les travaux de A. Prost :

-    « La langue moré » (Mémoire de l'Institut français d'Afrique noire, Dakar, 1953). G. Alexandre.

-    « Notes sur les Boussancé ». 1945. A. Prost :

-    « Notes sur l'origine  des Mossi ». 1953. A. Prost.

 

L'administration coloniale britannique de son côté commanditera des études sur les populations sous son contrôle.

On retiendra :

-    « The Moshi Tribe . A short history». Withers-Gill (Accra, 1924).

-    « The natives of the Northern Territories of the Gold Coast» (« Les indigènes des territoires du Nord de la Côte d'Or »), Londres, 1925. A. W. Cardinall.

-    « A brief History of Dagbamba people». E.F. Tamakloe  (1931)

-    «Enquiry into the Constitution and Organization of the Dagbon Kingdom» (1932). A.C. Duncan-Johnstone & H. A. Blair.

-    «The tribes of the Ashanti Hinterland » (« Les tribus Ashanti de l'intérieur»). Oxfrod, 1932.  R.S. Rattray;

-    «A brief of the history and social organisations of the peoples of the Northern territories of the Gold Coast», 1933. Eyre-Smith, St. J.; 

 

Depuis, nombreux sont les travaux qui ont été consacrés à l'histoire et à l'organisation socio-politique des Moose.

On peut citer entre autres :

-     « Pour une histoire des Mossi du Yatenga ». Dominique Zahan (L'Homme 1 (2) : 5-22, 1961).

-    « Histoire du Yatenga ». Texte de Conférence. 1956. Moussa Kargougou.

-    « Les Mossis. Essai sur les us et coutumes du peuple mossi au Soudan occidental », 1960. Père Eugène Mangin.

-    « Réflexions sur l'histoire des Mossi », Pageard, R. (L'homme 2 (1) :1963,  111-115.

-    « Enquête historique en pays mossi » (1965) : Robert Pageard.

-    «Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou», 1964. Yamba Tiendrébéogo, Lagle Naba de Ouagadougou ;

-    «The Mossi of the Upper Volta», 1964 (version française, « Les Mossi de la Haute-Volta ». nouveaux Horizons, 1972) ; Eliot P. Skinner;

-    « Les structures foncières en Haute-Volta. » 1964 ; J. L. Boutillier.

-     «Croyances et pratiques religieuses traditionnelles des Mossi» (1966). Pierre Ilboudo ;

-    « Organisation politique traditionnelle et évolution politique des Mossi de Ouagadougou. », (Paris, 1961); G.V. Kaboré ;

-    «Enquête sur les fondements et la genèse de l'unité africaine» (1969). Boubou Hama.

-    « Vestiges d'occupation ancienne au Yatenga (Haute-Volta). Une reconnaissance du pays Kibga» ; 1978. J.-Y. Marchal.

-    Les travaux de Michel Izard (1965, 1970, 1975, 1976, 1985).

-    Les Travaux de Junzo Kawada (1966, 1979, 2002) ;

-            «Origin of the Mossi-Dagomba States» (1971). A. Illiasu.

-             «Ainsi  on a assassiné tous les Mossé.» 1979. T.F. Pacere.

 

 Sans compter les nombreux mémoires et thèses qui ont été consacrés au sujet, aussi bien par les nationaux burkinabè que des chercheurs d'autres pays.

C'est dire donc que l'état des connaissances sur l'histoire des Moose repose sur des matériaux suffisamment abondants, constitués par les diverses contributions.

 

 

 

 

2.  Des «mosi» de la boucle du Niger aux Moose  du bassin des Volta

 

 

2.1. La thèse de l'origine Bornou des Moose

 

Cette période se situe entre 1250 et 1575 environ (M. Izard, op. cit., p.104)

On sait qu'à partir des informations du «Tarikh Es-Soudan », le capitaine Lambert, qui a commandé le cercle de Ouagadougou vers 1906-1907 dans une étude publiée en 1908 sous le titre « Le pays Mossi », avança des hypothèses historiques audacieuses qui furent longtemps ignorées et même rejetées par Delafosse et Tauxier. Il avait pris le soin de noter que la tradition orale des Moose qu'il a pu recueillir, ne mentionnait pas ces faits.

 

« Il existe encore au sud du Bornou, écrit le capitaine Lambert, dans le Cameroun allemand, une race qui porte le nom de Mossah et qui aurait été autrefois, selon la tradition locale, maîtresse du pays entier. Elle se trouve actuellement confinée en une portion de territoire assez restreinte (vallée du Logone-Cameroun ).

Ses représentants actuels offrent avec les Mossi des ressemblances physiques tellement frappantes qu'il est impossible d'avoir vécu parmi eux sans les reconnaître dans ces derniers : le tatouage est identique, sauf en ce qui concerne l'accent circonflexe, d'acquisition plus récente, comme nous le montrerons. La similitude est presque complète et, d'autre part, l'organisation sociale des Mossi, avec toute sa hiérarchie si caractéristique se retrouve chez les Mossahs. En un mot, l'identité d'origine des deux groupes ne fait pas de doute et nous pouvons affirmer que l'existence des Mossah dans une partie du Bornou et la suprématie que la tradition leur attribue dans le pays, à une époque reculée, fixent d'une façon certaine l'habitat où a dû croître et se former la race qui nous préoccupe, cela bien entendu au cours d'une période assurément fort antérieure aux évènements qui fourniront aux chroniqueurs arabes l'occasion de nous révéler leur existence.» (cité in Tauxier : Nouvelles notes…., 1924, 1-2)

 

Donc, la thèse de l'origine Bornou des Moose, Lambert la fait reposer sur le rapprochement entre les Moose des Bassins des Volta et les Mossah du Cameroun  du  sud  du Bornou.

Il soutient que jusqu'au XVIe siècle, les « Mossi »  étaient encore installés sur la rive orientale du Niger, dans le Djerma et que c'est de là qu'ils organisèrent leur razzia triomphante sur Tombouctou.

Une question s'impose au capitaine Lambert : peut-on considérer les Mossi comme des autochtones du Bornou, ou doit-on prendre le Bornou comme une étape de leur migration qui les a conduit au cœur de la boucle du Niger ? (Ibid.,  p.2).

Il se garde de donner une réponse. Il constate seulement que ces «Mossi-bè» montrent de frappantes analogies avec les «Mossi proprement dits».

Ces deux peuples présentent des ressemblances physiques et sociales :

- tatouage identique sauf en ce qui concerne l'accent circonflexe des Moose et qui est d'acquisition récente; cette marque appartient en propre aux populations de la rive gauche du Niger jusqu'à l'angle du Dollol-Maouri.

- l'organisation sociale des Moose, avec toute sa hiérarchie se retrouve chez les Mossah ; ce « système féodal » peut être rapproché de celui de l'Abyssinie: la désignation des chefs s'y fait dans des conditions analogues ; l'élection du Négus s'y accompagne d'une période d'anarchie que l'on retrouve chez les Mossi.

Et au capitaine Lambert de conclure :

«En un mot, l'identité des deux groupes ne fait pas de doute et nous pouvons affirmer que l'existence des Mossahs dans une partie du Bornou et la suprématie que la tradition leur attribue dans le pays à une époque reculée fixent d'une façon certaine l'habitat où a dû croître et se former la race qui nous occupe ; cela, bien entendu, au cours d'une période assurément fort antérieure aux évènements qui fourniront aux chroniqueurs arabes l'occasion de nous révéler leur existence.» ( cité par Tauxier, op.cit. pp.1-2).

 Le cap. Lambert est cependant obligé de reconnaître que les vocabulaires des langues Galla, Ahmarique et Tigré, ne fournissent aucun argument probant.

« Des missionnaires, écrit-il, ont affirmé, d'autre part, que les Mossi auraient conservé traditionnellement la notion symbolique de la croix chrétienne, fait que nous n'avons pas pu vérifier et qui, sans être impossible a priori, paraît peu probable » (Ibid., p. 3).

 

Poursuivant son histoire du peuplement, Lambert pense que l'empire de la rive gauche du Niger de ces «Mossi-bè»,  devait décliner à la fin du XVe siècle, après les premières attaques de l'Askia Mohammed, obligeant ainsi certains d'entre eux à traverser le Niger, en un point situé entre Say et Illo, pour se diriger vers le sud. Ce mouvement devait se poursuivre au XVIe siècle par un exode massif de ces ancêtres des Moose.

 Cette hypothèse des origines des Moose, venant de l'Est, a été aussi formulée par le Docteur Ruelle et le Lieutenant Marc.

Le Docteur Ruelle (« Notes anthropologiques… » ), relatant des traditions recueillies auprès des anciens chez les Moose, écrit :

« La même tradition raconte que des guerriers venus de l'Est battirent, à Gambakha, les Dagomba, maîtres du pays, et y installèrent leur chef. »

 Lieutenant Marc (« Le pays Mossi ». Paris, Larose, 1909) rapporte  les traditions locales des Moose qui toutes situent l'origine de leurs ancêtres très loin dans l'Est, « dans un pays situé au-delà du Niger, dont la capitale s'appelait Aliaman ».

Tauxier, commentant le lieutenant Marc, pense que «Aliaman», est probablement le «Yémen» d'où tous les Yarse du Moogo prétendent venir.

Ce pays serait actuellement occupé par des Songhaï. Puis les Mossi vinrent occuper le Dagmba ; ils battirent les habitants de ce pays, et le chef des Mossi s'installa à Gãmbaaga.­

 Tauxier émet quelques réserves sur les affirmations de Lambert.

L'on ne peut admettre, dit-il, comme le fait le capitaine Lambert, qu'au XIVe siècle, les « Mossi » étaient encore installés sur la rive orientale du Niger, dans le Djerma actuel et qu'ils n'étaient pas encore arrivés, à cette époque, dans le « Mossi » actuel, ni même dans le Dagõmba, et que c'est du Djerma qu'ils dirigèrent leurs razzias triomphantes sur Tombouctou.

«Si vraiment les Mossi sont venus du Bornou pour aboutir dans le Dagomba et ont passé, comme c'est naturel alors, dans le Haoussa et le Djerma, ils l'ont fait à une époque très reculée puisqu'il faut placer Rawa, le premier conquérant du pays de Ouagadougou et de Ouahigouya (...), au XIIe siècle de notre ère, et puisque ses parents venaient du Dagomba, où on doit admettre que les Mossi ont séjourné un certain temps. La traversée du Haoussa et du Djerma par les ancêtres des Mossis du Dagomba nous reporte donc à une époque qu'on ne peut fixer évidemment, mais qui est très antérieure au XIVe siècle (époque où les Mossi prirent Tombouctou) et on doit admettre, contre l'opinion du capitaine Lambert, que les Mossi qui prirent Tombouctou venaient du Sud (de Ouahigouya probablement) et non de l'Est (région de Say) et nous ferons remarquer, au surplus, qu'ils étaient beaucoup plus proches de Tombouctou à Ouahigouya qu'à Say.» (Tauxier, op. cit. pp. 4-5).

 

Tauxier affirme en conséquence :

«On peut, à la vérité, expliquer les colonies Mossi du Sokoto comme venues des pays de Ouagadougou, du Yatenga ou de Fada N'Gourma, à une époque relativement récente, XIIIe, XIVe ou XVe siècle» (Ibid., note 2, p.4 ; en note).

 

Cette erreur étant relevée, Tauxier pense que l'on peut admettre l'itinéraire proposé par Lambert, que suivirent les « Mossi » venus du Bornou dans leur marche du Djerma au Dagõmba.

Laissant le pays bariba sur la gauche, les migrants traversèrent le Gulmu et la région de Pama et parvinrent à Gãmbaga.

«C'est ce point , dit Tauxier, que choisit pour sa résidence le chef qui avait dirigé l'exode. Nous n'avons aucun renseignement positif sur sa personnalité, mais il est certain que c'est de lui, ou de ses successeurs immédiats, que la création du royaume mampoursi et dagomba tire son origine. La formation de l'empire mossi proprement dit est postérieure.»

 

Vue l'influence qu'exerceront les ouvrages de Delafosse et de Tauxier, sur les auteurs qui se pencheront sur la question, la recherche historique se détourna de cette piste ouverte par le capitaine Lambert pour privilégier l'hypothèse qui assimile les Moose des Tarikh aux fondateurs des États moose du Bassin de la Volta Blanche — Le nakambé — (mise en place au XIXe siècle) et qui, selon l'idée communément admise viennent du Dagõmba. Ces deux catégories ne formeraient qu'un seul et même peuple. Ce sont, selon cette thèse classique, les Moose de la boucle du Niger.

Mais, Tauxier, prenait le soin cependant de préciser qu'au-delà du Dagõmba, on ne savait rien de certain sur les Moose.

« Pour le moment, nous en sommes donc encore réduits aux hypothèses en ce qui concerne les origines Mossi. Nous savons que les Mossi viennent du Dagomba et qu'ils entrèrent même probablement dans ce pays en conquérants. Mais d'où venaient-ils alors ? du Nord-Est ? du Sud ? de l'Est ? Nous ne pouvons pas encore répondre d'une façon certaine, comme pour beaucoup d'autres questions historiques, scientifiques, philosophiques, hélas!

Grammatici certant et adhuc sub judice lis est. » (Ibid., p. 12)

 

  

Proto-moose, mossi septentrionaux et nakomsé —XIIe-XVIe —.

 

( Carte in M. Izard : 1970)

 

De l'autre côté  de la rive des Volta, avec les historiens britanniques, on note l'existence d'un manuscrit hausa de la bibliothèque de l' « École des études orientales » (université de Londres) , traduit en anglais par Withers-Gil sous le titre « the Moshi Tribe , a short history» (Accra, 1924) qui situe le premier pays mossi dans la région de Zamfara, en pays hausa actuel.

Il a fallu attendre, les conclusions des recherches de l'historien britannique, John D. Fage, présentées dans sa communication (« Reflections on the early History of the Mossi-Dagomba Group of States » au Quatrième Séminaire international africain  des Historiens à Dakar ( communication publiée dans le Volume des actes du Séminaires par les soins de Mauny, Thomas and Vansina, eds. 1964 :177-191), pour que, les Hypothèses de Lambert soeint prises en considération.

J. D. Fage distingua deux périodes dans l'histoire des « Mossi-Dagomba » : une période pré-étatique, antérieure à 1480 environ (à laquelle appartiennent les Moose des « Tarikh ») et une période étatique, postérieure à cette date.

Selon lui l' « empire mossi » de la rive gauche du Niger daterait du XIIIe siècle. La poussée musulmane qui obligea les « proto-Mossi » à l'exode qui les conduisit dans l'actuel Nord-Ghana correspondrait à l'avènement de Sonni Ali Ber où les Sonraï prirent le dessus.

La tradition  des Dagõmba, celle de la classe dirigeante parle d'une migration de leur peuple de l'Est, probablement au-delà du fleuve Niger, sous la conduite de « Tohazie » (ou « Tohajiye ») qui aurait vécu jadis dans une grotte au Mali, en 1100 ou   1 200 ap. J.-C. (in La tribu Konkomba du Nord Togo.Mémoire de l'Institut Français d'Afrique Noire; 1954; Dakar)

Dans des travaux plus récents, M. Izard, en accord avec J. D. Fage,  estime que la distinction faite par ce dernier, entre Moose septentrionaux (de la Boucle du Niger) et Moose méridionaux (des bassins de la Volta) est fondamentale en ce qu'elle permet d'intégrer dans une conception historique globale aussi bien les informations sur les « Mossi» contenues dans les chroniques que dans la tradition orale.

On ne peut en effet réduire, selon lui,  l'histoire des Moose et des populations apparentées à la seule histoire des royaumes du Bassin des Volta comme l'ont fait  Delafosse et Tauxier.

Les Moose septentrionaux ont une histoire qui se situe entre 1250 et 1575 environ, alors que celle des Moose méridionaux, Izard la situe entre 1435 et 1465, plus particulièrement en ce qui concerne la constitution des royaumes moose proprement dits, entre 1465 et 1480.

Acceptant l'hypothèse d'une pénétration «mossi» dans la Boucle du Niger par l'est ou le nord-est, il estime cependant que la séparation entre les Moose de la Boucle du Niger et les ancêtres Mampruse, Nanῦmba et Dagõmba est intervenue très tôt, soit avant la traversée du Niger, soit immédiatement après. Il écrit :

«nous distinguons donc soigneusement les Mossi de la Boucle du Niger des Mampursi-Nanumba-Dagomba et des Nakomsé, qui tirent indirectement leur origine des Mampursi (souligné par nous, VDS); d'autre part, nous supposons que, sur la rive gauche du Niger, les Mossi ont fondé des royaumes et que, sur la rive droite, ont existé des établissements mossi durables qui ont permis l'instauration d'une organisation politique de type centralisé, même si une écologie défavorable et l'ampleur des expéditions militaires mossi ont empêché le système de fonctionner pleinement et donc de s'actualiser comme véritable système étatique.» (M. Izard : 1970, I, 69)

Contrairement à J. D. Fage qui établit une relation directe entre les « Mossi » septentrionaux  et les  Moose méridionaux, M. Izard (1970, I., P.103 et s.) estime que cette relation ne peut qu'être indirecte.

Le début de l'histoire des Moose méridionaux se situe dans la seconde moitié du XVe siècle. Cette date découle de la chronologie de Fage (qui situe ce début vers 1480 ou même 1460) que de celle de M. Izard.

Alors que, si on se réfère au « Tarikh Es-Soudan», la fin de l'histoire des « Mossi » de la Boucle du Niger se situe vers 1575.

Il découle de ce constat, que l'histoire des Moose septentrionaux et celle des Moose méridionaux ne peuvent être mises bout à bout. Les deux formations partagent seulement une tanche d'histoire commune dont la durée avoisinerait un siècle.

C'est pourquoi M. Izard soutient que la relation entre les deux formations ne peut être qu'indirecte.

C'est aussi le point de vue du professeur Ki Zerbo lorsqu'il écrit :

«Il semble qu'il n'y ait pas de lien direct, ni par continuité immédiate dans le temps, ni par continuité immédiate dans l'espace.» (Joseph Ki-Zerbo  : Histoire de l'Afrique noire d'hier à demain, Hatier, Paris, 1972, pp. 247-248)

 

 Du Troisième Diamaré, partent deux grands mouvements de conquête.  Les Moose septentrionaux, passant par les régions actuelles de Dori et d'Aribinda, atteignent Douentza (Mali) (début du XVIe siècle). C'est ce groupe qui fera des raids dans le royaume Songhaï. Il poussera des pointes jusqu'à Oualata. Ces Moose seront presque entièrement décimés.

Le deuxième groupe quitte Djamaré III, traverse le sud du Gulma (pays des Gulmãceba), région de Pama, se dirige vers le Nord Ghana actuel et s'installe dans la région de Pusga et Bawku. Il donnera naissance au royaume des Nanῦmba, au Dagbõ, au Mamprugu et indirectement aux royaumes moose.

Aujourd'hui l'idée des « proto-Mossi » septentrionaux, lointains ancêtres communs des Mampruse, Dagõmba et Moose, réunit l'adhésion de presque tous les Historiens. Ce qu'attestent, toujours selon le professeur Ki-Zerbo, les traditions communes aux Mampruse, Dagõmba et Moose:

« Il y aurait eu un peuplement Mossi ancien dans la région de Zamfara en pays Haoussa, ainsi qu'une ethnie Mossah dans le Nord-Cameroun actuel, avec des scarifi­cations semblables à celles des Mossi. » (Joseph Ki-Zerbo : 1972, p. 247)

«Les Proto-Mossi septentrionaux refoulés par Gao seront résorbés par le dynamisme songhaï et dans le stock kouromba préexistant. Pendant ce temps, des bandes détachées de ce rameau originel entreprennent un long périple en deux temps et deux directions, qui les mènera d'abord vers le sud-ouest dans le pays mampoursi, dagomba et nanumba (nord du Ghana actuel), puis vers le nord, dans les pays de la Haute-Volta, sous l'influence de facteurs démographiques (pensons à la famine évoquée par Aoudar, mais aussi par les autres Tarikh et surtout par le Tedzkiret-Nisian). Il faut sans doute tenir compte aussi de certaines causes sociologiques ou politiques difficiles à déterminer.(...)

Toutes les traditions disponibles font venir les fondateurs des royaumes mose actuels de la région de Gambaga (nord du Ghana). Il est donc hautement probable que les détachements de «Proto-Mossi » se soient dirigés dès le XIVe siècle vers le Sud, peut-être après les premiers échecs des équipées nigériennes, peut-être aussi attirés par la réputation des riches et verts pays du Sud et par le renom de l'or du Lobi, de l'A­shanti et du Baoulé dont ils avaient eu des nouvelles par leurs contacts avec les métropoles du Moyen-Niger.»(Ibid., p. 248).

Même si on ne peut établir une continuité  entre l'histoire des « proto-Mossi » et celle des na-kõombse, il est permis de supposer que les seconds aient pu retenir des premiers, des leçons en matière d'organisation sociale et politique.

 

M. Izard fait cette importante observation :

« les formations politiques septentrionales n'ont pu être que des états militaires, aux contours mal définis, dont les dirigeants n'avaient qu'une emprise assez lâche sur les populations soumises et sans doute l'état d'inachèvement permanent qui fut celui de la société mossi septentrionale fût-il un des facteurs principaux de la vulnérabilité des royaumes qui ont tiré d'elle leur origine. Au contraire, la société nakomsé, plus qu'une société militaire, fut d'emblée une société politique. » (M. Izard, op. cit., p.113)

 

 3. La fondation des royaumes moose des bassins des Volta

 

 3.1.  De Tohaziε à la geste de Yẽnega

Cette période des Moose des Bassins des Volta commence entre 1435 et 1465 (M. Izard, op. cit., p.104) et se déroule dans la zone qu'ils occupent actuellement qu'à partir de 1465/1480

Les historiens s'accordent aujourd'hui sur le fait que les conquérants étrangers qui ont fondé les royaumes dagõmba, mampruse et moose sont venus de la rive gauche du fleuve Niger, plus précisément de la région du lac Tchad. Le professeur Adu Boahen affirme qu'ils sont venus de Zamfara, un des États secondaires fondés par les Hausa.

Les manuels scolaires du Ghana enseignent que les « tambours » (« drummers ») mampruse racontent que leurs ancêtres viennent de l'est du Lac Tchad. Ils ont été conduits par un guerrier appelé Tohaziε, (ce qui, en mamprule, veut dire  «chasseur rouge»).

Du Lac Tchad, ils s'établirent d'abord à Zamfara au Nord du Nigeria. C'est de ce lieu qu'ils émigrèrent pour se trouver dans  leur actuel établissement. (Extrait de  « Social studies for junior secondary schools ». Pupils'book . Adwinsa publicarions (Gh). LTD by Curriculum research and développement divsion Ghana éducation service.1987.)

 Traversant l'actuel Gulmu (Pays des Gulmãceba), ils se sont établis dans le Nord de l'actuel Ghana où ils ont fondé des royaumes avant d'essaimer dans le Bassin des Volta, donnant naissance à d'autres royaumes apparentés.

Ils y trouvèrent des populations déjà installées : Vagala, Sisala, Tampulensi, chamba et Kõkõmba. Mais étaient-ce là les seules populations ?

Ces populations vivaient en petites communautés et ne s'étaient pas dotées d'une organisation centralisée.

Tohaziε était déjà mort avant l'établissement à Pusiga. Le chef des émigrants était en ce moment Na Gbewa. Sous sa direction, les Mampruse soumirent les populations autochtones autour de Pusiga.

S'il y a une chose sur laquelle, l'unanimité est faite, c'est le fait que Gbewa des Dagõmba (le Bawa des Mampruse, le Nedega des Moose) soit l'ancêtre commun aux « Mamprusi-Dagõmba-Moose », précédant la fondation des trois dynasties (« Dagõmba », « Mampruse », « Moaaga ») . Il serait le fils du « chasseur rouge », Tohaziε, et d'une femme gulmãce, donc descendant des Gourmantché par sa mère. (Joseph Ki–Zerbo, 1972, p. 248).

Tel semble être, selon Ki-Zerbo, le seul lien ethnique réel entre Moose et Gulmãceba qui, par ailleurs, ont des affinités sociologiques, linguistiques et religieuses.

Mais selon la tradition mampruse-dagõmba, rapportée par Tamakloe (« Traditional history of Dagomba in « Tales told in Togoland », 1931, P.8), Tohaziε eut un fils avec une princesse du «Malle», Pagawolga (ainsi nommée, parce que boiteuse). Ce fils s'appela  Kpogonumbo.

Le Professeur Ki-Zerbo donne dans son livre (Histoire de l'Afrique Noire :1972, 248) un résumé de cette version du récit donné par Tamakloe.

Kpogonumbo dans ses pérégrinations arriva à Bium (Birin chez Ki-Zerbo)dans le pays des Gulmãceba. Le chef du village de Bium, un certain Daramani, lui donna en mariage une de ses filles, nommée Suhusabga ou Sisabge. Il aura de ce mariage cinq enfants : deux jumeaux, morts à bas âges, Namzisiele, Nyalgeh et Ngmalgensam. Pour s'assurer le commandement de Bium,  Kpogonumbo tua son beau-père.

Il se déplaça à l'ouest de Bium ou le souverain du Gulmu, Abdul Rahamanu (Daramani selon Ki-Zerbo) lui fit d'abord la guerre, puis ne pouvant le vaincre, lui donna en mariage une de ses filles, Soyini ou Solyini. De ce mariage naquit un fils qu'on appela Gbewa (Tamakloe  : op. cit. p. 245).

Les Gulmãceba, dans leurs traditions, « considèrent la dynastie mamprusi comme issue de la fille d'un numbado, chef gurma de Nungu (…) ». C'est pour marquer cette parenté, qu'à la mort de leur chef,  les Mamprusi envoient des cadeaux aux chefs du Gulmu, par l'intermédiaire du chef de Sanga. (Cf.  J. Kawada, op. cit., p.23)

 Mangin (in « Les Mossi : Essai sur les us et coutumes du peuple mossi au Soudan occidental. » 1914-1916 ), rend compte de cette hypothétique filiation des Gulmãceba aux Moose :

« Le fils aîné de Yennenga s'était emparé de Fada, fondant la dynastie actuelle, mais n'avait pu imposer aux habitants ni sa langue, ni ses tatouages. Ainsi s'expliquent les cadeaux envoyés à Gambaka, au berceau de la race et au naba de Fada, l'aîné de la famille. Les habitants autochtones, chassés par l'invasion mossi, se retirèrent en partie vers le sud-est et sont devenus les Bousansé et les Gourounsi, tandis que les autres, restant dans le pays, furent assimilés par les Mossi et apprirent la langue des conquérants. »

 

Des études plus poussées  établiront clairement que la dynastie des Moose et celle des Gulmãceba sont loin d'avoir la même origine (voir notamment Ki zerbo, op. cit.; Georges Madiéga Y. in Jaba Lompo et naba Wedraogo : les Bemba et les Nakomse sont-ils apparentés ? Luto.  Cahier n°1-. Université de Ouagadougou. ESLSH. Juin 1981. Georges Y. Madiéga in 1982 : Contribution à l'histoire précoloniale du Gulma (Haute-Volta), Wiesbaden.).

Les « Gourmantché » présentent selon Ki-Zerbo, un faciès archaïque « qui dénote une vieille société autochtone résultant peut-être du brassage entre Dagõmba et Bariba. ».

 Il écrit par ailleurs :

 « l'on peut faire état de deux hypothèses majeures de Georges Madiega : premièrement, les ancêtres des Mamprusi ont traversé le Gulma avant l'arrivée des Buricimba ; deuxièmement, les premières dynasties gulmanceba sont contemporaines des premières dynasties mossi. Il apparaît donc raisonnable, en l'état actuel de nos connaissances, de situer le début de l'histoire étatique gulmance vers le XVe siècle, à la fin du XIVe au plus tôt. A l'origine des Etats gulmanceba est associée la figure d'un ancêtre historico-mythique, Jaba. Etait-ce un chef guerrier comme Naaba Wedraogo de l'histoire moaga ? Il ne le semble pas car les pouvoirs qui lui étaient attribués relevaient généralement plus de la magie que des aptitudes militaires. Ce qui semble certain, c'est que les liens généalogiques établis par les Mossi entre les descendants de Na Gbewa et de Jaba (appelé Jaba Lompo par les Mossi, alors que Jaba et Lompo seraient deux personnages distincts, le second étant le fils du premier) ne sont que des élaborations tardives imaginées à la cour du mogho-naaba pour justifier une quasi-assimilation du pouvoir gulmance au pouvoir moaga pendant la période coloniale. A moins que ce ne soit l'inverse et que l'organisation administrative coloniale des anciennes chefferies d'Etat, donnant une sorte de prééminence absolue au mogho-naaba, ait conduit certains à lui trouver un fondement dans l'histoire. Tout indique qu'il faut traiter indépendamment les unes des autres, du point de vue de l'origine des dynasties, les hégémonies mossi et gulmanceba. » (in B.A.OGOT (Directeur de volume). Histoire générale de l'Afrique. Vol. V. : L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle. Editions UNESCO ; 1999, pp. 418-419)

 

Prost, dans « Notes sur les Mossi » dit s'être rendu compte à  Dourotenga, que les gens de Dourotenga n'étaient pas des Moose, mais des Bimba. Fada est désigné par les Moose par le terme  « Biungu », et ses habitants sont des « Bimba ». Mais la légende qui est en passe d'avoir droit de cité depuis que Delafosse l'a consignée dans son ouvrage, « Haut-Sénégal-Niger »(Paris, 1912) et qui fait descendre les Gulmãceba de Ouedraogo,  n'est pas exacte selon Prost.

Sur  ce point tous les gens de Dourotenga étaient formels:

« Nous, à Dourotenga, les gens de Fada, Sanga (canton à la frontière du Togo), Bawku en Gold Coast, sommes de la lignée mâle des chefs de Gambaga, les Mossi descendent de la fille: « Tôd ya dapa, Môsé ya bi pugl Kamba. » .

 

Les enfants du premier mariage de Kpogonumbo, restèrent donc à Bium, tandis que Gbewa, quitta Bium à la tête d'une importante bande de guerriers, pour le pays Kusase où il  soumit les populations autochtones (Kusase, Busãce et «gurunse» — terme sous lequel on a pris l'habitude, à tort, de ranger la plupart des aborigènes de l'actuel territoire du Nord du Ghana —. )

Gbewa fit de Pusuga sa capitale. Il eut, selon la tradition recueillie par Illiasu,cinq enfants dont quatre fils (Zirile, Tosugu ou To­hugu, Yantambo et Sitibo) et une fille (Yẽnega ou Poko selon les traditions). Yẽnega était l'aînée des enfants.

Gbewa serait mort à Pusga (village situé près de Bawku, à l'extrême Nord-Est du Ghana) où se trouverait sa tombe (J. Kawada, op. cit., p.23, p.132) . A la mort deGbewa (Bawa), son fils aîné, Zirile lui succéda. Mais à la mort de ce dernier, une lutte pour la succession opposa ses 3 frères (Tosugu, Nyamtambu et Sitobu). A défaut de pouvoir s'entendre, chacun ira  fonder un royaume pour son propre compte.

 

Une autre version des traditions des Dagõmba que Prost a pu noter du côté  « britannique », est mentionnée dans un ouvrage imprimé en Gold Coast par le gouvernement et intitulé  « Enquiry into the Constitution and Organisation of the Dagbon Kingdom, Accra, 1932 » dont voici un  extrait:

« D'après les traditions dagomba, conservées comme au Mossi par une cor­poration de joueurs de tam-tam, un chasseur vint jadis du pays du Tchad dans la région de Fada alors au pouvoir des rois du Mali. Vaillant guerrier, il épousa une fille du roi du Mali, nommée Pagha wobuga ce qui veut dire « femme boiteuse». Il eut un fils, également grand guerrier, mais qui quitta Fada pour aller plus au Sud. Il arriva à un village chez les Fra-Fra (ou Nan­kan) village appelé Biung (remarquer que c'est justement le nom que les Mossi donnent à Fada) et se maria avec une fille du tengsobn nommée Sisabigi. Il prit lui-même le nom de Kpuganumbu. Il tua son beau-père. Il eut de Sisabigi deux enfants, Namzisheli et Nyarigili, qui ne laissèrent pas de trace dans l'histoire.

Ce fut un grand guerrier, si bien que le roi de Grumah (est-ce Fada ou sa région?) lui offrit sa fille Soyini. Il eut d'elle le grand Naba, Na-Gbewa, « the great ancestor-fetish of Dagomba, Manprussi and Nanumba-possibly of Moshi and Kusasi as well.» A la mort de son père, Na Gbewa fut proclamé chef à Pusga tout près de la frontière franco-anglaise actuelle, lieu alors au pouvoir du Naga de Grumah.

Il eut de nombreux enfants qui fondèrent les principales dynasties de chefs. » » (in Prost, Notes sur les Mossi, p. 1338)

 

Et voici, selon ce document, la descendance de Gbewa : Fogo, Zirili, Katiogo (femme qui fut chef de Gundogo), Tokugu, Biemoni, Sibiri, Buguyalugu, Natambo

La tradition recueillie par Rattray chez les Mamprusi, fait vénir leurs ancêtres, d'un endroit appelée Kyam ou Kyama  « à l'Est du Gurma ». Cette place serait l'origine des Dagmba, Mampruse et Mossi.­

 Leur ancêtre, Bawa, a abandonné le « Gurma » à cause d'une querelle au sujet de la chefferie. Il s'établit d'abord comme chef de Sana, puis à Pusiga où il mourut. Il eut une fille appelée Yantaure qui refusa de se marier avec l'homme que son père lui avait choisi et s'enfuit sur un étalon qui la conduisit loin de Pusiga, au-delà du fleuve. C'est là qu'elle rencontra un chasseur avec qui elle se maria et eut un fils qui a été appelé « Wadaugo (étalon) »

Quand Bawa en fut informé, il prédit que son petit-fils deviendra un jour « le chef de la brousse (mone) », d'où le nom « Moshi ».

Un frère de Bawa, appelé Na Nashi est devenu chef de Yendi et un autre, du nom de Mantana le chef de Bimbila (Rattray, op. cit. , vol.II, P.546)

Rattray note que selon la tradition des Dagõmba la fille de Gbewa s'enfuit et se maria avec un homme du Gulmu (« Gruma man »), et que ce sont ses descendants qui devinrent les Nas des Moose. (Ibid, p.562)

Dans le récit de Tamakloe, et de Rattray (« Tribes of the Ashanti Hinterland », Vol.II, 1932 p.562) la descendance de Gbewa était plus nombreuse (au nombre de huit chez Rattray et neuf chez Tamakloe) dont une fille, nommée Kachiogo (Ta makloe) ou Yantaure (Rattray).

 

 

 

Généalogie selon Rattray

[The tribes of ashanti Hinterland, tome2, p.562 ]

 

 

généalogie selon prost

[Notes sur les Mossis, 1953, 1338]

 

 

Généalogie selon nacanabo

[Thèse de doctorat. 1982, 101]

 

 

Le tableau de la généalogie de D. Nacanabo est une tentative risquée de synthèse des différentes généalogies.

 

Salfo-Albert Balima a reproduit dans son livre (« Légendes et histoires »…..; 1996, p.65) un tableau qu'il attribue à tort à Rattray (il cite même les références que nous fournissons ci-dessus). Ce tableau est plutôt conforme à la généalogie établie selon le récit des Dagõmba  recueilli du côté britannique et consigné dans un document  intitulé: « Enquiry into the Constitution and Organisation of the Dagbon Kingdom, Accra, 1932» imprimé en Gold Coast par le gouvernement et dont Prost donne des extraits dans ses « notes sur les Mossi ». Tamakloe a dû s'appuyer sur ce document pour établir sa généalogie, puisqu'elle correspond point par point à celle donnée par Prost. ­

 A la différence de la tradition relatée par Rattray, celle de Tamakloe ne mentionne pas le départ de Kachiohgo de Gãmbaaga et de l'origine des Moose descendant d'elle.

 La liste des enfants mâles de Gbewa selon Tamakloe sont : Zirile, Kufogo, Tohago, Ngamtambo, Sitobo, Sibie, Biemmone et Bogoyelgo.

Jugeant son premier fils, Zirile, inapte à lui succéder, du fait de ses mauvais agissements, Gbewa, se sentant vieux et aveugle, lui préféra son jeune frère Kufogu pour lui succéder. Sur ce point, les récits de Tamakloe et de Illiasu (Origin of the Mossi-Dagomba States) se rejoignent.

Zirile complota et tua Kufogu.

A la mort de  Gbewa, ce fut Kachiogo, sa fille aînée qui lui succéda. Zirili n'aura pas de difficulté à l'écarter du trône pour s'en emparer. Elle se verra attribuer la chefferie de Gundogo. Depuis, la tradition veut que cette chefferie soit réservée à la fille aînée du chef du Dagbõ.

Son règne fut cependant très bref, car il fut fait prisonnier après s'être mêlé d'une affaire de succession d'un chef du Gulmu. Tohugu, fut choisi par les notables pour succéder à Zirile. Ce choix fut contesté par les autres frères et en particulier par Sitobu qui prit la tête de la contestation. Pendant ce temps, les peuples conquis par Gbewa reprirent les armes. Devant cette situation inconfortable, et sur le conseil des notables qui l'avaient choisi, Tohugu s'enfuit vers Gãmbaaga, à Nalerigu, où il alla solliciter l'aide de ses oncles maternels. En accomplissant cet acte, il créa un précédent, car désormais, chaque fois que semblables situations se présentèrent, les princes firent appel à leurs oncles maternels.

Tohugu, sera à l'origine de la dynastie mampruse proprement dite. Il mourut au Mamprugu et y fut enterré. Ce serait son fils Banmalagu qui lui succéda ; il transférera la capitale du Mamprugu à Gãmbaaga (Kawada, op. cit, p. 132).

Par la suite, la Capitale sera ramenée à Nalerigu (à 8km à l'est de Gãmbaaga) par Na Atabia qui  régna  de 1688 à 1741/1742.

La tradition  mampruse  dont A. Iliasu ( 1971, 95-113), se fait le porte-parole, quant à elle, affirme que Tohugu régna à Mamprugu et que c'est son successeur, Na Zobzia, qui ramena la capitale à Gãmbaaga . La princesse  Yẽnega des Moose serait la fille de ce dernier.

 Sitobu quitta Gãmbaaga, s'installa à Savelugu où il fonda une chefferie. Puis il se dirigea vers Yendi Dabari où il fonda le royaume dagõmba.  Son tombeau se trouverait à Yogu au Nord-Est de Tamalé (Cf. A. Prost. Notes sur les Mossi, 1952, p. 1338)

 Ce royaume dagõmba, selon Cardinall (A.W. Cardinal: The natives of the northern territories of the Gold Coast : their customs, religion and folklore. London, G. Routledge & Sons.1925, pp. 3- 7) serait le premier, parmi les trois apparentés, à être fondé,  puis vint la fondation de celui des Mampruse.

D'ailleurs dans la relation de la légende sur l'origine du royaume mampruse de Cardinall, c'est une fille nommée Poko, dont le père est présenté comme un chef dagõmba résident à Daboya, qui engendrera, de son union avec un homme errant bisa, un fils nommé « Widraogo ».

Et le lieu de la rencontre entre Poko et l'homme bisa est Gãmbaaga (version identique à celle de Carrier-Moulins : «Le pays mossi et sa population…,1907)  [Voir Izard : 1970, I, 83]

Quant à la volonté des Moose et des Yãanse de faire de Gãmbaaga (et non la région de  Pusga) le lieu d'origine de leurs ancêtre, Kawada explique cet anachronisme  par le fait de la fondation d'une puissante chefferie à Gãmbaaga, et surtout par le fait que cette ville soit devenue un centre commercial renommé par sa prospérité.

Il suggère que :

 « le lieu où s'est produite la séparation entre la branche mosi et celle des Mamprusi devait être Pusga, et l'installation des Mamprusi à Gambaga a dû avoir lieu plus tard. Comme « Gambaga » ne devait pas être connu par les ancêtres mosi (Nakombse) à l'époque de leur séparation avec les Maprusi, ce nom a été intégré dans l'histoire de Ouagadougou sûrement après l'intensification des rapports entre Ouagadougou et Gambaga (après la stabilisation des deux villes comme centres politiques et commerciaux), à savoir, après la seconde moitié du XVIIIe siècle. Si l'on tient compte du fait que plusieurs éléments (entre autres, le thème de retour de Wedraogo chez les grand-père maternel, le thème de son rapport intime avec celui-ci et de son départ

vers le nord qui manquent chez les Mosi Méridionaux, sont communs à la tradition de Ouagadougou et à celle de Gambaga, le contact entre ces deux centres dut être direct plutôt qu'indirect par l'intermédiaire de Tenkodogo. »  (Kawada, op. cit., p.139)

 

Les Traditions historiques de Tenkodogo (qui devaient être plus concernées par ces évènements), contrairement à celles de Ouagadougou et de Gãmbaaga, observe Kawada, sont moins prolixes sur la légende de la fille du chef de Gambaga et du chasseur errant.

Il en déduit que :

« A partir de ce qui précède, nous supposons que la légende relative à l'origine de la chefferie mosi racontée à Ouagadougou soit le produit d'une ré-interprétation tardive ( probablement après l'époque surmentionnée de l'intensification des contacts entre Ouagadougou et Gambaga-Nalerigu), faite à l'aide d'éléments anecdotiques empruntés qui se rencontrent aujourd'hui à la fois chez les Mosi de Ouagadougou et chez les Mamprusi de Gambaga-Nalerigu, mais qui sont absents ou presque chez les Mosi méridionaux. » (Ibid., p.146)

Il pense que les fondateurs des royaumes moose devraient être partis de la région de Pusga et non de Gãmbaaga (Ibid., p.125 et 139)

 

Revenons au récit de la fondation des différents royaumes.

Le fils de Sitobu, Nyagse, lui succéda et soumit les Dagmba ainsi que les Kkmba, consolidant ainsi le royaume fondé par son père.­­­

Sitobu après un bref séjour à Gãmbaaga, alla à Nabare (selon Tamakloe, ce fut un village situé près de Walewale. Il pourrait être identifié à Navrongo actuel). Son fils Nyagse s'installa à Bagale, tua de nombreux chefs de terre « dagõmba » et nomma à leur place ses frères et ses oncles (Tamakloe, op. cit., pp. 12-16)

 

 

(Cartes in Valère D. Naciele Sõme : Thèse de doctorat, Vol. I. 1996, p.96)

 

Tohugu, quant à lui, régna à Mamprugu. Ce serait Nyagse qui, selon le professeur Ki-Zerbo (op. cit. p.266), aurait fondé la capitale Yendi et plaça les chefs de terre (tendana) autochtones  sous le contrôle politico-militaire des princes dagõmba.

Tamakloe dans son récit, comme on peut s'en rendre compte, ne mentionne pas de relation entre Dagõmba et Moose, mais celle entre Dagõmba et Mampruse.

Tohugu fonda donc le royau­me mampruse (à Nalerigu); Nyamtambu, celui de Nanῦmba(à Bimbila).

Le fait que Sitobu ait choisi son fils Nyagse pour lui succéder entraîna, selon le récit de Tamakloe, la révolte de ses trois frères : Biemmone, Bogoyelgo et Ngamtambo.

Biemmone ira s'établir à Gunayiri et deviendra, par son mariage avec une «prêtresse», le fondateur de la principauté de Karaga.

Bogoyelgo suivi de ses partisans ira s'établir au milieu des Kõkõmba à Sunsun et réussira progressivement à les assujettir en devenant leur chef.

Ngamtam, appelé aussi Ngamtambo, se dirigea vers l'est et s'installa au sein des Nanῦmba. Il fonda le royaume des Nanῦmba à Bimbila après avoir éliminé le chef de terre de cet endroit.

Sibie, après s'être installé à Kugo, reconnut la souveraineté de Nyagse et le rejoignit à Bagale où il joua auprès de lui le rôle de prédicateur. Il sera nommé par Sitobu chef de Gbalga, Tannyeli, Nankukpalgo, Nanluo et d'autres villages.

NaNyagse (que Tamakloe fait descendre de N'Gaamtam ou NGam­tambu) unifia tout le pays des Dagmba (le Dagb) peu après que le Na N'Gamtam ait fondé le royaume des Nanῦmba  (au sud de Djérek-Pana). Cela se serait passé vers 1416. Il soumit les « Dagbãmba»  (Dagõmba) et les «Kõkõmba ».­­

J. D. Fage, quant à lui,  a suggéré que Na Nyagse, le premier Ya Na (Dagõmba),  a régné non entre 1416 et 1432, comme le dit Tamakloe, mais entre 1476 et 1492. Il fixe la date effective de la consolidation du Dagbõ à 1480 à peu près.

La tradition  mampruse (A. Illiasu : Origin of the Mossi-Dagomba States; Research Review, Vol. vii, N° 2. 1971, p.99), quant à elle, affirme que Tohugu régna à Mamprugu et que c'est son successeur, Na Zobzia, qui ramena la capitale à Gãmbaaga. La prin­cesse Yẽnega des Moose serait la fille de ce dernier qui se serait enfuie et aurait rencontré le chasseur dont le fils donnera naissance à l'ancêtre des Moose.

La tradition moaaga tient Yẽnega (celle dont le fils, Wedraogo, sera le fondateur du royaume des Moose) pour la fille d'un chef de Gãmbaaga nommé Nedega  ( Na-Dega).

La conquête de l'Ouest  dagõmba  sera l'œuvre de la  cavalerie «dagõmba», qui tuait et enlevait les indigènes (« tẽndãmba ») et les remplaçait par les membres de la dynastie royale et les capitaines de l'armée.

C'est ainsi que les jeunes frères de Sitobu furent installés à la tête des royaumes conquis: l'un, Biemone, devint «Karaga-Na» (chef de Karaga), un deuxième, Biyumkomba, devint «Mionla-Na», et un troisième, Bojyeligu (ou Bogoyelo), devint le «Sunson-Na».

Bogoyelo ira fonder Bagale, puis Sumson, aux limites du pays kõkõmba. De Sumson, un chef dagõmba ira s'installer plus au nord où il soumettra des Kõkõmba (Mémoire de l'Institut Français d'Afrique Noire; Dakar ,1954).

Le premier Kuga-Na, Sibie, serait un autre frère de Sitobu.

Les Dagõmba tout en massacrant un grand nombre de «tẽndãmba » (les autochtones) ne s'attaquèrent pas aux fondements de la chefferie traditionnelle (les chefs de terre). En effet, dans la plupart des endroits les « tẽndãmba » (les autochtones) furent maintenus dans leurs fonctions de chef de terre mais chapeautés par un chef politique dagõmba. C'est la même attitude qui fut observée par les conquérants  des Nakõmbse  dans la création des royaumes moose. L'imposition de nouveaux chefs politiques n'a pas détruit les attributions des «tẽndãmba».

Si l'on se réfère à certains auteurs, les chefs dagõmba se sont arrogés quelques-unes des prérogatives des prêtres de la terre. Ces prérogatives ont été confisquées par le «Ya-Na» lui-même.

La conquête de l'Est dagõmba, postérieure à celle de l'Ouest, a eu lieu avec apparemment moins de massacres des prêtres de la terre. L'occupation finale de cette région  a pu avoir lieu au dix-septième siècle  après que la capitale eut été transférée à son emplacement actuel de Yendi.

Les Dagõmba repoussèrent les Kõkõmba  et établirent des chefs  vassaux parmi eux. Mais il semble que les Kõkõmba n'ont pas subi véritablement la domination des Dagõmba. Cette domination a pris la forme d'entreprise de razzias d'esclaves et d'expéditions punitives. Les Kõkõmba n'ont été en aucun cas assimilés. Les relations entre eux et les Dagõmba étaient distantes, voire hostiles, même si cependant il y eut entre eux des inter-mariages.

 

Ce que l'on peut considérer aujourd'hui comme étant le pays des Dagõmba se trouve  limité:

- sur le côté est par  le territoire des  Kõkõmba ;

- au nord par le Mamprugu et le pays des Nanῦmbadu sud ;

- les autres voisins des Dagõmba - les  Gõja, Tampolesi et Chokosi -  étaient incontestablement de culture différente.

Comme  grandes villes dagõmba, on peut citer : Tamale et Yendi.

« Des royaumes fondés par les descendants de Na Gbewa (maprusi, nanumba, dagomba, seul le Royaume dagomba joua un rôle de premier plan à partir de Na Nyagse (1460-1500) » (« Du Niger à la Volta » article co-signé par M. Izard et J. Ki-Zerbo in Histoire générale de l'Afrique . V. L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle. Directeur de volume, B. A. Ogot. Éditions UNESCO, Paris,  1999, P. 406)

 

Le chef de Gãmbaaga lui-même a longtemps détenu son autorité du Ya-na (chef de Yendi appelé Yandé en Mossi) avant que l'administration coloniale ne se mette en place.

 Ce que l'on appelle  le Grand Dagbõ (« Greater Dagbon ») dont Gbewa est considéré comme le fondateur rassemble de nos jours le Dagbõ, le Mamprugu et le Nanung.

  Quant à l'histoire de l'établissement des Moose dans leur emplacement actuel, Il est communément admis que ce sont des Dag­mba ( ?), originaires de Gãmbaaga ( ?) , ville du nord-est du Ghana,  opérant une poussée vers l’est, qui ont investi l’ac­tuel territoire des Moose pour édifier les différents royaumes.

 

 [suite de l'article]



24/10/2011
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